Arbitrage Tapie Christine Lagarde, coupable sans peine

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Le procès intenté à l’ancienne ministre de l’Économie, Christine Lagarde, a connu, à utiliser un euphémisme, un dénouement pour le moins peu ordinaire. La Cour de Justice de la République, une juridiction spéciale créée en 1993 a eu à juger en premier, l’horrible affaire du sang contaminé. Laurent Fabius et Georgina Dufoix avaient été épargnés, tandis qu’Edmond Hervé, Secrétaire d’état à la Santé avait été jugé coupable mais dispensé de peine. C’est d’ailleurs lors de cette affaire que le fameux concept de responsable mais non coupable est né.

Si la raison, le bons sens et la morale admettent aisément qu’un innocent ne doit pas être condamné – Innocentem non condemnari – , un acte criminel ne doit pas demeurer impuni – Impunitum non relinqui facinus –

Or, cette affaire qui traîne depuis 2007, c’est-à-dire depuis qu’elle a été confiée à un tribunal arbitral sous la houlette de la ministre de l’Économie, porte quand même sur une somme colossale d’argent public. Il est évident que lorsque l’on a à plancher sur de telles affaires, la prudence et la rigueur sont de mise et la négligence devient un délit, voire un crime, surtout à ce niveau de responsabilités et en de telles circonstances. L’imprudence et la négligence ne sauraient constituer une excuse pour se soustraire au glaive de la justice. Or, le verdict qui condamne l’illustre inculpée n’est assorti d’aucune peine, ce qui est difficilement concevable.

La négligence constitue un délit, même si elle est involontaire, car on n’a pas le doit d’être négligent tout au long d’un tel processus.

Certes, Christine Lagarde a été condamnée et si, une telle décision donne bonne conscience aux juges vis-à-vis d’eux-mêmes et du peuple qui les observe, elle soulève des questionnements légitimes.

À quelle peine a -t-elle été condamnée ?  Christine Lagarde a été condamnée à rien.

Certes, on peut comprendre qu’il s’agisse d’une condamnation morale, mais la loi pénale s’applique dans toute sa rigueur par des juges qui prononcent des peines. Celles-ci peuvent consister en une privation de liberté, une amende et/ou des dommages et intérêts, la décision pouvant être assortie d’un sursis à exécution.

Le condamné peut éventuellement bénéficier d’une grâce présidentielle.

Il s’agit là d’un précédent fâcheux à même de discréditer cette institution qui, rappelons-le, a été instaurée pour juger les ministres du gouvernement.

Mais force est de constater que le spectacle offert au peuple par cette CJR (Cirque de la justice Républicaine) conforte plus que jamais la sentence de notre célèbre fabuliste : « Selon que vous serez puissant ou misérable, Les jugements de cour vous rendront blanc ou noir. »

Madame Christine Lagarde, Directrice générale du FMI, vient de bénéficier d’un jugement équivoque qui la condamne tout en la dispensant de peine. Une décision qui fera date dans l’histoire de la république.

La moralité de cette histoire est que Christine Lagarde a, par « mégarde », offert sur un plateau d’argent, un demi-milliard d’euros à l’homme d’affaires Bernard Tapie, une somme colossale que la justice ordinaire lui avait auparavant refusé ; et, en guise de récompense, elle a été propulsée à la tête du Fonds Monétaire International (FMI) avec la bénédiction du gouvernement actuel.

Comprenne qui pourra…


L’ex-ministre de l’Économie a été condamnée lundi pour «négligence» dans sa gestion de l’affaire Adidas. Une décision qui ne sera pas inscrite dans son casier judiciaire mais qui risque de peser sur son maintien à la tête du FMI.  

Arbitrage Tapie Christine Lagarde, coupable sans peine

Hypocrisie, jésuitisme, faux-dercherie… Chacun cochera sa case pour commenter la décision de la Cour de justice de la République (CJR) statuant sur la gestion par Christine Lagarde de l’affaire Tapie, rendue publique lundi après-midi : condamnée pour «négligence» mais dispensée de peine. Avec cette cerise sur le gâteau : non-inscription au casier judiciaire. Les juges de la CJR (composée de six députés, six sénateurs et trois magistrats de la Cour de cassation) n’ont pas tranché entre culpabilité et innocence.
Lagarde coupable
A écouter la présidente de la CJR, Martine Ract-Madoux, haute magistrate de profession, la culpabilité de l’ex-ministre de l’Economie ne fait aucun doute. Elle ne saurait se retrancher derrière l’autorité de Nicolas Sarkozy ou François Fillon, comme l’avait suggéré le parquet pour requérir sa relaxe : «Madame Lagarde affirme ne pas avoir agi sur instruction du Premier ministre ou du président de la République, assume l’entière responsabilité de ses choix. Elle était donc décisionnaire, dépositaire de l’autorité publique.»
Dans le détail, la CJR l’innocente sur sa décision d’entrer en arbitrage, en 2007, en vue de solder l’antique litige entre Bernard Tapie et l’Etat français (héritier des casseroles du Crédit lyonnais entre-temps privatisé) : «Compte tenu des précédentes tentatives de médiation [en 2004, sous le bail de Sarkozy à Bercy, ndlr], la preuve n’est pas apportée d’une négligence.»
En revanche, la CJR l’accable sur sa décision, en juillet 2008, de ne pas former un recours une fois rendue la sentence arbitrale accordant 403 millions d’euros à l’homme d’affaires (dont 270 lui reviendront en net, après compensation de créances bancaires et fiscales). La CJR n’entend pas refaire le match Adidas, savoir si Tapie aurait été spolié ou pas par le Crédit lyonnais, s’il méritait ou pas des dommages et intérêts. Mais elle s’étonne du «préjudice moral» de 45 millions, dont le «montant exorbitant caractérise un détournement de fonds publics».
Christine Lagarde ne pouvait pas connaître, à l’époque, les liens anciens entre l’un des arbitres et l’un des avocats de Bernard Tapie. L’Etat français ne découvrira cette information que sept ans plus tard, surfant sur la procédure pénale menée parallèlement pour faire annuler l’arbitrage en 2015. Peu importe, estime la CJR, rappelant que Lagarde s’était alors déclarée «stupéfaite» par le montant de ce préjudice moral : rien que pour ce motif, elle aurait dû faire un recours, estiment ses juges, la polémique à l’époque «ne pouvant se résumer au manque d’impartialité de l’un des arbitres».
Lagarde dispensée de peine
Pour en arriver là, la CJR multiplie les précautions préliminaires : «Sa responsabilité politique, de nature différente, ne saurait empêcher la justice pénale de statuer» à son endroit. À la différence du parquet, qui estimait trop «subtile» la frontière entre les deux sphères, les juges n’ont donc pas hésité à marquer leur territoire. Mais pour aussitôt retenir leur glaive au moment de prononcer une sanction pénale, au prétexte de «la personnalité, la stature nationale et internationale» de Lagarde.
En droit pénal français, la dispense de peine peut être accordée si «le reclassement du coupable est acquis». En l’espèce, Lagarde dispose de garanties de réinsertion, à la tête du Fonds monétaire international (FMI) ou ailleurs. L’absence de mention de sa condamnation au casier judiciaire y contribuera également. Mais surtout, la dispense est réservée au cas où «le dommage causé est réparé, le trouble résultant de l’infraction a cessé». Sur ce point, mentionné explicitement dans l’arrêt de la CJR au motif que «la conséquence de ses actes a pris fin», c’est la bouteille à l’encre. De fait, l’Etat français a obtenu l’annulation de l’arbitrage en février 2015, puis fait rejuger l’affaire Adidas en octobre 2015 devant la cour d’appel de Paris, laquelle n’accordera que l’euro symbolique à Bernard Tapie. Mais si Bercy a finalement obtenu gain de cause sur le papier, il n’est pas encore rentré dans ses fonds, l’homme d’affaires s’étant depuis placé sous sauvegarde du tribunal de commerce (un cran en deçà de la faillite).
Lagarde toujours au FMI ?
«Elle n’est pas condamnée puisqu’elle n’est condamnée à rien», a affirmé son avocat, Patrick Maisonneuve, après la décision de la CJR – réfléchissant par ailleurs à un éventuel pourvoi en cassation. Il va falloir expliquer aux financiers anglo-saxons les subtilités du droit français…
Jusqu’ici, la femme la plus puissante du monde pouvait compter sur le soutien du conseil d’administration du FMI (189 Etats membres). Mais c’était avant, lorsque l’ex-ministre de l’Economie n’était que témoin assisté, puis mise en examen, et enfin prévenue. Certes, rien dans les statuts de l’institution n’oblige sa directrice à quitter ses fonctions. Mais lundi, à peine connue la décision de la CJR, le FMI s’est fendu d’un communiqué déclarant qu’il «devrait se réunir bientôt pour évaluer les plus récents développements». Récemment interrogé sur le procès de Christine Lagarde et l’impact que pourrait avoir une éventuelle condamnation, le porte-parole du FMI avait, de façon elliptique, refusé de se lancer dans une quelconque prophétie. Légalement, elle ne bénéficie d’aucune immunité et peut donc continuer à exercer ses fonctions (nonobstant une mise en congés durant son procès), mais à condition qu’elle ait le soutien du conseil d’administration, dominé par les Européens et les Américains. «Des pays en développement vont vouloir saisir cette occasion pour écourter son mandat, il risque d’y avoir une bataille avec les pays occidentaux. Mais impossible de connaître la position des Etats-Unis et de la future administration Trump», estime un ancien haut fonctionnaire.
Seule candidate à sa propre succession, Christine Lagarde s’est frayé un chemin jusqu’au gotha des leaders mondiaux, ce qui lui garantissait jusqu’ici des soutiens de poids. Arrivée à la tête du FMI en juillet 2011, succédant à un Dominique Strauss-Kahn contraint de démissionner car embourbé dans le scandale du Sofitel, elle n’est pas à l’abri d’être virée du Fonds. La […]
Renaud Lecadre — Libération 

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