Monsieur Mohand Sidi Saïd nous propose ici un livre intéressant, paru aux éditions des Presses du Châtelet titré, Au secours notre santé est en péril ! (2016, 192 p. 17 €). Ce livre est intéressant car il a été écrit par un haut responsable de l’industrie pharmaco-chimique, Big Pharma. En effet, ce dernier a passé plus de 40 ans au sein du groupe Pfizer dont il sera le vice-président à New York. C’est donc un témoignage précieux dont nous disposons ici, d’autant que ce genre de récit est extrêmement rare.
Dès les premières, pages Monsieur Mohand Sidi Saïd nous explique l’extrême violence règnant dans les hautes sphères de ces groupes gigantesques. Comment des dirigeants se font virer sans ménagement, du jour au lendemain. Il insiste aussi sur le fait que le marketing et la course aux profits et aux dividendes a pris le dessus sur tout le reste et notamment sur la section recherche et développement (R&D). Il le dira clairement à la page 19, il veut faire son mea culpa car son entreprise n’avait à l’époque de ses responsabilités d’autres buts que ceux de l’intérêt général et de la santé des populations.
L’autre intérêt de ce livre réside dans le fait que ce responsable de Big Pharma a beaucoup voyagé dans quasiment tous les pays du monde et connaît parfaitement leur système de santé, du plus performant au plus catastrophique. Il relatera dans les pages suivantes ces systèmes de santé en essayant de récupérer ce qui se fait de mieux ailleurs afin d’en améliorer l’efficacité. L’objectif de l’auteur est de faire accéder tout le monde à la santé, du plus misérable aux plus riches d’entre nous.Il dénoncera sans concession les scandales des dernières années comme celui par exemple de la Thalidomide, du Mediator ou du Tamiflu… (p.59-62). Il dénonce également le prix exorbitant des médicaments génériques (p. 108) et plaide pour le retrait immédiat des médicaments inutiles et non pas simplement leur déremboursement, ce qui semble être parfaitement logique et raisonnable puisque ces médicaments ne servent absolument à rien si ce n’est à créer des effets secondaires supplémentaires qui peuvent être extrêmement dangereux, voire mortels lorsqu’ils sont pris avec d’autres médicaments.
Nous pouvons par contre lui reprocher une certaine naïveté politique puisque nous pouvons rencontrer dans ces pages des mots gentils pour l’ex-président brésilien Lula dont on sait aujourd’hui que c’était un escroc corrompu. Ce qui arrange grandement les affaires de Big Pharma au passage. Nous pouvons également lui reprocher le fait de croire un peu trop à la technologie et aux innovations alors que les dernières années nous ont prouvé le contraire systématiquement. Concernant le cancer par exemple et les milliards d’euros dépensés en recherche, nous ne constatons absolument aucune amélioration dans plus de 90 % des cas de cancers solides. Il ne suffit pas de donner des taux de survie à moins de cinq ans pour tromper les lecteurs. Concernant le sida nous ne pouvons que lui conseiller de voir le documentaire House of Numbers. Pour ce qui est du prix de développement d’une molécule qui varierait de 500 millions à 1 milliard de dollars, nous ne pouvons que constater que cette somme n’a absolument aucun sens et qu’elle doit être avant tout revue à la baisse. Rien au monde ne peut justifier un tel prix, aucune étude quelle qu’elle soit ne le peut.
Le bilan est catastrophique effectivement, l’auteur annonce qu’un grand nombre de firmes pharmaco-chimiques vont disparaître puisqu’elles ne découvrent plus rien, se reposant sur leurs lauriers (p. 159). Vous connaissez peut-être la fameuse technique du me-too, technique qui consiste à changer légèrement une molécule existante afin de faire durer encore plus son brevet.
Enfin, nous ne pouvons faire l’impasse sur la question essentielle des scandales meurtriers de Big Pharma. Question que l’auteur semble sous-estimer malheureusement. Se sont tenus dernièrement les débats du 27e Festival de la Communication Santé, organisés par le lobby pharmaco-chimique (Leem). Une des questions posées était le fait de comprendre pourquoi cette industrie avait une si mauvaise image chez le public. Question très curieuse que nous nous proposons de résoudre en quelques mots. Et si cette industrie cessait de tuer des centaines de milliers de personnes sans jamais en payer le prix alors que le citoyen lambda paye pour un crime infiniment moins grave et se retrouve jeté en prison. Il est question ici de vies humaines, de celles de nos proches, et il est totalement inconcevable et inacceptable de laisser passer de tels massacres de masse sans conséquences pénales.
L’objectif de l’auteur est certes noble, celui d’universaliser l’accès à la meilleure santé possible à toute personne vivant sur notre triste planète. Malheureusement, cette tâche va s’avérer extrêmement ardue étant donné que nous sommes dirigés par des sociopathes et des criminels.