Nous assistons à une véritable tiers-mondisation des hôpitaux français malgré des moyens considérables et un budget de la sécurité sociale de 150 milliards d’euros. Les bâtiments sont délabrés, les punaises de lit sont partout, les rats pullulent, le personnel en sous-effectif est désespéré et sous pression ; le système de maintenance n’existe quasiment plus puisqu’il faut plusieurs mois pour changer le moindre carreau cassé… Les milliers de morts chaque année suite à des maladies nosocomiales dans la principale cause est un déficit d’hygiène ! Bref, la situation est catastrophique ce qui n’empêchera pas la ministre actuelle de la santé de parader sur les plateaux télé en expliquant que tout va bien et que tout sera réparé comme s’il s’agissait d’un simple rafraîchissement des peintures !
De graves incidents touchant la chambre mortuaire ont récemment ébranlé l’établissement marseillais, signe d’un mal profond.
C’est un dédale de bâtiments sans charme, desservis par des trottoirs chevauchés par des voitures mal garées. Des routes parsemées de plaques de tôle, de poubelles, d’arbres rebelles, et d’une signalétique qui rappelle au visiteur qu’il est bien dans l’enceinte d’un hôpital : la Timone, à Marseille. Le troisième CHU de France. Il y a six mois, un drame s’est déroulé dans la “zone 7”, où se trouvent la médecine légale et l’entrée de la morgue. Avec leur bébé sans vie dans les bras, Marine et Julien y ont erré pendant plusieurs heures, à la recherche de la chambre mortuaire. Un drame qu’ils ont raconté dans La Provence, comme pour exorciser la perte de Lilou, trois jours, emportée par une malformation cardiaque.Le troisième étage du nouveau bâtiment de réanimation pédiatrique où Lilou est décédée ne possède pas d’espace pour accueillir la dépouille de l’enfant. Dans leur chambre, les parents endeuillés attendent qu’une brancardière trouve un couffin, destiné au transport des nouveau-nés. En vain. Dans le même temps, aucune ambulance n’est disponible pour assurer le transport jusqu’au dépositoire, situé à 700m de là. Excédée, Marine décide de prendre sa fille dans ses bras et d’entamer sa marche funèbre. Son récit est insoutenable. Elle finit par trouver la chambre mortuaire, accompagnée par la brancardière. Mais sur place, personne ne lui ouvre les portes, fermées après 17h.Inversion de cadavres
Cette histoire a trouvé un écho funeste à la fin du mois de février. Cette fois, deux corps ont été inversés lors d’une incinération à la morgue. Une famille a assisté aux funérailles d’un bébé qui n’était pas le sien. Quelques semaines plus tôt, c’est le corps d’un homme de 70 ans qui était inhumé par erreur, après un nouvel échange dans les frigos de la Timone. Deux incidents de plus, de trop, pour l’établissement marseillais qui s’est spécialisé dans la publication des communiqués de crise. Marine et Julien ont été reçus par la direction générale de l’AP-HM (l’assistance publique des hôpitaux de Marseille, qui regroupe la Timone, l’Hôpital Nord, la Conception et Sainte-Marguerite), mais ne peuvent se contenter des explications évoquant un “enchaînement de dysfonctionnements”. Rien ne peut atténuer leur colère, ni les excuses, ni les mesures correctives annoncées depuis par l’hôpital.En urgence, une salle dédiée au recueillement a bien été ouverte. Un accompagnement psychologique et une meilleure information sont censés être prodigués aux familles. Parallèlement, une enquête a été diligentée par l’Agence régionale de santé. Elle doit vérifier ce qu’il s’est passé dans “l’organisation, le fonctionnement et les locaux” de la chambre mortuaire. Ses conclusions ne seront pas rendues avant un mois. Mais du côté de la Timone, personne n’en attend grand chose, si ce n’est un rappel des recommandations en matière d’accompagnement des familles endeuillées.Cafards et punaises de lit
Pour une partie du personnel soignant, ces trois épisodes dramatiques illustrent une réalité bien plus large. Dans cet hôpital, c’est l’institution elle-même qui semble en phase terminale, affaiblie au-delà du supportable par des finances exsangues, comme le relevait déjà en 2015 un rapport de l’Igas (l’Inspection générale des affaires sociales). “Comment vous dire… On n’est même plus étonnés, se désole Yves Castino, aide-soignant et délégué CGT. Cela dénote de dysfonctionnements importants dans plusieurs domaines.” D’abord, des locaux inadaptés. “Dans un service de réanimation pédiatrique, normalement, il doit y avoir un lieu, une chambre, permettant à la famille de se recueillir. Mais jusqu’au drame [et aux mesures qui en ont découlé], les gens devaient se débrouiller.” Le service en question a été transféré récemment dans un immeuble neuf, mais le reste des locaux présente des signes d’insalubrité.
Dans certaines chambres, les familles doivent parfois s’accommoder de fauteuils éventrés, de tables de nuit cassées et composer avec les cafards ou les punaises de lit. « Vous vous demandez si vous n’êtes pas dans la brousse », se désole Aïcha, infirmière encore en activité. Elle dénonce des locaux en ruine : « Quand on voit l’état des chambres en neuro… La peinture qui tombe, les douches vétustes jamais rénovées, la lumière, les stores, qui ne fonctionnent pas, des trous dans le sol… On aimerait que ce soit réparé, mais ça ne vient pas.« À vrai dire, tous les étages ne sont pas logés à la même enseigne. Au 3e (chirurgie de la main), 7e (médecine interne) et 10e (cardiologie), tout est refait à neuf. Des projets sont aussi en cours pour la médecine nucléaire, le laboratoire ou les urgences neuro-vasculaires, la direction promettant un service « flambant neuf » en 2020.
En revanche, quand une vitre est cassée en psychiatrie, « on ferme les volets. Et ça peut prendre des mois avant que le carreau soit réparé », embraye Audrey Jolibois, déléguée FO. La nuit, au pied des bâtiments, ce sont les rats qui s’invitent pendant les pauses cigarettes. Le soir de la mort de Lilou, la maman éplorée avait décrit le ballet des rongeurs, attirés par les poubelles, à quelques mètres de la porte du dépositoire…* Le prénom a été changé à la demande de l’intéressée.