Nous l’affirmons depuis déjà quelques années, une crise financière très grave nous pend au nez, elle sera bien plus lourde et ses conséquences bien plus dévastatrices que celle de 2008 et ce n’est pas nous seuls qui l’affirmons mais bien un expert de JP Morgan qui travaille depuis des décennies. Comment se fait-il qu’un type de son expertise insiste sur l’imminence d’une telle crise alors que les politiciens au pouvoir qui dirigent le pays n’en ont pas entendu parler ?! Comment est-ce possible ? En réalité, comme nous l’expliquons depuis 2007, la finance mondiale est un château de cartes qui risque de s’effondrer n’importe quand car personne ne sait comment ça fonctionne et que tout ceci ne tient que par la disgrâce du diable !
À 46 ans, Anton Pil est responsable du département global alternatives chez JP Morgan.Le Courtraisien dirige aujourd’hui 850 banquiers à travers le monde et gère 130 milliards de dollars d’actifs.« Savez-vous que nous sommes le plus grand propriétaire immobilier des États-Unis? Nous gérons des propriétés pour une valeur totale de 90 milliards de dollars.» Anton Pil (46 ans) le dit en passant. Rien dans son attitude modeste et sa voix calme ne laisse supposer qu’il est personnellement responsable de ce gigantesque portefeuille.En tant que responsable du département global alternatives chez JPMorgan, il dirige une équipe de 850 banquiers patrimoniaux, qui investissent principalement l’argent des gouvernements, des fonds étatiques, des universités et des fonds de pension, non seulement dans l’immobilier, mais aussi dans les infrastructures, les fonds spéculatifs, et le private equity. La valeur totale des actifs sous sa responsabilité se monte à 130 milliards de dollars. Curriculum vitae
- Né à Courtrai en 1972
- A obtenu un doctorat en Génie mécanique au MIT.
- Travaille depuis plus de 23 ans chez JPMorgan (Londres et New York).
- Occupe actuellement le poste de Managing Partner auprès de JPMorgan Global Alternatives, le département de gestion patrimoniale qui investit dans l’immobilier, le Private Equity, les infrastructures, les fonds spéculatifs et les solutions liquides à hauteur de 130 milliards de dollars.
- Vit à New York et détient la double nationalité (belge et américaine). Il est marié et a quatre enfants.
Anton Pil nous reçoit dans l’espace d’accueil exclusif, au 31e étage du siège social de JPMorgan, situé Park Avenue à New York. À l’extérieur, l’Empire State Building et le Chrysler Building resplendissent sous le soleil printanier.Le banquier belge a déjà accordé des interviews à des médias internationaux comme le Financial Times et le Wall Street Journal, mais c’est la première fois qu’il rencontre la presse belge. Tout simplement parce qu’il n’est pas très connu en Belgique.Cela fait 23 ans qu’il travaille pour JPMorgan, surtout à New York. « À Wall Street, c’est exceptionnel de rester aussi longtemps dans la même société », explique-t-il en riant. Son accent et quelques mots de dialecte, ponctués de jargon anglais, trahissent ses origines: il vient sans aucun doute de Flandre-Occidentale.« Je suis né à Courtrai, mais ma famille a rapidement déménagé au Brésil, où mon père travaillait pour Bekaert », raconte Anton Pil. Il a ensuite vécu pendant quelques années à Anvers, pour finalement partir aux États-Unis, et se retrouver chez JPMorgan après des études d’ingénieur au MIT. Il y a mené une carrière fulgurante entre autres dans le département private banking. Il rend compte en ligne directe au CEO Jamie Dimon, et est également ami de Jan Loeys, le stratégiste en chef belge de la banque.« Lorsque le taux à 10 ans américain se rapprochera de 4%, les gens vendront leurs actions.» Anton Pil reconnaît que les temps sont durs pour les investisseurs. De plus en plus de spécialistes mettent en garde contre les valorisations élevées des actions. Et avec l’augmentation des taux, les obligations pourraient elles aussi souffrir. « Ce dernier point est en train de devenir un vrai problème. C’est pourquoi le département que je dirige est très recherché. Nous investissons dans toutes les solutions alternatives aux actions et obligations, comme l’immobilier et les infrastructures.»Sommes-nous réellement à la fin de la période de haute conjoncture dans le cycle économique, comme on l’entend souvent dire ?L’économie peut poursuivre sur sa lancée pendant encore un an ou deux, car le marché regorge de capitaux. Mais aux États-Unis, nous sommes proches de la fin du cycle. Et le recul dans le reste du monde pourrait avoir lieu plus tôt que nous le pensons. L’économie ne ralentira pas soudainement, mais lorsque le taux à dix ans américain se rapprochera de 3,5 à 4%, les gens vendront leurs actions et se réfugieront dans les obligations.Le marché d’actions risque de voir disparaître beaucoup d’argent. Je ne m’attends certainement pas à une crise de la même ampleur qu’en 2007 et 2008, mais la probabilité d’une longue période avec des marchés en berne est plus élevée. Beaucoup partent du principe que les Bourses baisseront pendant six mois pour retrouver rapidement leur niveau, parce que cela fait de longues années que nous n’avons pas connu de période de recul. Mais je pense que la crise pourrait durer plus longtemps, par exemple pendant deux à trois ans. “Si les taux américains continuent à monter, le dollar poursuivra son ascension. Et dans ce cas, les pays émergents, qui ont beaucoup de dettes libellées en dollars, se retrouveront en difficulté.”Si les taux américains continuent à monter, le dollar poursuivra son ascension. Et dans ce cas, les pays émergents, qui ont beaucoup de dettes libellées en dollars, se retrouveront en difficulté. Ce qui se passe aujourd’hui en Turquie et en Argentine n’est pas un hasard. Je suis plutôt pessimiste à ce propos.En tant que « demi-Américain » quelles seront selon vous les conséquences de la politique de Donald Trump sur l’économie mondiale ?Aussi loin que je me souvienne, je n’ai jamais vécu une période sans problèmes géopolitiques dans le monde. Il se passe pour ainsi dire toujours quelque chose. Aujourd’hui, nous nous faisons du souci pour la Turquie et pour les relations commerciales avec la Chine, mais demain, il y aura autre chose. Historiquement parlant, la géopolitique n’a jamais été une bonne prédicatrice des mouvements sur les marchés.N’est-ce pas un peu léger comme réponse ? Après les taxes douanières américaines sur l’acier et l’aluminium, nous nous dirigeons tout droit vers une guerre commerciale et les négociations entre les États-Unis et la Chine menacent d’échouer.
Pour l’instant, il s’agit surtout de menaces de guerre commerciale entre les États-Unis et l’Union européenne, et encore, elles ne concernent qu’une seule industrie. C’est pourquoi je ne m’en fais pas trop. En ce qui concerne la Chine, on peut bien entendu discuter du déroulement des négociations, mais on ne peut nier que le déséquilibre entre les deux pays se monte à des centaines de milliards de dollars.Bien entendu, les économistes mettent en garde contre les guerres commerciales, mais d’un point de vue historique, le déficit commercial des États-Unis par rapport à la Chine est un fait unique. Nous pouvons encore attendre un an ou deux et voir comment les choses évoluent, mais cela deviendra de toute façon un problème, pas uniquement pour les États-Unis, mais aussi pour la Chine. Car si les États-Unis se retrouvent en difficulté, la Chine suivra, car elle exporte énormément aux USA. “Il faut reconnaître que l’Europe, après toutes ces années, représente encore une union économique. Mais l’absence de revenus communs européens n’est pas viable à long terme.”Entre-temps, l’euro continue à trembler sur ses bases, avec le chaos politique en Italie. Dans quelle mesure tenez-vous compte du scénario de la poursuite éventuelle de la dislocation de l’Union européenne?Il faut reconnaître que l’Europe, après toutes ces années, représente encore une union économique. Mais l’absence de revenus communs européens n’est pas viable à long terme. Je ne peux pas dire si c’est politiquement faisable, mais à terme, vous devrez émettre des obligations paneuropéennes si vous voulez garantir de la stabilité aux investisseurs étrangers. Le projet européen a déjà survécu à de nombreuses crises, et les enjeux sont trop importants pour y renoncer maintenant.Les Britanniques ont pourtant franchi le pas
C’est vrai. Et si le Royaume-Uni réussit à s’en sortir en dehors de l’UE, de nombreux citoyens reverront leur position. C’est une question qui m’inquiète pour l’avenir de l’Europe.Vous n’excluez donc pas ce scénario?
Le Royaume-Uni a toujours réussi à se redresser après chaque changement structurel dans son histoire. Ce que je vais dire est probablement discutable, mais je ne parierais pas mon argent contre ce pays. Car les Britanniques et leur économie sont très flexibles. S’ils ne réussissent plus dans le monde financier, je les vois très bien faire une percée par exemple dans le secteur technologique.Crise bancaireJPMorgan s’est finalement sortie à bon compte de la dernière crise bancaire, mais a tout de même tremblé sur ses bases. Aviez-vous anticipé la crise?Je ne pensais pas qu’elle prendrait une telle ampleur. Mais à l’époque, je travaillais à la banque privée et beaucoup de mes clients ont remarqué que les locataires de leurs appartements s’en allaient tout d’un coup parce qu’ils pouvaient acheter une maison à de meilleures conditions. C’est ainsi que nous avons réalisé que quelque chose tournait mal, et nous avons pu avec certains de nos clients miser efficacement sur cette crise.
Beverly Hirtle, vice-présidente de la Fed de New York, a mis en garde contre l’augmentation de l’endettement des jeunes ayant de mauvais scores de crédit, via notamment les prêts étudiants. Doit-on craindre une nouvelle crise de la dette?Le taux d’endettement de la population est encore relativement bas, parce que les Américains ont gagné beaucoup d’argent grâce aux actions. Le patrimoine des ménages a atteint de ce fait un niveau historiquement élevé. L’ampleur des prêts étudiants est par ailleurs relativement limitée. Je vois surtout des excès dans les crédits accordés aux entreprises. Il est trop facile pour les mauvaises entreprises d’obtenir des crédits. À long terme, cela peut être problématique.Je m’inquiète également des crédits auto subprimes, qui représentaient l’an dernier 50 milliards de dollars. Une grande partie de ces prêts concernent des emprunts à un ratio supérieur à 100%: les gens empruntent plus que la valeur de la voiture qu’ils achètent. Dans la dernière crise, il n’y a pas eu de problème avec ces crédits auto, parce que les propriétaires pouvaient revendre la voiture au prix du marché, mais aujourd’hui, si quelque chose tourne mal, les banques perdront une partie de l’argent prêté.Cela fait 23 ans que vous êtes dans le métier. La mentalité à Wall Street a-t-elle changé depuis la crise financière?
Tout le monde a souffert de la crise et est conscient des conséquences possibles d’une nouvelle crise. Ce que 2007 et 2008 nous ont appris, c’est qu’il faut être partout attentif aux risques, et pas uniquement dans les secteurs traditionnels. “Les autorités financières américaines proposent également d’assouplir la “Volcker Rule”, qui interdit aux banques d’investir dans des produits risqués avec les dépôts des clients.”Il y a deux semaines, le « Dodd-Frank Act » a été abrogé. Résultat : les banques dont les actifs sont inférieurs à 10 milliards de dollars peuvent plus facilement négocier et emprunter et voient les exigences assouplies sur le plan de leur capitalisation. Les détracteurs de cette mesure disent que c’est un mauvais signal.Il s’agit surtout de petites banques aux États-Unis, qui ont peut-être été trop bridées par rapport au risque qu’elles représentaient pour l’économie. Ces mesures permettront d’augmenter les crédits aux petites entreprises et aux particuliers, ce qui est positif pour l’économie.Il ne s’agit pas uniquement des petites banques. Les autorités financières américaines proposent également d’assouplir la “Volcker Rule”, qui interdit aux banques d’investir dans des produits risqués avec les dépôts des clients.Cette règle a également été introduite après la crise bancaire. 1.000 pages plus tard, il apparaît que cette réglementation est exagérément complexe. Sa simplification devrait augmenter les liquidités sur le marché, ce qui est positif pour l’économie américaine, mais aussi pour le reste du monde. Tout ce qui permet de simplifier le monde financier est bienvenu.Travailler à Wall streetLa plupart d’entre nous connaissent Wall Street uniquement via des films comme “Le Loup de Wall Street”, avec des fêtes débridées où on jette littéralement l’argent par les fenêtres. Avez-vous participé à ces fêtes?Cette image relève davantage de la fiction que de la réalité quotidienne. Nous sommes très bien payés, c’est vrai, mais c’est aussi un univers très concurrentiel. C’est une méritocratie où chacun est rémunéré en fonction de ses résultats. Cela fait donc une grande différence si votre banque ou votre département est performant. La conséquence pratique, c’est que tout le monde a de longues journées de travail. “Je voyage en permanence partout dans le monde. La journée de travail est un concept théorique.”Combien d’heures travaillez-vous chaque semaine?Très honnêtement, je n’ai jamais compté. Dans tous les cas, c’est jour et nuit. Je voyage en permanence partout dans le monde. La journée de travail est un concept théorique. Par exemple, hier à 22 h 30, nous achetions un bâtiment en Asie pour 380 millions de dollars. Bien entendu, je ne peux pas dire aux équipes que je vais dormir. Ce matin tôt, nous étions en train d’étudier un projet en Europe.Il y a quelques années, cette culture du travail à Wall Street s’est retrouvée sous le feu des critiques après qu’un jeune banquier de Bank of America a été retrouvé mort d’épuisement dans son appartement et qu’un employé de Goldman Sachs s’est suicidé après une semaine de travail de 100 heures. N’y a-t-il pas des limites à ne pas franchir ?Les exemples que vous citez sont bien entendu terribles. Heureusement, ces situations extrêmes ne sont pas la norme. Mais nous voyons des personnes qui essaient pendant quelques années de travailler à Wall Street et qui raccrochent les gants. Personne ne dira que ce n’est pas stressant. Ce sont de très longues journées. Mais quand vous voyez que les résultats sont là, vous êtes encore plus motivé. “Nous travaillons très dur pour développer une culture de la diversité au sein de la banque. Mais au final, ce sont les résultats qui comptent.”Une autre critique envers ce milieu, c’est qu’il est encore très machiste, et qu’on rencontre peu de femmes au sommet…Cette culture est en train de changer à Wall Street et certainement chez nous. À titre d’exemple, depuis dix ans, mon boss est une femme. Notre comité de direction (operating committee) compte pratiquement 50% de femmes, et de nombreuses fonctions de haut niveau sont occupées par des cadres féminins. Nous travaillons très dur pour développer une culture de la diversité au sein de la banque. Mais au final, ce sont les résultats qui comptent.
Source: L’Echo