La subversion de Jeanne d’Arc
Nous savons le rôle patriotique tenu dans la nation qui se prétend, non sans blasphème aux yeux des vrais théologiens et saints, la fille aînée de l’Église, en confondant son soutien à la politique papale avec un zèle pour la foi métamorphosé bientôt en religion de la laïcité prenant pour emblème une Marianne, buste d’une loge maçonnique d’opposition d’émigrés français sectaires à l’empereur Napoléon III.
Le nom de Jeanne d’Arc a servi le prestige républicain, et, par exemple, l’Institut Jeanne d’Arc laisse d’excellents souvenirs à Téhéran. Y enseignaient ces ordres religieux que le fanatisme chassait de la métropole, et l’Asie comme l’Amérique latine furent un asile pour les sœurs chrétiennes persécutées. Le délire de spoliation des ordres enseignants et charitables et l’utopie de chasser l’idée de Dieu de l’enseignement, en identifiant la liberté de penser à l’athéisme poussa, pour cette raison, les Catholiques alsaciens, lors du Congrès des Intellectuels catholiques tenu à Strasbourg, dans l’Empire allemand, à déclarer leur satisfaction d’échapper à ces influences pernicieuses et au danger de mettre l’âme en péril, de faire obstacle au salut individuel et collectif.
Aujourd’hui, Jeanne d’Arc est un symbole bien affaibli, sauf pour les mouvements nationalistes, des pieds noirs illusionnés, et, comme on sait, le Front National se réunit sur une petite place parisienne autour de la statue cultivant la mémoire d’une sainte très récente, qui resta cinq siècles ignorée de l’Eglise romaine et à la biographie, sinon à l’existence même, ou du moins à l’identité bien incertaine.
Tout cela baigne dans ces semi-vérités qui abusent de la crédulité du peuple, mais ne sauraient tromper Dieu !
Elle aurait expulsé, veut-on nous faire accroire, “bouté” comme on dit, les Anglais hors de France, à cette époque qui est le début des Temps Modernes, mais ceux-ci ne partirent que vingt ans plus tard ! Sa sainteté fut difficilement acquise, et un archevêque de Toulouse vota contre, appartenant à la famille d’un dit compagnon de Jeanne des Lys, comme elle signait, et le motif du Saint-Siège romain est à souligner : non pas le martyre pour sa patrie ou la défense de la foi, ce qui aurait été absurde car elle fut jugée et condamnée pour sorcellerie par l’un des meilleurs théologiens et expert en droit canon ecclésiastique du temps qui avait exercé son autorité au Concile de Ratisbonne, au nom assez malheureux, Cauchon, mais à l’esprit droit et de plus proche des Gallois opposés à la politique anglaise ! Mais le seul motif invoqué par l’Église catholique pressée par la République laïque française de la sanctifier, car pouvant rassembler patriotiquement les Catholiques autour d’une Lorraine, pour la revanche contre l’Empire allemand, fut non pas politique, mais moral, c’est-à-dire d’avoir conservé sa virginité, vertu mariale, de la Vierge Marie. De plus, les historiens scrupuleux, comme des enquêteurs, font observer que les Minutes de son procès, assortis d’une caricature, est une recomposition de mémoire, par le greffier, un an après ! Que, contrairement aux gravures pieuses patriotiques, elle ne pouvait monter au bûcher qu’encapuchonnée, donc le visage point visible au regard du public normand de Rouen ; et l’un de mes collaborateurs, auteur de plusieurs livres érudits sur la métaphysique médiévale et la décadence de la Renaissance, aux éditions Archée de Milan, m’assure avoir appris de son maître de l’Université de Toulouse, qu’un livre de compte – qu’on nomme livre de raison – était tenu par le bourreau, qui mentionnait le bois dépensé pour le bûcher et qu’à la date supposée de l’exécution de la future sainte, tout est laissé blanc ! Il n’y a point mention d’exécution ! L’Université, dans la personne de quelques docteurs, le sait, le peuple l’ignore, les politiciens en abusèrent, hier pour la Revanche, avec la bénédiction, au reste, de l’Angleterre, car cette sanctification inhabituelle et sollicitée par un régime politique antichrétien, fut obtenue en pleine Entente Cordiale visant à l’encerclement de la puissance impériale allemande non laïque : Auguste Comte, père du positivisme, avait averti que le mythe de Jeanne d’Arc devait remplacer celui de Napoléon, et le cynique Gambetta, hyper maçon de souche westphalienne (Gamber) passé par Gènes et très belliciste, débauché notoire, celui même qui reprendra un slogan de quelque tête exaltée, “le cléricalisme, voilà l’ennemi“, en pleine Chambre des Députés, avertissait : “Ne touchez pas à Jeanne d’Arc !”.
Un ami du très illustre René Guénon et de l’écrivain catholique Huysmans, l’érudit Guillot de Givry (1874-1929) défend la thèse de la survivance de Jeanne d’Arc et de son identité avec Jeanne des Armoises, par mariage, non consommé dit-on, avec un de ses compagnons d’armes ; et un ami défunt, M. de Sermoise, de cette même souche aristocrate lorraine, écrivit, il y a trente ans, un ouvrage sur cette question : “J’ai soutenu la thèse“, écrit l’auteur chrétien parisien, de haute lignée bourguignonne, et par ailleurs avertisseur excellent dans son “Musée des sorciers, mages et alchimistes” des dangers de l’occultisme, versé dans la Maçonnerie, dans une polémique des années vingt du siècle dernier, quatre ans avant sa mort, “de la survivance et du mariage de Jeanne d’Arc en m’efforçant d’être aussi impartial que possible, et le seul mérite de mon travail est, je crois, d’avoir réuni plus de documents sur ce sujet qu’aucun de ceux qui avaient travaillé la question avant moi.”
Des organisations contemporaines subversives promptes à la guerre civile, dans les circonstances fâcheuses de nos finances, entendraient bien user de cette existence fabuleuse de Jeanne d’Arc, ou du moins à la sainteté très peu avérée et aux origines populaires douteuses, puisque elle aurait été une fille naturelle d’Isabeau de Bavière, déposée dans une famille, non de simples paysans, mais de noblesse en déshérence, – dont la mère adoptive aurait fait le pèlerinage à Rome -, pour servir de point de ralliement à des fanatiques et expulser des populations dont les ancêtres ont subi les conséquences du bellicisme qui a forcé un pouvoir ecclésiastique assiégé par la maçonnerie agressive et exerçant un chantage à la spoliation et à l’extinction de l’enseignement religieux – chose produite aujourd’hui -, à concéder, moyennent finances, une sainteté bâclée et bien superficielle ! Tout cela baigne dans ces semi-vérités qui abusent de la crédulité du peuple, mais ne sauraient tromper Dieu !