Malgré un engagement record des armées en Irak et au Sahel, Bercy bloque toujours plus d’1,8 milliard d’euros de crédits d’équipements militaires – ARMÉE DE TERRE / ETAT-MAJOR DES ARMÉES
C’est tout de même extraordinaire un pays qui n’a plus d’argent et qui s’engage dans des guerres nouvelles assez régulièrement, se payant le luxe de se faire de nouveaux ennemis à chaque fois… Rappelons juste que la guerre est l’activité humaine la plus onéreuse.
Alors que plus de 4.000 soldats français sont déployés sur le théâtre irako-syrien, le ministère de la défense doit composer avec 1,8 milliard d’euros de crédits d’équipements gelés par Bercy. Soit 18 % du budget total.
C’est un des rendez-vous annuels dont le ministère de la Défense se passerait bien. Chaque année, en fonction du niveau de gel des crédits budgétaires décidé par Bercy, la Direction générale de l’armement (DGA) se retrouve en rupture de paiement à l’automne. Ironie de l’histoire, cette année, la cessation de paiement a été effective le 12 octobre. Soit cinq jours avant le lancement de la bataille de Mossoul, pour laquelle 4.200 soldats français sont mobilisés en soutien des forces irakiennes et kurdes… “Depuis ce matin, les demandes de paiement que nous émettons vers le comptable ne sont plus couvertes en crédits de paiement”, expliquait ainsi le DGA Laurent Collet-Billon aux députés de la commission de la défense le 12 octobre, une audition dont le compte-rendu vient d’être publié.
Comment la DGA peut-elle être à cours de crédits si tôt dans l’année ? La réponse est à chercher dans les différents gels de crédits décidés par Bercy. Il y a d’abord la réserve de précaution (environ 8% des crédits des ministères), qui flirte avec les 800 millions d’euros dans le budget équipements de la défense. Il faut aussi ajouter le gel de 590 millions d’euros de crédits prévus par la loi de finances rectificative de décembre 2015. L’hôtel de Brienne a enfin dû composer avec un “surgel” supplémentaire, de 470 millions d’euros de crédits de paiement en 2016, “appliqué au titre de la contribution de la mission “Défense” au financement d’un projet en faveur de l’emploi – tous les ministères ayant été sollicités sur ce point”, précise Laurent Collet-Billon.
Le budget 2017 menacé
Le total des sommes gelées atteint ainsi la somme record de 1,86 milliards d’euros, soit 18% du budget équipements des forces, le fameux programme 146 du projet de loi de finances. “Je compte sur la représentation nationale pour nous aider à obtenir de Bercy le dégel de la réserve, a asséné le DGA devant la commission de la défense de l’Assemblée nationale. Cela conditionne entièrement l’exécution du budget de 2017.” Le message semble avoir été entendu : “Notre commission appuiera votre demande pour que les fonds soient débloqués le plus rapidement possible”, a répondu la présidente de la commission, Patricia Adam. En attendant, la DGA doit reporter les notifications de nouveaux contrats au moins jusqu’à début décembre.
Conséquence de l’incertitude sur le niveau des dégels de crédits, la “bosse budgétaire” de la DGA risque d’augmenter encore. Chaque année, par une sorte de tour de passe-passe budgétaire rendu indispensable par les tensions sur les crédits disponibles, le ministère de la défense reporte à l’année suivante le paiement de certains contrats aux industriels. C’est ce qu’on appelle le “report de charges”, en fait la somme des impayés de la DGA sur l’exercice. De 1,9 milliard d’euros en 2014, la somme risque de passer à 3,2 milliards d’euros si crédits gelés sont finalement annulés. Un montant qui compromettrait l’équilibre de la loi de programmation militaire, qui ambitionne de “contenir le report de charges à 2,8 milliards d’euros d’ici à la fin de l’année 2019”, a précisé Laurent Collet-Billon. A l’inverse, si les crédits étaient dégelés à 100%, le report de charge serait contenu à 1,3 milliard, une somme nettement plus convenable.
Niveau record d’engagement des armées
Ces subtilités budgétaires apparaîtraient cocasses si l’engagement des armées n’atteignait pas un niveau record. Les opérations extérieures et intérieures, elles, ne connaissent ni gel, ni surgel : plus de 4.000 militaires français sont déployés sur le théâtre irako-syrien, dont 2.900 marins du groupe aéronaval autour du porte-avions Charles de Gaulle. 4.000 soldats sont engagés dans l’opération Barkhane au Sahel. Et 10.000 autres […]
Vincent Lamigeon — Challenge