Si Marc Giraud a droit à la présomption d’innocence conformément à la loi, il n’en demeure pas moins que l’on a visiblement affaire à une association de malfaiteurs. Emplois fictifs, détournement et recel de fonds publics, sont au centre de cette nouvelle affaire sordide qui éclabousse le nouveau parti de l’opposition, à peine rebaptisé pour donner le change et tenter de retrouver une virginité depuis longtemps perdue. La technique est bien rodée et tous les partis l’utilisent larga manu. Que ce soit au PS avec notamment les fumeux scandales de la Fédération Nord-Pas-de-Calais, ou ceux de l’ex-RPR rebaptisé UMP, les politiques ont tous le même profil. Ils nient même l’évidence et ne battent leur coulpe que lorsqu’ils sont confondus avec des preuves irréfutables. Et encore ! Certains se retrancheront derrière une pathologie bizarre, la phobie administrative. Ce qui est tout de même ahurissant, c’est que lorsque Marc Giraud a été porté à la tête du Conseil, les Républicains savaient que leur poulain était dans le collimateur de la justice. Véritablement, il n’y a rien de plus sale que la politique, telle que pratiquée de nos jours.
Le président du conseil départemental du Var, Marc Giraud (Les Républicains) a été mis en examen mercredi 22 juillet en toute fin de journée pour « détournement de fonds publics par dépositaire », dans le cadre d’une enquête portant sur un présumé emploi fictif à la mairie de Carqueiranne, ville dont il a été maire de 1997 à avril 2015. Convoqué mardi matin, Marc Giraud a passé une trentaine d’heures en garde à vue avant d’être présenté au juge Didier Guissart. Le directeur général des services de la mairie de Carqueiranne, Didier Tollard, et l’ancien directeur de cabinet de M.Giraud, Philippe Voyenne, ont également été mis en examen pour « complicité de détournement de fonds publics ». Les trois hommes ont l’interdiction d’entrer en relations et M. Giraud doit s’acquitter d’une caution de 30 000 euros. « Un montant qui tient compte des sommes en jeu », explique-t-on de source judiciaire. La conseillère départementale Patricia Arnould (LR), élue en binôme avec M.Giraud en avril dernier, avait été mise en examen il y a quelques semaines dans la même affaire, pour « recel de détournements de fonds publics ». Une décision également assortie d’une caution financière et d’une interdiction de rencontrer MM. Giraud, Tollard et Voyenne. C’est l’emploi qu’a occupé Mme Arnould à la mairie de Carqueiranne depuis près de quinze ans sous les mandats de M.Giraud, qui est au cœur de l’affaire. La justice s’interroge sur la réalité des fonctions de l’élue départementale, salariée en tant qu’agent de catégorie C.
Baron local
Marc Giraud, 64 ans, est un des barons locaux qui font la force de l’ex-UMP dans le Var. Un homme politique à l’ancrage réel qui a notamment permis à son parti de résister à la poussée du Front national aux dernières départementales. Son élection, le 3 avril 2015, à la tête de l’assemblée du Var a surpris. Elle s’est faite — avec 34 voix sur 46 —, grâce au soutien affirmé du sénateur et maire de Toulon, Hubert Falco. M. Giraud partage avec l’ex-ministre, véritable patron des Républicains dans le Var, une passion pour le rugby. Il est également proche du député Philippe Vitel, que Christian Estrosi a choisi comme tête de liste départementale pour les élections régionales de décembre. Ancien sapeur-pompier entré tardivement en politique, Marc Giraud, voix puissante et stature imposante, a dirigé la mairie de Carqueiranne pendant 18 ans. Il incarne aux yeux des Varois, cette ville balnéaire de 10 000 habitants, entre Toulon et Hyères, qu’il représente notamment au sein de la communauté de communes Toulon Provence Métropole. Premier vice-président sortant du Conseil général du Var, M. Giraud s’est présenté en mars 2015 dans le canton de La Crau, ville voisine de Carqueiranne. Pour compléter son binôme, il a choisi Patricia Arnould, 57 ans, première adjointe du maire de La Crau, mais aussi son ancienne salariée municipale. Élu président du conseil départemental, Marc Giraud n’a pas vraiment lâché « sa » ville. Il a laissé son fauteuil de maire à l’un de ses adjoints, Robert Masson. Son équipe municipale est restée en place autour du directeur général des services, Didier Tollard.
Plusieurs affaires
Si elle rappelle que « M. Giraud bénéficie de la présomption d’innocence » et qu’elle ne demandera pas sa « mise en retrait », la tête de liste socialiste pour les Régionales dans le Var, Cécile Muschotti se dit « en colère de voir une nouvelle affaire éclabousser le monde politique ». « Quand M. Giraud a été élu par les siens à la tête du Conseil départemental, tout le monde savait que la justice travaillait sur cette affaire,s’étonne-t-elle. Les Républicains auraient pu être plus attentifs au choix de leur candidat ». « C’est peut-être la raison pour laquelle la candidature de M.Giraud n’a pas rallié la majorité des voix de son camp », estime, de son côté, le secrétaire départemental du FN, Frédéric Boccaletti. « Nous dénonçons depuis longtemps le retour d’un certain affairisme politique dans le Var. Si les faits sont avérés, il faudra que la justice se montre intransigeante » poursuit le directeur de campagne de Marion Maréchal-Le Pen. En février 2015 suite à une perquisition dans les bureaux municipaux, Marc Giraud s’était élevé dans le journal Var Matin contre une « vague de dénonciations mensongères », assurant qu’il n’existait « aucun emploi fictif à la mairie de Carqueiranne ». A la sortie du bureau du juge, il a fait savoir par la voix de son avocat qu’il « contest[ait] les faits reprochés ». Ces dernières années, la municipalité de Carqueiranne a été à plusieurs reprises visée par la justice. En juin, Didier Tollard et Philippe Voyenne ont été relaxés par le tribunal correctionnel de Toulon dans une affaire de primes présumées indues. Une autre instruction a été ouverte en 2013. Elle porte sur de potentielles prises illégales d’intérêt et infractions à la législation sur l’urbanisme dans le cadre d’un programme immobilier de luxe. Des bâtiments construits en front de mer, sur un terrain vendu par la municipalité.
Gilles Rof Journaliste au Monde