C’est l’homme des coulisses. Un homme de l’ombre comme on les nomme souvent dans ces milieux. C’est lui qui dicte à Grosal sa feuille de route et le surveille d’assez près. Grosal n’a qu’à bien se tenir et obéir au doigt et à l’œil. N’est-ce pas Péninque qui fut à l’origine de son spectaculaire revirement et de sa pitoyable prestation à l’antenne d’une radio lorsqu’il a lancé son célèbre “Je t’aime Marine”, alors que quelques jours avant, en mai 2009, il avait publié son “Marine m’a tuer”après qu’il fût écarté non seulement de la première place de la liste électorale mais de la course elle-même. Un revers humiliant que Péninque lui fit accepter avec même une certaine note d’enthousiasme. Une posture qui témoigne de l’inconsistance politique de Grosal, tout juste bon à faire du maraudage au sein des masses laborieuses et notamment de l’électorat musulman, en abusant de leur confiance.
Depuis plusieurs années, Marine Le Pen travaille à rendre son parti plus fréquentable, à renier ses liens avec la droite la plus extrême, quitte à s’opposer à son père. Une orientation qui lui a notamment été inspirée par un conseiller de l’ombre. Philippe Peninque, un ancien avocat fiscaliste dont l’influence est loin d’être négligeable. Une enquête signée Benoît Collombat.
Philippe Péninque est un homme de l’ombre qui souhaite le rester
A 62 ans, celui qui se présente comme consultant en gestion financière pour les PME-PMI n’apparait pas dans l’organigramme officiel du Front national.
[citation source=””]Je suis un ami de Marine Le Pen. J’ai des discussions avec elle. On se voit. On échange… , dit-il.[/citation]
Il ajoute :
[citation source=””] Je suis quelqu’un de libre. Marine Le Pen ne fonctionne pas avec des conseillers.[/citation]
S’il se contente d’évoquer des discussions et des échanges, l’influence de Philippe Péninque est en réalité plus prégnante, puisqu’il a joué un rôle clé dans la façon dont le FN a modifié une partie de son discours. Le 20 Septemebre 2006 à Valmy, haut lieu de la Révolution française, Jean-Marie Le Pen annonce sa candidature à la présidentielle et prononce un discours qui doit beaucoup à Philippe Péninque. On retrouve également « sa patte » dans le discours prononcé par Jean-marie Le Pen le 1er Mai 2010.
Au début des années 70, Philippe Péninque est partisan d’un nationalisme plutôt musclé
Phillippe Péninque milite dans des groupes d’extrême droite. D’abord à Occident (dissous en 68), puis au GUD, le Groupe union défense, réputé pour faire le coup de poing contre les « gauchistes » et puis à Ordre Nouveau.
A cette époque, il étudie l’histoire et le droit puis intègre Sciences Po Paris. En 1976, il rédige un mémoire sur l’extrême-droite extra-parlementaire dont le titre annonce la couleur : « La politique à coups de poings. » Un document de 90 pages dans lequel Philippe Péninque décrit de façon très documentée l’évolution des différents groupes d’extrême droite et la naissance du Front national en 1972. Sa matrice idéologique est déjà en place : il s’agit pour lui de séparer l’extrême droite de ses pires références. Il s’agace de la façon dont cette extrême-droite est alors perçue :
[citation source=””]”L’extrême-droite hante les consciences politiques collectives de ses ennemis, fantasmes sans cesse renaissant des inconscients gauchisants, terreur des bien-pensants. Ce « fascisme » qu’ils voient partout, telle l’hydre aux mille têtes, s’étendrait en tous lieux, son ombre menaçante toujours prête à assombrir le ciel radieux de nos démocraties libérales.”[/citation]
Au début des années 1980, Philippe Péninque s’associe avec l’avocat Jean-Pierre Emié, autre ancien du GUD.
Parmi les dossiers dont il a la charge, il défend aux côté de Marine Le Pen – qui n’est alors pas encore entrée en politique – des membres du GUD poursuivis pour l’occupation des locaux de Fun Radio, en mai 94.
Le nom de Philippe Péninque est cité en marge de plusieurs affaires
L’avocat se spécialise dans l’ « optimisation fiscale », un domaine qui, selon lui, n’a « rien à voir » avec la fraude fiscale. Son nom se retrouve cité en marge de plusieurs affaires. La première est l’affaire Cahuzac durant laquelle il est entendu comme témoin par le juge Van Ruymbeke. Cahuzac et Péninque sont amis, ils font du sport, de la boxe et du golf ensemble.
En Décembre 1991, Philippe Péninque ouvre un compte UBS pour Jérome Cahuzac, alors spécialisé dans la greffe de cheveux. L’avocat lui aurait « conseillé par écrit » de déclarer ce compte. Le nom de Philippe Péninque est aussi cité en marge de l’affaire Karachi.
Le responsable d’une société de sécurité pour la campagne d’Edouard Balladur en 1995 explique aux enquêteurs qu’il aurait remis de l’argent liquide à Philippe Péninque, lequel aurait également ouvert un compte pour lui à Genève.
Le 15 avril 2013, Philippe Péninque est entendu comme témoin par le juge Van Ruymbeke. Il soutient devant les juges :
[citation source=””]Non, il ne m’a jamais remis de fonds. Est-ce que je suis allé (avec lui) pour ouvrir un compte ? Je ne le crois pas et je ne le pense pas.[/citation]
Et ajoute :
[citation source=””]Je n’ai rien à voir, ni de près, ni de loin, avec cette affaire »[/citation]
Philippe Péninque est cité dans une troisième affaire, laquelle concerne des soupçons de fraude fiscale. En 1996, un juge de Coutances enquête sur un trafic de cannabis dans lequel l’avocat est soupçonné de blanchiment. L’ accusation écartée, il est ensuite soupçonné de complicité de recel de fraude fiscale. Philippe Péninque passe 4 mois en détention préventive, avant d’être relaxé en Mars 2003 par la Cour d’appel de Paris, et dédommagé par une commission d’indemnisation. Même s’il est toujours officiellement membre du barreau, Philippe Peninque cesse d’être avocat dans les années 2000. Il est ce qu’on appelle « avocat omis ».
« Je ne fais jamais d’affaires avec le Front national »
Actionnaire de certaines sociétés, dans lesquelles on retrouve parfois des anciens du GUD, Philippe Péninque clame ne pas faire d’affaires avec le Front National. Il a cependant joué un rôle clé dans un bras de fer judiciaire qui concerne les finances du Front national. L’épisode se déroule en 2007 après l’échec électoral du FN à la présidentielle et aux législatives.
Fernand Le Rachinel, un imprimeur proche de Jean-Marie Le Pen, prête personnellement de l’argent au FN : 8 millions d’euros dont plus de 6 millions pour les législatives.
Au lendemain des élections, l’imprimeur souhaite être remboursé mais les caisses du FN sont vides. Fernand le Rachinel finit par demander à un huissier de prendre une « saisie conservatoire » sur le siège du FN. Sous l’impulsion de Philippe Péninque, l’affaire vire au bras de fer judiciaire. L’imprimeur obtient finalement gain de cause devant les tribunaux le 11 février 2009 lorsque la Cour d’appel de Versailles oblige le FN à le rembourser.
Philippe Péninque se défend de toute ambition politique
Philippe Péninque préfère rester dans la coulisse pour accompagner l’ascension politique du FN qu’il juge inéluctable. A ses yeux, en incluant ceux qu’il appelle « les victimes de la mondialisation » l’espace électoral théorique du FN se situe autour de 65% des électeurs : 2/3 à droite. Un tiers à gauche.
En plus de son rôle de « boite à idées », il sert également de passerelle entre le FN et le monde de l’entreprise.
« Même des grands patrons viennent vers nous », assure Philippe Péninque, même s’ils restent pour l’instant discrets. Homme de l’ombre qui entend le rester : « ce qui est important au Front, dit Philippe Péninque, c’est ce qui ne se voit pas… »