Plus qu’une liste de points d’attention à l’intention des électeurs catholiques qui liront les programmes des candidats à la présidentielle, le petit livre Dans un monde qui change, retrouver le sens du politique, qui sera diffusé à 10.000 exemplaires en librairie, s’adresse à tous les Français.
Le conseil permanent de la Conférence des évêques de France y fait le constat d’une crise profonde du politique, appelle à sortir des logiques gestionnaires pour retrouver la question du sens et encourage les Français à s’engager.
Le constat d’une société à vif
Avec les attentats, mais aussi les crises sociales et sociétales, les dernières années sont marquées, selon les évêques, par des phénomènes de réaction voir de surréaction. « La contestation est devenue le mode de fonctionnement habituel, et la culture de l’affrontement semble prendre le pas sur celle du dialogue (…) On ne supporte plus guère toute parole émanant d’une autorité quelle qu’elle soit. L’unité nationale est mise à mal. »
Insécurité sociétale et sociale mettent à mal le contrat social
« On peut dire qu’il y a une insécurité sociétale chez les Français qui redoutent, plus que tous les autres européens, de subir un déclassement de leur niveau de vie », s’inquiète le conseil permanent de la Conférence des évêques de France. À celle-ci s’ajoute une insécurité sociale liée au chômage et à la pauvreté. Les évêques évoquent aussi « un horizon plein d’incertitudes : les questions que pose l’islam, sa présence dans notre pays, la crainte du terrorisme, les flux migratoires, etc. mais aussi les interrogations radicales dues au transformations climatiques et écologiques, contribuent à déstabiliser et à inquiéter beaucoup. » Dans une société où l’individu prime sur le collectif et où règne cette insécurité, « les valeurs républicaines de “liberté, égalité, fraternité” souvent brandies de manière incantatoire semblent sonner creux pour beaucoup de nos contemporains sur notre sol national. »
Diversité, insécurité culturelle et identité commune
« Aujourd’hui, non seulement le creuset républicain qui a plutôt bien fonctionné pendant des siècles n’intègre plus ou plus assez vite mais l’idée même d’un “récit national” unifié est largement contestée et remise en cause. Les identités et les différences sont affichées, et la revendication communautaire met à mal l’idée d’une Nation homogène. Il devient dès lors plus difficile de définir clairement ce que c’est d’être citoyen français. » Comment gérer cette diversité dans la société et faire perdurer une identité nationale au delà des identité particulière ? Le conseil permanent n’apporte pas de réponse mais appelle de ses vœux un débat en soulignant que « le christianisme peut apporter son expérience doublement millénaire et sans cesse renouvelée d’accueil et d’intégration de populations et de cultures différentes dans la naissance d’une identité qui ne nie pas les autres appartenances. »
Le christianisme n’est pas une contre-culture
Face à cette interrogation sur les valeurs partagées, les évêques insistent sur la nécessité de donner aux contemporains « une charpente plus qu’une armure » notamment par l’action conjointe de la famille et de l’école. Ils incitent aussi les chrétiens à ne pas rêver à un repli du monde : « Dans notre société profondément redevable à l’égard de son histoire chrétienne pour des éléments fondamentaux de son héritage, la foi chrétienne coexiste avec une grande diversité de religion et d’attitudes spirituelles, écrivent-ils. Le danger serait d’oublier ce qui nous a construit, ou à l’inverse, de rêver à un retour à un page d’or imaginaire ou d’aspirer à une Eglise de purs et à une contre-culture située en dehors du monde, en position de surplomb et de juge. La révélation chrétienne ne conduit pas à une telle contre-culture. »
Pour une juste compréhension de la laïcité
Le conseil permanent fait le constat d’une crispation autour de ce principe de laïcité. « Ce sujet est devenu un lieu de tension indéniable qui tient beaucoup au mouvement de réaffirmation des religions, particulièrement l’islam, dans notre société. Une société où, de fait, les religions ne structurent plus la vie d’une majorité de la population. » Les évêques veulent donc en rappeler la définition : « Un cadre juridique qui doit permettre à tous, croyants de toutes religions et non croyants, de vivre ensemble. » Ils s’élèvent contre ceux qui voudraient reléguer la religion à la sphère privée, une vision « qui prive la vie publique d’un apport précieux pour la vie ensemble. »
La question du sens
« Notre société française connaît une grave crise de sens. Or le politique ne peut échapper à cette question du sens et doit se situer à ce niveau », écrit le conseil permanent, car « on ne fait pas vivre ensemble des individus avec de seuls discours gestionnaires. » Pour en sortir, au fond,« la seule question qui mérite d’être posée n’est-elle pas : “qu’est-ce qui fait qu’une vie mérite d’être donnée aujourd’hui ? Pour quoi suis-je prêt à donner ma vie aujourd’hui?” » La réponse, individuelle, doit, selon les évêques pousser à sortir de soi, à s’engager avec d’autres et à le faire sur le temps long.
Fonder la politique sur le politique
Sans tomber dans le « tous pourri », le conseil permanent de la Conférence des évêques de France pose le constat d’une « crise de confiance envers ceux qui sont chargés de veiller au bien commun et à l’intérêt général », le comportement désastreux de quelques-uns jetant le discrédit sur tous ceux qui sont engagés sincèrement.
La cause du malaise est aussi à chercher dans la domination de la politique, ensemble de stratégies et de procédures autour de l’exercice du pouvoir, sur le politique. Pour les évêques, ce qui doit fonder l’exercice du pouvoir est bien le politique « la recherche du bien commun et de l’intérêt général qui doit trouver son fondement dans un véritable débat sur des valeurs et des orientations partagées. »Pour le compromis en politique
« Le vrai compromis est plus qu’un entre deux, simple résultat d’un rapport de force. C’est, à partir de position différente, entrer dans un vrai dialogue où on ne cherche pas à prendre le dessus mais à construire ensemble quelque chose d’autre, où personne ne se renie, mais qui conduit forcément à quelque chose de différents des positions du départ. » Les évêques plaident pour un équilibre entre clarté et affirmation de positions dans les débats de société et respect des opinions des autres. Ainsi, « s’il faut parfois donner un témoignage de fermeté, que celle-ci ne devienne jamais raideur et blocage. »
La nécessité de réfléchir et d’agir
« Notre pays est généreux mais en attente », note le Conseil permanent qui cite la richesse de son tissu associatif et de ses initiatives citoyennes. Pour ne pas laisser passer les années sans être à la hauteur des enjeux, ils invitent chacun à agir : « Chacun à son niveau est responsable de la vie et de l’avenir de notre société. Cela demandera toujours courage et audace. Des qualités qui n’ont jamais déserté le cœur de notre pays. »
Un absent remarqué
Alors que les catholiques sont de plus en plus nombreux à être tentés par le vote Front National, le parti d’extrême-droite n’est pas évoqué dans le document. Le conseil permanent n’a pas fait le choix de s’adresser spécifiquement à cet électorat, comme l’a fait, par exemple, la revue Projetdans son numéro dédié et diffusé par La Croix : Extrême droite : écouter, comprendre, agir. « Il est fini le temps où les évêques disent pour qui ils faudrait voter », a commenté Mgr Georges Pontier, président de la Conférence des évêques de France, lors de la conférence de presse de lancement du texte.
Laurence Desjoyaux — La Vie
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