C’est quand même grave non ! L’info à retenir : l’Uruguay et le Ghana sont mieux classés que nous ! Sauf que c’est nous qui leur donnons des leçons de morale, de démocratie et de drôadelomisme… C’est extraordinaire ! Pire encore, la Lumière des nations, israhell, est près de la 100e place que du top 10 ! Attention, classement antisémite !
Les grandes évolutions de l’édition 2014
L’édition 2014 du « Classement mondial de la liberté de la presse » révèle l’impact négatif des conflits sur la liberté de l’information et ses acteurs. Le rang d’un certain nombre de pays est également affecté par une interprétation trop large et abusive du concept de la protection de la sécurité nationale, aux dépens du droit d’informer et d’être informé. Cette dernière tendance constitue une menace croissante au niveau global, dangereuse pour la liberté de l’information jusqu’au cœur des « États de droit ».
La Finlande conserve son rang de meilleur élève, en occupant pour la quatrième année consécutive la première place du classement. Elle est talonnée, comme dans la dernière édition, par les PaysBas et la Norvège. À l’extrême opposé, en queue de classement, le « trio infernal » réunit à nouveau le Turkménistan, la Corée du Nord et l’Érythrée, des pays où la liberté de la presse est tout simplement inexistante. Malgré les quelques rares turbulences qui ont pu les traverser en 2013, ces pays continuent de représenter des trous noirs de l’information et de véritables enfers pour les journalistes.Le classement est établi cette année sur 180 pays contre 179 dans l’édition précédente. Nouvel entrant, le Bélize se situe d’emblée à une place enviable (29e). Les cas de violences envers les journalistes y sont rares. Quelques bémols cependant : des procédures pour « diffamation » assorties de lourdes demandes en réparation, des exceptions relatives à la sécurité nationale nuisibles à la bonne application de la loi sur l’accès à l’information publique (Freedom of Information Act), et une gestion des fréquences par le gouvernement parfois inéquitable.
LES CONFLITS ARMÉS, FAUTEURS DE CHUTES
Le classement 2014 souligne logiquement la corrélation négative entre un conflit – ouvert ou non déclaré – et la liberté d’information. Dans un contexte d’instabilité, les médias sont des objectifs et des cibles stratégiques pour les groupes ou individus qui tentent de contrôler l’information en violation des garanties apportées par les textes internationaux, en particulier l’article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, les conventions de Genève de 1949 et leurs protocoles additionnels I et II de 1977.
Depuis mars 2011, la Syrie (177e, 0) incarne ce cas de figure à l’extrême, au point d’occuper désormais le rang de pays où la liberté de l’information et ses acteurs sont le plus en danger, aux portes du « trio infernal ». La crise syrienne apporte également son lot de répercussions dramatiques dans toute la région. Consolidant la ligne de fracture entre les médias déjà polarisés au Liban (106e, -4), elle incite les autorités jordaniennes à serrer la vis et accélère la spirale de violences qui minent l’Irak (153e, -2) où les tensions confessionnelles entre chiites et sunnites s’exacerbent. En Iran (173e, +2), acteur clé de la région, les promesses du nouveau président Rohani d’améliorer la liberté de l’information ne connaissent pour l’instant aucune suite. La couverture de la tragédie syrienne, tant par la presse officielle que par la blogosphère, est étroitement surveillée par le pouvoir, qui réprime toute critique à l’encontre de sa politique étrangère.
Les chutes du Mali (122e, -22) et de la République centrafricaine (109e, -34) illustrent également cette corrélation négative. Les guerres ouvertes ou intestines qui déstabilisent la République démocratique du Congo (151e, -8), tout comme les actions de guérillas et de groupes terroristes en Somalie (176e, 0) et au Nigeria (112e, +4) ne contribuent pas à améliorer leur classement.
L’arrivée au pouvoir des Frères musulmans en Égypte (159e, 0) à l’été 2012 s’est accompagnée d’une recrudescence d’exactions à l’encontre des journalistes, et d’une mise en coupe réglée des médias par la confrérie, stoppée net un an plus tard. Depuis le retour de l’armée au pouvoir, la « chasse aux Frères » concerne les journalistes égyptiens tout comme leurs confrères turcs, palestiniens ou syriens. Dans les pays du golfe Persique – en particulier les Émirats arabes unis (118e, -3) –, des acteurs de l’information sont arrêtés et jugés, accusés de liens avec la confrérie.
Face à la recrudescence de violences, la communauté internationale réagit enfin – au moins dans les textes. Le 26 novembre 2013, l’Assemblée générale des Nations unies a adopté par consensus sa première résolution sur la sécurité des journalistes et sur la création de la Journée internationale contre l’impunité des crimes contre les journalistes, qui sera célébrée le 2 novembre. Cette résolution est sans conteste un pas supplémentaire dans la bonne direction. Elle vient compléter la résolution 1738 condamnant les attaques perpétrées contre les journalistes dans les situations de conflits armés, initiée par Reporters sans frontières et adoptée par le Conseil de sécurité des Nations unies en décembre 2006, ainsi que le Plan d’Action des Nations unies sur la sécurité des journalistes et l’impunité, adopté en avril 2012. Reporters sans frontières demande notamment la mise en place par l’ONU d’un groupe d’experts chargés d’évaluer le respect par les États membres de leurs obligations, en particulier leur obligation de protéger les journalistes, d’enquêter sur tous les actes de violence et de traduire leurs auteurs en justice.
L’INFORMATION SACRIFIÉE SUR L’AUTEL DE LA SÉCURITÉ NATIONALE ET DE LA SURVEILLANCE ?
Les pays qui se prévalent de l’État de droit ne donnent pas l’exemple, loin de là. La liberté de l’information cède trop souvent devant une conception trop large et une utilisation abusive de la sécurité nationale, marquant un recul inquiétant des pratiques démocratiques. Le journalisme d’investigation en pâtit parfois gravement comme aux États-Unis (46e), qui perdent 13 places. L’un des reculs les plus marquants, dans un contexte accru de traçage des sources et de chasse aux lanceurs d’alerte. La condamnation du soldat Bradley Manning ou la traque de l’analyste de la NSA Edward Snowden sont autant d’avertissements à ceux qui oseraient livrer des informations dites sensibles, mais d’intérêt public avéré, à la connaissance du plus grand nombre. La profession a été fortement ébranlée par le scandale des relevés téléphoniques d’Associated Press, saisis sans préavis par le Département de la Justice afin d’identifier l’origine d’une fuite émanant de la CIA. L’affaire a rappelé l’urgence d’une « loi bouclier » entérinant la protection des sources pour les journalistes au niveau fédéral. Le processus législatif réactivé en ce sens ne rassure guère James Risen, du New York Times, soumis par la justice à l’obligation de témoigner au procès d’un ancien agent de la CIA dans une autre affaire de transmission d’informations classifiées. Il ne saurait non plus faire oublier les 105 ans de prison que risque le jeune journaliste indépendant Barrett Brown, pour avoir partagé en ligne certaines données de la société de sécurité privée Stratfor, sous contrat avec le gouvernement.
Le Royaume-Uni (33e, -3) s’est illustré au nom de la lutte contre le terrorisme par des pressions scandaleuses exercées sur le quotidien The Guardian et par les neuf heures de rétention de David Miranda, compagnon et collaborateur du journaliste Glenn Greenwald. Les autorités des deux pays semblent mettre davantage de zèle à traquer les lanceurs d’alerte plutôt qu’à encadrer des pratiques de surveillance abusives qui sont autant de négations du principe de privacy, cher à leur culture démocratique.
La loi sur « les secrets d’État », adoptée par la Diète nippone fin 2013, ajoute davantage d’opacité à la gestion par le gouvernement japonais de sujets d’intérêt général tels que le nucléaire, la relation avec les États-Unis, érigés en autant de « grands tabous ». Les notions de « journalisme d’investigation », d’« intérêt public », et de « secret des sources » ont été passées par pertes et profits par les députés, très soucieux d’éviter au pays (59e, -5) de voir son image écornée par des informations embarrassantes.
La « lutte contre le terrorisme » est également instrumentalisée par des gouvernements prompts à qualifier les journalistes de « menaces à la sécurité nationale ». Des dizaines de journalistes sont emprisonnés sous ce prétexte en Turquie (154e, +1), notamment lorsqu’ils couvrent la question kurde. Le Maroc, où les autorités confondent volontiers « journalisme » et « terrorisme » depuis l’affaire Ali Anouzla, stagne à la 136e place. En Israël (96e, +17), la liberté de l’information est une notion vulnérable face à l’argument sécuritaire. Au Cachemire indien, l’Internet mobile et les communications sont suspendus dès que des troubles menacent. Dans le nord du Sri Lanka (165e, -2), l’armée règne en maître et ne tolère aucune entorse à la vision officielle du processus de « pacification » des anciens bastions séparatistes tamouls. Les pays de la péninsule arabique mais aussi les régimes autoritaires d’Asie centrale, apeurés par les soubresauts des « printemps arabes », renforcent la censure et la surveillance des médias, à l’affût de toute « tentative de déstabilisation du pouvoir ».
PRIVATISATION DE LA VIOLENCE
Les groupes infra-étatiques constituent dans un certain nombre de pays la principale cause d’insécurité pour les journalistes. Les milices qui entretiennent le chaos dans la nouvelle Libye (137e, -5) ou les groupes armés yéménites liés à Al-Qaeda dans la péninsule arabique sont les visages de cette privatisation de la violence. Les milices Al-Shabaab en Somalie (176e, 0) ou le mouvement M23 en République démocratique du Congo (151e, -8) ont en commun de considérer les journalistes comme des ennemis. Les groupes djihadistes comme Jabhat Al-Nosra et l’État islamique d’Irak et du Levant (ISIS), désireux de contrôler les zones qu’ils « libèrent », s’en prennent violemment aux acteurs de l’information.
Ailleurs, et plus globalement, le crime organisé demeure une force prédatrice redoutable. C’est le cas au Honduras (129e, -1), au Guatemala (125e, -29), au Brésil (111e, -2) et au Paraguay (105e, -13), mais aussi au Pakistan, en Chine, au Kirghizstan ou dans les Balkans. Difficile voire impossible, à l’ombre de cette main criminelle, d’éviter l’autocensure à propos de sujets aussi sensibles que la corruption, le narcotrafic mais aussi l’infiltration des mafias dans les rouages de l’État. La passivité voire la complicité ou la complaisance de certaines autorités – parfois leur implication directe ou indirecte dans les crimes contre les médias – accentue l’impunité dont ces cartels criminels bénéficient et nourrit le cycle de violences qui s’abat sur les acteurs de l’information.