Le déplacement massif de Parisiens dans leurs maisons de campagne crée de grandes tensions avec les locaux. Effectivement, ces derniers les accusent d’amener avec eux le virus et ce n’est pas faux. Ils craignent également des ruptures de stocks alimentaires à cause de cet afflux massif. Pire encore, ils estiment également que le système hospitalier local ne pourra pas faire face !
Ces tensions rappellent celles rencontrées par les migrants lorsqu’ils arrivent aux portes de l’Europe. Cela devrait faire réfléchir beaucoup d’entre nous sur la fragilité de nos situations.
L’arrivée massive de résidents secondaires crée un certain émoi à Belle-Ile-en-Mer, où aucun cas de coronavirus n’a encore été confirmé.
Le maire de Palais « appelle chacun à la retenue et au civisme ».
« En chômage technique, nous sommes avec deux enfants dans un appartement de 60 m². Nous préférons nous isoler à Sauzon, où nous avons une résidence secondaire », confiait ce mardi matin un couple de Parisiens sur la place du marché resté ouvert. Comme eux, de nombreux résidents secondaires ont fait le choix de quitter leur résidence principale, anticipant les restrictions de déplacements et faisant fi des alertes sanitaires. « Il serait dommage que cet afflux de visiteurs aggrave la situation plutôt bien contenue jusqu’ici dans le territoire », s’alarme un médecin du pays d’Auray, qui constitue l’un des premiers foyers épidémiques apparus en France, et où les établissements scolaires sont fermés depuis déjà 15 jours.
« On culpabilise et on fait profil bas »
Les personnels de la compagnie Océane, qui exploite les liaisons maritimes avec le continent pour le compte de la Région Bretagne, ont constaté depuis dimanche une hausse massive du nombre de passagers sur leurs navires. Les bateaux taxis sont sollicités pour contourner la limitation du nombre de voyageurs, « mais nous refusons, car nous ne sommes pas équipés sanitairement », témoigne l’un d’eux. Les entreprises de gardiennage de véhicules sont débordées, les loueurs de voitures ont fermé et des files d’attente sont rapidement apparues devant les commerces du port de Palais.
« Mon voisin m’a fait la morale derrière sa haie, alors que je déchargeais mes valises…»
De quoi créer de vives tensions sur la plus grande des îles bretonnes (quelque 5 500 résidents à l’année), qui ne compte officiellement aucun cas de coronavirus. « C’était déjà tendu sur le bateau, lundi après-midi… On est passé in extremis. Et l’accueil des Bellilois est glacial : ils nous reprochent d’apporter le virus, de vider les rayons des supermarchés et de risquer de prendre les rares lits d’hôpital », résume Mathilde, venue se réfugier à Locmaria avec sa fille. « Mon voisin m’a fait la morale derrière sa haie, alors que je déchargeais mes valises… Du coup, on culpabilise et on fait profil bas, en se promettant d’appliquer au mieux les mesures de confinement, sans quitter la maison, où il y a de quoi faire au jardin ! ».
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Photo d’illustration : L’arrivée massive de résidents secondaires crée un certain émoi à Belle-Île-en-Mer, où aucun cas de coronavirus n’a encore été confirmé. (Photo Le Télégramme/Soisick Boulch)
Mathieu Pelicart
Le Télégramme
17 mars 2020