Cet article, très intéressant, démontre à quel point la guerre en Afghanistan n’a jamais été réalisée pour combattre le terrorisme mais pour détourner près de 1000 milliards de dollars au profit de l’industrie. Après avoir déployé 775.000 soldats et en avoir perdu 2400 sans oublier les dizaines de milliers de blessés, après avoir dépensé près de 1000 milliards de dollars, le résultat aujourd’hui est catastrophique puisque Donald Trump est en train de négocier avec les talibans. La question qui se pose est la suivante : étant donné que cette guerre a commencé en 2001 et que nous sommes en 2019, comment se fait-il qu’au bout de 18 ans de guerre, aucun cerveau ni génie américain n’ait essayé de redresser la barre et de réduire le carnage au bout de 5 ou 10 ans d’errements ? L’objectif initial à atteindre a produit l’effet inverse puisque non seulement les talibans ont été renforcés malgré les 1000 milliards de dollars injectés, mais le sentiment anti-américain s’est profondément enraciné dans les cœurs .
En réalité, cette guerre, comme toutes les autres d’ailleurs, n’est qu’un prétexte pour enrichir le complexe militaro-industriel à coups de centaines de milliards de dollars de dépenses d’argent public. Bien sûr, le peuple n’osera pas rouspéter ni demander des comptes car il mettrait en doute son patriotisme et de toutes façons, il est trop terrorisé par la menace Al Qaïda. De plus, il suffira de ressortir les images de l’attaque du 11 septembre pour faire taire toutes les langues.
Le quotidien américain, qui s’appuie sur près de 2 000 documents, met en lumière les erreurs de l’administration américaine dans la guerre et la reconstruction en Afghanistan.
C’est un nouvel éclairage capital sur la guerre en Afghanistan. Dans une grande enquête intitulée « En guerre avec la vérité », le Washington Post (en anglais) dévoile les errements des gouvernements américains successifs dans le conflit afghan. Ces révélations sont notamment fondées sur près de 2 000 documents émanant de l’Inspection générale spéciale pour la reconstruction de l’Afghanistan (Sigar), créée en 2008 pour enquêter sur les dépenses abusives liées à ce pays. Ces documents, obtenus après trois ans de recours en justice, ont vite été surnommés « Afghanistan Papers », en référence aux « Pentagone Papers » dévoilés en 1971 au sujet de la guerre au Vietnam.
Les entretiens menés par la Sigar montrent que les responsables politiques des États-Unis ont assuré publiquement depuis 2002 qu’ils faisaient des progrès contre les insurgés en Afghanistan, tout en admettant le contraire en privé. Les entretiens avec des responsables impliqués dans l’effort de guerre évoquent un budget dépensé sans contrôle, dans un pays sans gouvernement central fort, ce qui a alimenté une corruption généralisée et mené la population à rejeter la coalition internationale pour se tourner vers les talibans.Des objectifs incertains : « On ne savait pas ce que l’on faisait »
« Nous étions dépourvus d’une compréhension de base de l’Afghanistan, on ne savait pas ce que l’on faisait », a déclaré Douglas Lute, responsable pour l’Irak et l’Afghanistan au Conseil de sécurité nationale (2007-2014). Quand les États-Unis se décident à intervenir avec leurs alliés en Afghanistan, moins d’un mois après les attentats du 11-Septembre, les objectifs semblent clairs. Il s’agit de mener des représailles contre le groupe terroriste Al-Qaïda, désigné comme l’auteur des attaques, et d’empêcher de nouveaux attentats. Mais, rapidement, le gouvernement américain se perd dans ses objectifs de guerre, comme le révèlent les documents du Washington Post.
« Qu’essayions-nous de faire ici ? Nous n’avions pas la moindre idée de ce que nous entreprenions. » à l’Inspection générale spéciale pour la reconstruction de l’Afghanistan
Entre l’influence des talibans, le rôle flou du Pakistan et l’émergence du groupe jihadiste État islamique, l’armée américaine ne parvient plus à savoir qui sont ses véritables ennemis. « Ils pensaient que j’allais arriver avec une carte leur indiquant qui étaient les bons et les méchants », a ainsi témoigné un ancien conseiller d’une équipe des forces spéciales, sous couvert d’anonymat. « Il leur a fallu du temps pour comprendre que je n’avais pas ces informations. Au début, ils n’arrêtaient pas de me demander : « Mais qui sont les méchants ? Où sont-ils ? »
Cette confusion est également résumée dans une note de service rédigée par l’ancien secrétaire à la Défense Donald Rumsfeld en 2003 : « Je n’ai aucune visibilité sur qui sont les méchants. Nous manquons cruellement d’intelligence humaine. » Un flou qui paraît étonnant au regard des moyens humains déployés par les États-Unis. Depuis 2001, plus de 775 000 soldats américains ont été déployés en Afghanistan. Parmi eux, 2 300 sont morts et 20 589 ont été blessés au combat, selon le ministère de la Défense. Le site indépendant iCasualties.org recense même 2 440 morts. « Si les Américains connaissaient la magnitude de ce dysfonctionnement… Deux mille quatre cents vies perdues », résume en 2015 Douglas Lute.Un afflux incontrôlé d’argent : « Une colossale erreur de jugement »
Pour accompagner la reconstruction d’un Afghanistan marqué par la guerre, les Américains vont mettre en route la planche à billets. Selon une étude de l’université Brown, le seul département de la Défense a dépensé entre 934 et 978 milliards de dollars pour la guerre et la reconstruction. Il s’agit d’un montant bien supérieur à celui du plan Marshall destiné à soutenir l’Europe occidentale après la Seconde Guerre mondiale. « Qu’avons-nous obtenu pour cet effort d’un billion [mille milliards] de dollars ? Cela valait-il un billion de dollars ? » se demande Jeffrey Eggers, un ancien membre des Navy Seals, une unité spéciale de la marine.
« Après l’assassinat d’Oussama ben Laden, j’ai dit qu’il devait probablement bien rigoler depuis sa tombe, compte tenu des sommes que nous avons dépensées pour l’Afghanistan. » à l’Inspection générale spéciale pour la reconstruction de l’Afghanistan
L’argent dépensé par les États-Unis devait servir à mettre sur pied un « nouvel Afghanistan ». Il devait ainsi développer les écoles et les infrastructures, dans le but d’améliorer la sécurité et de lutter contre le sentiment antiaméricain de la population. « C’était une colossale erreur de jugement », estime une source anonyme, cadre de l’Agence américaine pour le développement international (Usaid). « On nous a donné de l’argent, on nous a dit de le dépenser, alors on l’a fait. Sans raison. »
« Nous n’envahissons pas les pays pauvres pour les rendre riches », a expliqué James Dobbins, ancien haut diplomate américain, envoyé spécial à Kaboul sous George W. Bush et Barack Obama. « Nous n’envahissons pas des pays autoritaires pour les démocratiser. Nous envahissons des pays violents pour les rendre pacifiques…
Photo d’illustration : des soldats américains lors d’une visite du commandant des forces américaines et de l’Otan, le 6 juin 2019, au poste de contrôle du district de Nerkh, en Afghanistan. (THOMAS WATKINS / AFP)
France Télévisions
10 décembre 2019