Si les autorités voulaient récupérer de l’argent, des centaines de milliards d’euros, il suffirait de mettre fin à la corruption en appliquant des lois extrêmement sévères et en mettant les moyens judiciaires et policiers. Continuer à taxer les plus fragiles n’est rien d’autre qu’une démonstration de la corruption du système même.
Alors que le monde s’apprête à connaître l’une des pires récessions économiques de son histoire, les chiffres des coûts de la corruption au sein de l’Union européenne donnent le vertige. Jusqu’à 990 milliards d’euros sont ainsi perdus chaque année, l’équivalent de 6,3 % du PIB de l’UE.
Près de 1 000 milliards d’euros. C’est ce que représente l’impact de la corruption à l’échelle européenne, soit 6,3 % du PIB du bloc, selon la fourchette haute des chiffres du Parlement européen. A minima, cet impact est évalué à 179 milliards d’euros chaque année. Un rapport du think tank Le Club des juristes, publié jeudi (19 novembre), plaide pour la mise en place de nouvelles mesures afin de pallier ce problème et améliorer le droit européen en matière de corruption.
Selon l’indice de perception de la corruption publié par Transparency International, qui classe 180 pays et territoires en fonction de leur niveau de corruption perçu dans le secteur public par des experts et des hommes d’affaires, l’Europe est toutefois la région qui dispose du meilleur score, avec 66 % de moyenne, ce qui laisse imaginer l’impact du problème ailleurs dans le monde. En 2019, la France reculait cependant de deux places dans ce classement, passant de 21ème à 23ème.
De l’utilité des lanceurs d’alerte
Mais, outre ces 6,3 points de PIB, la politique de l’UE au regard des lanceurs d’alerte a aussi un coût. Les pertes liées à l’absence de protection de ces derniers au sein de l’Union sont estimées entre 5,8 et 9,6 milliards d’euros, avait révélé une étude de la Commission européenne de 2017. Celle-ci s’attelait à présenter « un argument économique « en faveur des lanceurs d’alerte, en plus de l’argument moral communément admis.
Le rapport s’était ainsi concentré sur le secteur des marchés publics, « composante majeure de l’économie et point névralgique de la corruption […]. Dans ce contexte, la protection des lanceurs d’alerte peut encourager la dénonciation des pratiques de corruption, ce qui permet de réduire les abus de fonds publics », indiquaient les auteurs de l’étude. Celle-ci s’est basée sur une enquête détaillant les coûts supportés par le secteur public pour mettre en place durablement la protection des lanceurs d’alerte dans sept pays européens dans lesquels des dispositions en ce sens sont effectives – l’Irlande, l’Italie, le Pays-Bas, la Roumanie, la Slovaquie, le Royaume-Uni et la France.
Les résultats quantitatifs du rapport avaient « clairement démontré » la valeur économique de la protection des lanceurs d’alerte, avec pour tous les pays et les scénarios modélisés, un potentiel d’efficacité dépassant largement les coûts.
Par ailleurs, l’opinion publique est en demande. Selon un Eurobaromètre spécial publié en 2017, 68 % des Européens jugent la corruption inacceptable et l’estiment répandue dans leur pays.
Avantage concurrentiel des États-Unis
Mais l’enjeu est également géopolitique. En France, le cas d’Alstom notamment avait montré l‘avantage que donnait la loi américaine de 1977, le Foreign Corrupt Practices Act (FCPA), votée à la suite du scandale du Watergate.
Une loi qui a la particularité d’être extraterritoriale. Les actes de corruption commis par des entreprises ou des personnes qu’elles soient américaines ou non, implantées aux États-Unis d’une manière ou d’une autre, simplement cotées en bourse sur le territoire américain ou acteur d’un marché financier régulé, peuvent être poursuivis par le ministère américain de la Justice. Le seul fait d’avoir établi une communication téléphonique ou envoyé un courriel transitant via le territoire américain permet également l’application de cette loi.
Avec cet outil juridique, Washington n’a eu de cesse d’adopter une politique commerciale très agressive.
Entre 2008 et 2018, sur les 26 plus lourdes condamnations pour corruption prononcées au titre du FCPA, 14 concernent des entreprises européennes, pour un montant total de 5,34 milliards d’euros, soit 60 % du total des amendes, et cinq seulement des sociétés américaines…