Tribune très intéressante du doyen de la faculté de droit des Hauts-de-France, Monsieur Nicolas Leblond, qui après mure réflexion, tombe exactement sur les mêmes conclusions que nous autres. Il est inconcevable de vivre dans une société liberticide de seules restrictions, une société de la mort, du terrorisme sanitaire quotidien, car une telle société autoritaire ne peut mener qu’au désordre et à l’instabilité, elle n’a pour seul horizon et finalité que son propre effondrement.
TRIBUNE – Une crise sanitaire qui dure depuis près de deux ans et dont on n’aperçoit pas la fin ne peut plus être qualifiée de temporaire. Subrepticement, les bases de notre droit sont ébranlées: l’interdiction est érigée en principe et la liberté en exception, argumente Nicolas Leblond, maître de conférences de droit privé.
Nicolas Leblond est doyen de la faculté de droit et d’administration publique de l’Institut sociétés et humanités de l’université polytechnique Hauts-de-France.
Le temps est venu de dessiner la façon dont nous allons devoir vivre avec ce virus et d’abandonner une appréhension uniquement sanitaire de court terme pour renouer avec une approche politique de long terme.
Les deux ans qui viennent de s’écouler l’ont montré : le raisonnement sanitaire ne connaît en lui-même aucune limite, aucun garde-fou. Son aspect purement technique conduit à toutes les propositions dès lors qu’elles pourraient permettre qu’il n’y ait plus de malades. C’est ainsi qu’il peut apparaître normal de proposer le confinement comme mode de vie, la fermeture des écoles et le rétrécissement de la vie de notre jeunesse, de séparer les familles en demandant que « papy et mamie mangent dans la cuisine », de discriminer la population selon son état de santé, de restreindre la vie économique et sociale en limitant les interactions. Toutes choses qui seraient certainement passées pour d’intolérables injustices avant la pandémie sont désormais présentées comme quasi souhaitables et c’est alors un nouveau modèle qui est proposé : celui de l’interdiction érigée en principe, la liberté devenant l’exception.
Certains députés ayant perdu toute inhibition proposent même d’en finir avec les libertés individuelles pour ne plus raisonner qu’en termes de libertés collectives. L’individu ne compte plus, seule la masse importe. Cette pente est connue : c’est celle des régimes autoritaires dont on sait que, comme l’enfer, ils sont toujours pavés de bonnes intentions. Or, nos sociétés ont besoin de paix et de concorde, et pour cela, de liberté. Il est à craindre qu’une société uniquement sanitaire ne détruise celle-ci tout en ne permettant pas d’atteindre celles-là. L’Histoire et les fictions sur un avenir catastrophique le soulignent : les sociétés de restrictions finissent par s’effondrer d’avoir trop écrasé leurs membres sous le poids des contraintes.
Le temps est donc venu que les candidats à la magistrature suprême se voient poser les vraies questions et qu’ils y proposent des réponses claires. On ne peut plus se satisfaire des injonctions sanitaires censées protéger les autres et mettre fin à la circulation du virus car elles se révèlent non seulement inefficaces, mais souvent fausses, sans compter qu’elles finissent par coûter excessivement cher, économiquement et socialement. Les Français sont largement vaccinés, ils ont été disciplinés de manière exemplaire. Mais ils sont aussi fatigués. Alors que la vaccination et le port du masque ont été grandement respectés, la circulation du virus ne diminue pas. En revanche, les décès ont, à ce jour, proportionnellement grandement diminué, ce qui est le vrai motif d’espoir.
Sauf à poursuivre l’utopie d’un humain tellement augmenté qu’il ne meurt plus, il est temps d’accepter le risque statistiquement très faible du Covid – sauf pour une très petite minorité de personnes à risque parfaitement identifiées et vers lesquelles il convient de concentrer les efforts – et revenir à des conditions de vie normales dans un régime démocratique libéral. Ou alors, il faut dire clairement que nous changeons de modèle social et politique pour vivre désormais dans un régime sanitaire où les restrictions et confinements seront la norme chaque hiver, où malgré les vaccins et les traitements nous devrons vivre masqués ad vitam, où l’accès au travail et aux joies de l’existence sera conditionné à un permis vaccinal.
Il faut aussi être conscient que si ce choix était fait, il porterait plus loin. Rien en effet ne justifierait de limiter la démarche au Covid : la grippe et les cancers par exemple devraient nous conduire aux mêmes solutions. Demain, la liberté sera-t-elle réservée à ceux qui présenteront de bonnes analyses sanguines, mangeront peu et sain, ne fumeront et ne boiront pas, ne s’exposeront pas à des produits nocifs ? Finalement, le choix de société qui devrait être l’enjeu des élections à venir, la présidentielle et les législatives, est assez clair. Deux modèles de société sont proposés. Le premier est celui de la vie, pleine, entière et libre, qui accepte que vivre ne se réduit pas à la biologie. Le second est sanitaire, qui nécessite contrôle et contrainte et se révèle puritain. Les différences sont assez grandes pour que le choix ne soit pas masqué aux électeurs.