Démission aux urgences : « Je ne vais pas mourir à la tâche et dans l’indifférence de l’administration »

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Le Pr Juvin vient de dire la même chose concernant les moyens hospitaliers encore plus bas que pendant la période de mars/avril ! C’est un pur sabotage du système hospitalier, un sabotage aux conséquences criminelles.


Responsable des urgences du CHU du Kremlin-Bicêtre, le docteur Maurice Raphael quitte ses fonctions, lassé de l’indifférence de sa direction.

Rien n’a changé, dit celui qui avait déjà alerté il y a moins d’un an.

Le docteur Maurice Raphael est chef du service des urgences du CHU Kremlin-Bicêtre (Val-de-Marne), au sud de Paris. Et il arrête. C’est fini. Il ne craque pourtant pas, il n’est pas en burn-out. Il dit simplement : « Cela suffit, rien ne change, la direction s’en fout, et je ne vais pas mourir à la tâche et dans l’indifférence de l’administration. » Le DRaphael vient d’annoncer sa démission de la chefferie d’un des services d’urgences les plus importants de l’Ile-de-France, près de 60 000 entrées par an. « Tous les matins, se retrouver avec au moins seize patients sans lit pour les accueillir, c’est trop, j’arrête. »
Et cet homme, apprécié de son équipe, raconte : « Depuis des années, on vit avec, on s’habitue à ces brancards, tout le monde trouve cela normal. Il vous manque des médecins, des aides soignantes, des infirmières ? On laisse faire. » « Ah si, ironise-t-il, la direction va faire un audit. Et après ? Rien ne se passe, c’est toujours le même constat : si cela marche mal, c’est que vous êtes mal organisé, et c’est en somme de votre faute. » Maurice Raphael se tait un instant : « La direction ne comprend pas, ils ne savent pas que les flux de patients aux urgences, c’est irrégulier. La vraie vie, ce n’est pas comme dans les livres. Nous, on s’épuise. L’équipe, qui s’entend très bien, est en train d’exploser de fatigue. Tout le monde s’en va. On a plus de dix médecins qui ont annoncé leur départ. »

Rien n’a changé

Point final. Ce qui est désespérant, c’est que l’histoire ressemble à un disque rayé. Car Maurice Raphael n’est pas un novice. Et sa lassitude ou ses craintes ne sont pas nouvelles. En décembre 2019, c’est lui qui, dans un courrier à sa direction générale rendu public, s’était alarmé, évoquant le « risque majeur d’événements graves » dans son service. Et il motivait, ainsi, sa mise en garde : « La situation pour les semaines à venir s’annonce extrêmement préoccupante. La privation de 100 lits avec une activité qui reste stable, voire qui augmente pendant les fêtes, conduit mathématiquement à un engorgement des urgences et avec pour résultat des patients dans l’attente de lits installés sur des brancards dans les couloirs. » La preuve ? « Le 23 décembre, quand je suis arrivé le matin, nous devions nous occuper de 35 patients sur des brancards, les voir un par un, leur trouver une place, ce qui prend du temps. Et pendant ce temps-là, le flux continue d’arriver et vous êtes toujours en retard. » 

« Je suis prêt à travailler, même beaucoup, même trop »

 


Photo d’illustration : le CHU du Kremlin-Bicêtre, en 2008.Photo Stéphane de Sakutin. AFP

Eric Favereau
Libération
21 septembre 2020

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