Stigmatisation. Auteur d’un nouvel ouvrage consacré à l’identité nationale, l’essayiste Alain Finkielkraut avait tenu antérieurement des propos – passés inaperçus – à propos des habitants des quartiers populaires. Flashback.
5 juin 2012, Tel-Aviv. En liaison avec l’ambassade de France, l’Institut français organise au théâtre Habima un forum-débat intitulé “Démocratie et religion”.
La soirée d’inauguration est consacrée au thème suivant : “Laïcité à la française, laïcité à l’israélienne”. Co-animatrice de la discussion, la journaliste Marie Drucker interroge Alain Finkielkraut, professeur d’histoire des idées et de la modernité dans le département sciences humaines et sociales de l’école polytechnique.
Abordant la question de l’école envisagée comme le “creuset de la laïcité”, Alain Finkielkraut évoque alors la spécificité française de l’interdiction du voile, en rapport – selon lui – avec la “tradition” nationale de la “galanterie” et de la “mixité” de l’espace public. Pour illustrer son propos, il s’appuie sur les recherches de l’écrivaine Claude Habib et le film La Journée de la jupe avec Isabelle Adjani. Extrait (visible à 01:00:45) :
La preuve qu’on est au cœur du sujet est fournie par un film qui a eu un immense succès [car] il disait des choses sur la réalité française ou, du moins, la réalité de ces quartiers qu’on appelle, Dieu sait pourquoi, les “quartiers sensibles”. Et la sensibilité n’est pas leur vertu première.
Rires dans la salle. Face à un public composé de Français et d’Israéliens francophones, un écrivain convié par un organisme dépendant du Quai d’Orsay a ainsi stigmatisé, sans être contredit, une large catégorie, résidant en “zone urbaine sensible”, de la population française en situation précaire. Pour comprendre précisément de qui parle Alain Finkielkraut, il faut se référer à une autre des ses interventions lors de ce forum-débat.
Dans une discussion organisée le lendemain et intitulée “La religion est-elle soluble dans la démocratie?”, le professeur de Polytechnique (grande école chapeautée par le ministère de la Défense) explique ceci (à 01:41:10)
“Le mot “populaire” en France est divisé en deux. Quand on vous dit : “les classes populaires quittent la banlieue et votent pour Marine Le Pen”, tout le monde sait de quoi on parle. Et quand on vous dit qu’il y a des tensions dans les quartiers populaires, tout le monde sait de quoi on parle aussi.
Dans un cas, il s’agit du peuple autochtone ou d’origine européenne et dans un autre cas, il s’agit d’une majorité de gens issus de l’immigration maghrébine ou africaine. Pour autant, on dit “quartier populaire”.
Lorsqu’il évoque un manque de “sensibilité” chez les habitants des quartiers “sensibles” ou “populaires” (dans lesquels “le sexisme et l’antisémitisme” seraient en pleine croissance, affirme-t-il également à 01:44:30), Alain Finkielkraut désigne tacitement les citoyens porteurs du marqueur identitaire qu’il caricature régulièrement : l’islam.
Ironie du sort, le terme “sensible” apparait d’ailleurs dans une pétition récemment co-signée par le polémiste. L’objectif ? “L’évolution du régime juridique de l’animal dans le code civil reconnaissant sa nature d’être sensible”.
Aux yeux d’Alain Finkielkraut, les animaux semblent plus dignes de considération que les banlieusards originaires du Maghreb et de l’Afrique subsaharienne. Jeudi dernier, sur RMC, le philosophe a ainsi indiqué à ses interlocuteurs que les musulmans français étaient, d’après lui, de plus en plus “désécularisés” et “endogamiques”.
Invité la semaine dernière chez Laurent Ruquier pour présenter son dernier pamphlet, Alain Finkielkraut dénonçait les dangers de “l’islam politique” ainsi – innovation sémantique – que ceux de “l’islam religieux”.
Un mois auparavant, le même homme affirmait, sur l’antenne publique de France Culture, que les mots “Allah Akbar” constituaient un “cri de guerre”.
Alain Finkielkraut, qui s’est défini comme un « intellectuel juif et français » à la suite d’une intervention lyrique en faveur d’Israël (lors d’une convention du CRIF), estimait déjà – en 2006 – qu’il y avait un « lien visible entre islam et violence » avant d’ajouter que le Coran était « un livre de guerre ».
Un an auparavant, l’intellectuel faisait savoir au quotidien israélien Haaretz sa pensée singulière sur un sujet similaire : “Bien sûr qu’il y a une discrimination, et il y a certainement des Français racistes, des Français qui n’aiment pas les Arabes et les Noirs et ils les aimeront encore moins maintenant quand ils prendront conscience de la haine qu’ils leur vouent“.
En 1989, il avait co-signé un appel, intitulé “Profs ! Ne capitulons pas !” et relayé par le Nouvel Obs, visant à faire interdire le foulard islamique à l’école.
Nulle surprise, dès lors, à le voir encenser “Monsieur Chalghouni (sic), imam de Drancy”, présenté – sans rire – comme un “musulman représentatif, courageux et lucide”. Celui-ci avait fait sa connaissance lors du forum-débat organisé en juin 2012 à Tel-Aviv. Une idylle était alors née entre les deux hommes.
Hassen Chalghoumi ne se “paye pas de mots” selon son nouvel admirateur. Certes : il n’a pas objecté quand son illustre camarade de débat avait affirmé (à 01:46:37) ce propos stupéfiant pour un chantre de la laïcité, censé prôner une séparation équidistante de l’État et des religions :
A ceux, en France, qui disent [à propos d’Israël] “il ne peut pas y avoir un État juif puisque “juif” est une religion”, je crois qu’en France, on est amené à répondre : “oui, mais la religion juive a donné du judaïsme une définition nationale c’est-à-dire, au bout du compte, laïque”.
Hicham HAMZA
- Source :
http://www.panamza.com/04112013-finkielkraut-quartiers-sensiblesVous pouvez commander le(s) livre(s) en cliquant sur l’image correspondante :