C’est ce qui peut être appelé une situation ubuesque causée par une législation extrêmement complexe et totalement stupide qui met à mal les finances d’une municipalité. Ce genre de situation peut être réglé très facilement en faisant voter une simple loi, sauf que personne ne le fera étant donné que les députés préfèrent mettre à mal la situation financière du pays déjà précaire, voire l’aggraver.
Depuis douze ans, la mairie de Pérols est forcée à payer 75% du salaire d’un fonctionnaire qui n’occupe plus de poste dans la commune.
La facture s’élèverait au total à 483.000 euros, a indiqué le maire.
Publié fin juin, un rapport de la chambre régionale des comptes de Provence-Alpes-Côte d’Azur étrille le centre de gestion de la fonction publique territoriale du Var. Il relève notamment que « le centre de gestion rémunère toujours une trentaine d’agents privés d’emploi depuis 1990 ». Ces dysfonctionnements ne sont pas propres au Var : dans l’Hérault, à Pérols, la mairie paye 75% du salaire brut d’un chef de service qui a quitté son poste en 2007.
Depuis plus de quatre ans, Jean-Pierre Rico, le maire de Pérols, tente, sans succès, de faire évoluer la situation en allant régulièrement devant les tribunaux. « J’ai hérité de cette affaire lorsque j’ai été élu en 2014, et depuis j’ai engagé un certain nombre de procédures pour arrêter de payer cette personne. Je suis allé six fois devant les tribunaux et à chaque fois j’ai été condamné pour défaut de paiement et forcé à rembourser 75% du salaire au centre de gestion de la fonction publique », explique-t-il au Figaro. Celui qui assure avoir le soutien de ses administrés – « tout le monde est d’accord lorsqu’il s’agit de défendre une bonne gestion de l’argent public » – admet que la facture commence à être conséquente : « en plus des 483.000 euros que la mairie a versés depuis douze ans, j’ai dû aussi payer 31.000 euros de frais de justice relatifs à mes six condamnations. » C’est pourquoi le maire de Pérols, qui a déposé un recours devant le conseil d’État, a aussi indiqué que ce serait là son ultime action avant de laisser tomber l’affaire.C’est que la loi n’est pas de son côté. Celle-ci prévoit que lorsqu’un fonctionnaire n’occupe plus de poste dans une collectivité, il est rattaché au centre de gestion de la fonction publique de son département. La dernière collectivité dans laquelle il a exercé ses fonctions paye alors 75% de son salaire brut, charges incluses, tandis que le centre de gestion prend en charge les 25% restants, le temps de lui trouver un nouveau poste. « En fait les fonctionnaires ne bénéficient pas d’un emploi mais d’un salaire à vie », observe Jean-Pierre Rico. Interrogé par Le Midi Libre le président du Centre de gestion Christian Bilhac indique que « ce genre de situation n’est peut-être pas logique mais c’est légal. On doit appliquer la loi existante. »
Un poste de nouveau libre
Mais ce qui a fait bondir le maire de Pérols, c’est que « celui qui occupe actuellement le poste en remplacement du fonctionnaire parti en 2007 a demandé une mutation. J’ai donc rédigé une annonce que j’ai transmise au centre de gestion afin que la personne dont ma commune paye 75% du salaire soit informée. J’ai eu cinq candidatures au poste, mais pas la sienne. J’aurais préféré le réengager ! Quitte à payer son salaire, autant qu’il fasse partie de mes effectifs ».
Si le Conseil d’État lui donne tort, Jean-Pierre Rico a peur que la situation s’enlise. « Le maire de Juvignac, que je connais bien, était dans une situation similaire, mais la personne dont il remboursait les trois quarts du salaire a fini par partir à la retraite. Si on ne change rien, la situation peut durer très longtemps. Et lorsqu’il partira à la retraite, il touchera la même pension que s’il avait occupé un poste ».
Nicolas Orliac
Le Figaro22 juillet 2019