BONUS ! Voici un extrait de l’introduction du livre Mahomet et le Coran de Jules Barthélémy-Saint-Hilaire dans lequel ce philosophe spécialiste d’Aristote et homme politique français très connu – homme d’État – a dressé le portrait du prophète de l’islam, Mohamed et exposé les grandes lignes de sa religion. À l’instar des innombrables citations que vous trouverez dans Ils aiment l’Islam. Anthologie des écrits des grands auteurs occidentaux, le propos est élogieux et revient factuellement sur les mérites du prophète.
La vraie et saine doctrine que Mahomet est venu préciser
Il existe maintenant plus de cent millions de mahométans. Ils sont répandus depuis le Maroc en Afrique jusqu’au pied de l’Himâlaya dans le nord de l’Inde et depuis le fond de l’Yémen jusqu’aux bords du Danube au centre de l’Europe. Ils forment encore plusieurs empires puissants dont la Turquie et la Perse ; et si d’autres, comme celui du Grand Mongol, ont disparu, c’est l’édifice politique qui seul est tombé, tandis que l’édifice religieux est demeuré debout et solide. Dans des pays si vastes et si distants les uns des autres, sous des climats aussi divers, la foi musulmane n’a rien perdu de son ardeur …/… Le foyer n’est pas près de s’éteindre, malgré ce qu’en augurent des observateurs peu judicieux ; il brûle toujours et il brûlera bien encore, comme l’attestent les formidables explosions qui se sont produites sous nos yeux : l’insurrection militaire de l’Inde anglaise en 1857, ou l’insurrection récente de notre Algérie …/… Les prédications héroïques de nos missionnaires, si fécondes ailleurs, échoueront toujours devant le Mahométisme qu’ils ne peuvent entamer. De leur propre aveu ils ne trouvent pas, dans leur apostolat universel, un obstacle plus invincible que celui-là.
Ce grand fait doit nous éclairer et nous pouvons en conclure sans hésitation que Mahomet a compris parfaitement quelle doctrine religieuse convenait à ces races. Par inspiration, comme je le crois, ou par calcul, comme on l’a dit trop souvent, il a si bien su mesurer leur foi qu’elles y sont restées attachées inviolablement, à travers les plus terribles vicissitudes. Selon toute probabilité, le temps ne détruira pas plus la foi musulmane qu’il n’a détruit la foi juive, stationnaire mais immuable. Le Mahométisme ne fait pas de prosélytes nouveaux ; mais il ne perd aucun de ceux qu’il a conquis, et les musulmans continuent de vénérer Mahomet, bien plus que les Israélites ne vénèrent maintenant Moïse.
Que si, remontant à ses origines et ses dogmes, nous nous demandons ce qu’il est, nous n’aurons guère qu’à le louer. Qu’est-ce en effet que la révolution religieuse accomplie par Mahomet, vers le milieu du septième siècle ? Dans son caractère général, c’est la destruction de l’idolâtrie. À de grossières croyances, descendant à un stupide fétichisme, dont le culte de la pierre noire, à la Caaba, est encore le témoignage, et le reste innocent, Mahomet a substitué, après vingt ans de luttes, la foi à un Dieu unique, clément et miséricordieux, créateur des cieux et de la terre, père de l’homme sur lequel il veille, et qu’il comble de biens, rémunérateur et vengeur, dans une autre vie, où il nous attend pour nous récompenser ou nous punir selon nos mérites, tout puissant, éternel, infini, présent partout, voyant nos actions les plus secrètes, et présidant à la destinée entière de ses créatures qu’il n’abandonne point un seul instant ni dans ce monde-ci ni dans l’autre. L’islam est la soumission la plus humble et la plus confiante à sa volonté sainte. Il n’y a pas plus à se révolter contre elle qu’à désespérer de la fléchir ; et le cœur du vrai musulman est aussi tranquille que pur devant l’auteur de son existence, son soutien indéfectible, et son équitable juge. Le seul culte que le musulman doive au Dieu unique, c’est la prière répétée plusieurs fois par jour ; et à certaines époques de l’année des mortifications, qui ramènent plus particulièrement la pensée du fidèle à celui qui l’a créé, qui le fait vivre, et qui le retrouvera éternellement après sa mort.
Tel est l’islam dans son essence et sa simplicité ; telle est la vraie et saine doctrine que Mahomet est venu prêcher au monde arabe, et par laquelle il l’a persuadé et amélioré. S’il est un homme à qui la raison et l’histoire doivent des éloges, sous ce point de vue restreint, c’est celui-là.
Jules Barthélémy-Saint-Hilaire, « Mahomet et le Coran » 1865, articles du Journal des Savants de 1863-64.