Jean-Paul Delevoye contraint de démissionner d'un autre poste dans le privé

15
PARTAGES
3
VUES

Bis repetita, encore un ministre qui s’occupe d’un nouveau projet de loi, d’une nouvelle réforme, qui va dans le sens des intérêts de ses employeurs privés ! Comment peuvent-ils oser diriger l’exécutif avec des conflits d’intérêts aussi voyants, aussi flagrants ? Comment peuvent-ils piétiner ainsi la loi et l’éthique ?


Le haut-commissaire aux retraites a démissionné ce mardi midi de la présidence du think tank Parallaxe.

Un cumul des fonctions qui posait problème.

Ministre et en même temps président rémunéré d’un think tank ? Malgré sa nomination au poste de haut-commissaire aux retraites, ministre délégué auprès d’Agnès Buzyn, Jean-Paul Delevoye conservait jusqu’à ce mardi midi la présidence du think tank Parallaxe, qui lui versait une « gratification » d’un peu plus de 5.300 euros nets par mois, comme il l’a indiqué lui-même dans sa déclaration d’intérêts et d’activités à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique, rendue publique le 7 décembre. Il a quitté cette fonction suite à nos révélations. La deuxième démission en deux jours, puisqu’il avait déjà abandonné son poste au sein du conseil d’administration de l’Institut de formation de la profession de l’assurance (IFPASS) lundi, suite à l’enquête fouillée du Parisien.
De quoi s’agit-il ? Le think tank Parallaxe est une émanation du groupe d’enseignement privé IGS, qui regroupe 34 écoles et centres de formation en France. Créé en 2017, Parallaxe s’est donné pour mission de remédier à « l’insatisfaction des étudiants concernant le système éducatif actuel » en faisant « vivre et évaluer l’impact d’un nouveau modèle éducatif articulé autour des valeurs ». Pour ce faire, ce cercle de réflexion s’est attaché les services d’un président d’honneur nommé Jean-Paul Delevoye. Au sein du « cercle des innovateurs » de Parallaxe, ce dernier a côtoyé plusieurs dirigeants d’écoles appartenant au groupe IGS. Mais aussi des personnalités du monde de l’entreprise telles qu’Armelle Carminati-Rabasse, présidente de la commission innovation sociale et managériale du MEDEF, Yannick Morel, responsable des relations enseignement supérieur de l’Agence pour l’emploi des cadres (APEC), ou encore Bérangère Golliet, directrice transformation de Danone France. Même le candidat LREM dissident à la mairie de Paris, Cédric Villani, a déjà participé aux travaux de ce think tank. « À titre bénévole », comme l’a fait savoir son entourage à Capital.

Un haut-commissaire payé 64.420 euros nets en 2018 et 2019

« J’exerce depuis 2017 la présidence du think thank Parallaxe de Hep Education au sein du groupe IGS », a donc écrit le haut-commissaire aux retraites dans sa déclaration d’intérêts qu’il devrait modifier dans les prochains jours. Si aucune rémunération n’apparaît pour 2017, exercice durant lequel Emmanuel Macron l’a nommé haut-commissaire — non membre du gouvernement dans un premier temps — Jean-Paul Delevoye a bénéficié d’une gratification de 64.420 euros nets, en 2018 comme en 2019.
Suite à sa nomination au titre de ministre délégué auprès de la ministre de la Santé et des Solidarités, le 3 septembre 2019, Jean-Paul Delevoye avait, jusqu’à ce mardi midi, conservé sa fonction de président du think tank Parallaxe. En avait-il le droit ? A priori, la Constitution semble proscrire ce genre de cumul. En effet, l’article 23 de la Constitution pose le principe de l’incompatibilité des fonctions de membres de gouvernement avec « toute fonction de représentation professionnelle à caractère national et de tout emploi public ou de toute activité professionnelle ». Selon la loi organique pour l’application de l’article 23 de la Constitution, une personnalité appelée au gouvernement dispose d’un délai d’un mois à compter sa nomination, pour quitter ses anciennes fonctions. « Le principe d’incompatibilité sert à garantir l’impartialité des membres du gouvernement, à les protéger des intérêts privés », commente Jean-Christophe Picard, président de l’association Anticor.

La notion d’activité professionnelle au cœur des interrogations

La subtilité, c’est que l’article 23 de la Constitution ne définit pas précisément la notion d’activité professionnelle. S’agit-t-il de toute activité non-bénévole ? Dans ce cas, Jean-Paul Delevoye aurait dû quitter la présidence de Parallaxe au plus tard un mois après son entrée au gouvernement, c’est-à-dire le 3 octobre dernier. Dans son rapport pour le renouveau démocratique remis à François Hollande en 2012, la commission Jospin considérait que la règle fixée par la Constitution n’excluait pas « l’exercice, au sein d’associations et de partis politiques, de fonctions ou de responsabilités, dès lors qu’elles ne sont pas exercées à titre professionnel ». Avant de poursuivre : « L’implication d’un ministre dans l’animation d’une association ne saurait, par principe être proscrite ». Cette interprétation de la règle constitutionnelle pourrait donner raison à Jean-Paul Delevoye, à condition que Parallaxe ait bien…


BARTHÉLÉMY PHILIPPE
Capital

10 décembre 2019

*Article actualisé le mardi 10 décembre à 15h08 : Suite à la publication de notre article, Jean-Paul Delevoye nous a annoncé son choix de quitter ses fonctions au sein du groupe IGS, et donc la présidence de Parallaxe, après avoir « réexaminé sa situation personnelle ».

En rapport : Articles

Article Suivant

SUIVEZ-NOUS

Contenu Premium

Pas de contenu disponible

CES 7 DERNIERS JOURS

Heureux de vous revoir!

Se connecter avec votre compte

Créer un Nouveau Compte!

Remplissez les champs pour vous enregister

Récupérer votre mot de passe

Merci d'entrer votre nom d'utilisateur ou votre email pour réinitialiser votre mot de passe

Êtes-vous sûr de vouloir débloquer cet article?
Débloquages restant : 0
Êtes-vous sûr de vouloir annuler votre abonnement?