Enfin ! Il était temps que Facebook puisse être attaqué en justice en France pour des délits concernant des utilisateurs français. La question qui se pose et qui ne manque ni d’importance, ni encore moins de pertinence, est la suivante : comment l’État a-t-il pu laisser le champ libre à Facebook et pourquoi a-t-il fallu attendre l’année 2015 pour qu’une action en justice introduite en France puisse être déclarée recevable ? On en connaît qui vont avoir, très bientôt, de sacrées surprises…
La cour d’appel de Paris s’est prononcée ce vendredi sur la compétence de la justice française pour juger le géant américain. Le réseau social est actuellement en conflit avec un professeur des écoles, dont le compte a été censuré.
Il est possible de poursuivre Facebook devant les tribunaux français. La cour d’appel de Paris a tranché ce vendredi : la justice française est compétente pour juger le réseau social dans un conflit qui l’oppose à un professeur des écoles. Le géant américain a toujours argué n’avoir de compte à rendre qu’à la justice américaine.
La cour a ainsi confirmé l’ordonnance du tribunal de grande instance de Paris du 5 mars 2015 . Cette dernière avait jugé « abusive » la clause exclusive de compétence – obligatoirement signée par tous les utilisateurs de Facebook à l’inscription -, qui désigne un tribunal de l’État de Californie, où siège l’entreprise, comme étant le seul habilité à trancher les litiges.
« L’Origine du monde » au cœur du conflit
Cette décision intervient dans le cadre d’ une affaire qui remonte à février 2011 . Un instituteur parisien avait publié sur sa page Facebook un lien vers un reportage sur L’Origine du monde, célèbre tableau de Gustave Courbet montrant un sexe féminin. L’oeuvre s’était affichée avec sa publication directement sur le réseau social. Facebook a alors suspendu son compte, faisant savoir que l’image contrevenait à la déclaration des droits et responsabilités du site. Le problème avec ce post, pour Facebook ? La nudité. L’internaute avait donc engagé des poursuites contre le réseau social, qui n’ont rien donné jusqu’à présent puisque Facebook avait assuré qu’aucune juridiction française n’était compétente pour juger l’entreprise américaine. Il fallait donc d’abord résoudre ce litige.
Après la décision du tribunal de grande instance de Paris, qui avait estimé en mars dernier qu’un juge français pouvait juger Facebook, le réseau social avait saisi la cour d’appel de Paris. « Facebook a 20 millions d’utilisateurs en France et personne ne pourrait saisir un juge français. Ce n’est pas concevable ! », défendait l’avocat de l’instituteur, Me Stéphane Cottineau.
Facebook risque une condamnation qui pourrait faire jurisprudence
Maintenant que la cour d’appel a confirmé l’ordonnance du TGI, l’affaire entre son client et le géant américain concernant la censure de son compte peut se poursuivre. « Enfin, on va pouvoir plaider sur le fond et débattre de la liberté d’expression », a réagi Stéphane Cottineau ce vendredi, contacté par « Les Echos ». « Je pense que la procédure va désormais s’accélérer. » Facebook risque une condamnation. Si la justice tranche en faveur de l’instituteur, le réseau social « pourrait devoir rouvrir le compte de mon client et lui verser des dommages et intérêts » et « devoir modifier ses fameuses clauses abusives », explique Stéphane Cottineau, avant d’ajouter : « On a demandé une somme de 20.000 euros mais notre combat principal c’est l’ouverture de son compte et que Facebook soit sanctionné, que le site respecte la liberté d’expression. Mon client a trouvé cette censure humiliante, brutale et injuste. »
Si jamais Facebook était condamnée, la décision pourrait faire jurisprudence, indique l’avocat, soulignant que les clauses qui obligent les usagers à saisir un juge étranger sont présentes sur d’autres réseaux sociaux et sur des sites de e-commerce également.
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