Article intéressant des Inrockuptibles qui a décidé de faire lire par un journaliste les ouvrages de PPDA dont certains ont été des best-sellers vendus à 1 million d’exemplaires. Les découvertes sont stupéfiantes, en réalité rien n’est caché, il écrivait tout, il suffisait de lire. TF1 savait, lui l’écrivait, le milieu germanopratin complice, il a pourtant multiplié viols et agressions pendant 30 ans !
Il n’est pas question de condamner un homme par ses romans. Mais nous avons eu la curiosité d’ouvrir les livres de PPDA pour voir quelle vision de la femme, et des rapports hommes-femmes, ils ont véhiculé pendant des décennies.
Et c’est édifiant.
“On me dit parfois qu’il ne faut jamais reconnaître qu’on a pu écrire un livre à toute vitesse, il paraît que cela fait mauvais genre, mais je préfère la franchise. On me dit aussi qu’il ne faut pas davantage parler du nombre d’ouvrages qu’on a signés, cela attise semble-t-il les jalousies ou les soupçons, mais la vérité est que je n’en regrette aucun”. Ces lignes sont signées Patrick Poivre d’Arvor et figurent dans un récit autobiographique paru en 2013 chez JC Lattès, Seules les traces font rêver.
Des traces, PPDA en a laissé, elles sont compilées dans des livres. Et toutes ne font pas forcément rêver. “J’en ai écrit beaucoup, trop peut-être, entre soixante et soixante-dix, pour un bon tiers avec mon frère Olivier”. Car avant d’avoir été le présentateur vedette du 20 heures de TF1 de 1987 à 2008, Poivre s’était avant tout rêvé écrivain, même si son premier roman ne fut publié qu’une fois qu’il était devenu un personnage public. Il brigua un fauteuil à l’Académie française en 2012, sans succès. Certains de ses livres furent, eux, de véritables best-sellers, dépassant le million d’exemplaires vendus.
Une large exposition médiatique
À l’heure où une instruction est en cours et que vient de paraître Impunité, le livre à charge de la journaliste Hélène Devynck (édition du Seuil), nous n’avons pas voulu nous substituer à la justice. Nous n’entendons pas convaincre ici de la culpabilité de PPDA pour les faits dont il est actuellement accusé. Nous avons tout simplement ouvert ses livres et les avons lus. Et dans cette besogne d’archiviste plus que de critique littéraire, nous y avons vu le reflet d’une époque, celle où on ne parlait pas encore de culture du viol comme concept sociologique. Une époque où ces livres ont été édités, distribués, vendus, certains d’entre eux ont été lus, et son auteur disposa d’une large et constante exposition médiatique.
Son premier roman, Les Enfants de l’aube (JC Lattès), fut écrit, selon sa légende, à 17 ans, mais ne sortit que dix-huit ans plus tard en 1982. On sait l’importance des premières fois, aussi en littérature. Toute l’œuvre d’un auteur y est souvent en germe. Poivre y étale une prose très adolescente, empreinte de romantisme, sa sempiternelle marque de fabrique. Comme le confirme la scène où le héros, Tristan, rencontre sa bien-aimée en lisant Musset à la bibliothèque d’une main puisqu’avec l’autre il se masturbe à la vue de celle qui n’est encore qu’“une nuque inconnue”. “J’avais envie de faire l’amour avec cette nuque, de la pénétrer, de jouir dans la racine de ces cheveux en forme de M.”
Il ne suffira que de quelques pages pour qu’il possède sa belle et rêve de l’engrosser. “Je ne pouvais l’imaginer qu’enceinte (…) elle cousait, comme on le faisait au Moyen Âge (…) en attendant le retour du seigneur et maître. (…) ce n’est pas vraiment un rêve de féministe. Pourtant je suis sûr que dans mes songes je ne me posais pas en dominateur.” Dans ses songes non, mais dans ceux de Camille pourquoi pas, par exemple en la pénétrant pendant son sommeil : “Doucement, très doucement, je m’introduisis en elle. Elle ne s’était pas réveillée, mais ses mains cherchaient quelque chose. (…) Je déchargeai en elle des vagues d’amour et de brume et me retirai très doucement. Mais, dis-moi, Tristan, c’est un viol ou un cambriolage…”. On remarquera l’absence de point d’interrogation…
“J’étais très excité par le souvenir de cette nuit, de cet amour par effraction, sans qu’elle le sût”, précisera le héros quelques pages plus tard. À la fin, Tristan se suicide, pour la forme, laissant son fils Alexis seul, mais avec ce bouleversant témoignage de 200 pages comme legs. Le livre se clôt sur une note d’Alexis : “Papa, ton histoire est formidable. Je suis fier de toi. Mais t’aurais jamais dû me laisser seul avec ton secret”. De quel secret parle-t-il ? Du cambriolage ?
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