Pur génie, auteur algérien de plusieurs ouvrages importants, voyageur infatigable, polyglotte, formé à l’École normale de Bouzaréa (sur les hauteurs d’Alger), Mohand Tazerout est également le traducteur du livre majeur d’O. Spengler aux éd. Gallimard en 1933. Totalement inconnu dans son propre pays, il sort enfin de l’oubli pour être réédité et étudié à sa juste valeur.
La journée scientifique organisée, hier samedi à la bibliothèque nationale, a permis de jeter la lumière sur un pan de la vie et l’œuvre du grand penseur algérien Mohand Tazerout, inconnu dans son propre pays.
Les chercheurs-universitaires, invités à l’occasion, se sont penchés sur l’œuvre colossale léguée par ce penseur polyglotte, qui a beaucoup voyagé, et vécu dans de nombreux pays tels l’Égypte, l’Iran, la Chine, la France, l’Allemagne, la Tunisie, le Maroc et bien d’autres.
Mohand Tazerout a écrit une vingtaine d’ouvrages de grande portée intellectuelle, tels “L’Algérie de demain”, édité en 1930 ; “Histoire politique de l’Afrique du Nord”, publié en 1961 ; ”Manifeste contre le racisme”, publié également en 1961. Ce dernier titre est “un livre qui est, on ne peut plus d’actualité “, affirment les conférenciers. Il a également traduit de la langue allemande vers la langue française de grandes pointures de la philosophie, tel Oswald Spengler, ”Le déclin de l’Occident : Esquisse d’une morphologie de l’histoire universelle”, Éditions Gallimard, en 1933, ou encore « Sociologie relationnelle, par Leopold von Wiese » en 1931.
« C’est le premier Algérien à avoir fait des lectures de la société et de la culture occidentales de l’intérieur, à travers ses ouvrages », affirme Fodil Boumala, chercheur-universitaire. « Les langues et les voyages sont, pour lui, un moyen d’affranchissement de la culture coloniale française. Il voulait être libre et il a trouvé sa liberté dans ses échanges avec les autres cultures et civilisations », dit-il encore.
Les trois conférenciers sont unanimes à se demander « pourquoi Mohand Tazerout n’est pas connu chez lui, en Algérie ». Une question pertinente qui demeure sans réponse. « La grande majorité des universitaires algériens ignorent carrément son existence », indiquent-ils.
Est-il donc temps pour les Algériens de découvrir l’œuvre immense de ce penseur qui a consacré toute sa vie au savoir ? C’est ce qu’a fait comprendre Naima Hadj Abderhmane, présidente de l’Association des études philosophique, à travers les recommandations issues de cette journée scientifique, à savoir “la réédition de l’ensemble de ses livres disponibles en Algérie ; la traduction de ces ouvrages du français vers l’arabe ; la baptisation d’une institution publique en son nom et la programmation d’un colloque scientifique international, prochainement, sur l’œuvre de Mohand-Tahar Tazerout”, déclare-elle.
Le président de l’APC d’Aghribs, M. Irmeche Rabah, qui a tenu à être présent à la conférence en compagnie d’un grand nombre de cousins et proches de Mohand Tazerout, n’a pas caché sa satisfaction quant à la tenue de ce rendez-vous : ”Quand je suis arrivé et vu ses livres, tellement nombreux, exposés, j’ai eu à la fois un sentiment de fierté, mais aussi de culpabilité. La fierté de savoir ce qu’a réalisé l’enfant de ma région, et la culpabilité de ne rien connaitre de lui“ dit-il. “Aujourd’hui, nous devons creuser encore plus pour arracher Mohand Tazerout à l’oubli. Non pas seulement lui, mais beaucoup d’autres sommités qu’a données notre commune, à l’image de Mohamed Issiakhem, El Hadj Mhamed El Anka, Hnifa, Mohand Said Ouabdoune, Mohamed Iguerbouchène, etc. “, renchérit-il.
De son coté, Idir Tazerout, cousin du penseur et membre de l’Association Mohand Tazerout, déclare : “Qui ne voudrait pas partir à la quête de la mémoire atavique, de notre universalité et de notre appartenance à la vieille sagesse ? L’immense pensée de Mohand Tazerout et bien d’autres universalistes sacrifiés sur l’autel d’une amnésie “acculturante”, nous interpelle, aujourd’hui, plus que jamais pour des lendemains meilleurs.” “Cette journée dédiée au philosophe, sociologue et « civilisationiste » Mohand Tazerout représente notre premier pas pour l’arracher de l’oubli. C’est à la fois un devoir et une mission”, dit-il encore.
Arezki Ibersiene