Voici une réponse vidéo de F. Lordon concernant Étienne Chouard qui lui répondra dans le texte reproduit ci-dessous. Il est très dommageable pour le peuple que des polémiques stériles puissent exister encore entre deux personnes comme Chouard et Lordon qui, du reste, émettent une critique très juste et précieuse du système dominant actuel ! Même si je ne suis pas entièrement d’accord avec les deux puisque l’on reste toujours dans un paradigme vicié, ils restent néanmoins quasiment les seuls à avoir produit un travail conséquent sur la question du système capitaliste actuel en ce qui concerne Lordon et du système politique en ce qui concerne Chouard.
Nous retrouvons également ici le boulet Grosal qui pèse lourdement sur Chouard même s’il n’en est pas responsable ; de fait, qui pourrait en vouloir à Lordon de juger sévèrement les clowneries pathétiques du gourou sénile ? Bref, encore une fois, c’est le système qui gagne en divisant le peuple encore et encore.
Cette controverse avec Frédéric (avec qui je partage pourtant presque tout) rend sensible une vieille (et terrible) contradiction chez les communistes marxistes (qui s’opposent souvent aux communistes libertaires) : Frédéric affirme (et impose) deux impératifs catégoriques que je trouve (profondément) contradictoires :
1) la souveraineté populaire, c’est la démocratie, et c’est donc le fait de DÉCIDER ENSEMBLE, “la démocratie c’est NOUS qui décidons” (et je suis évidemment en parfaite harmonie avec cette première proposition),
mais
2) il est très rigoureusement interdit de “frayer” (même pour apprendre ensemble à constituer des pouvoirs sous contrôle populaire) avec des êtres humains “nocifs” (ce que j’analyse comme une irréductible contradiction avec l’impératif précédent).
On est ainsi conduit à se demander qui est ce “NOUS” : qui appartient à L'”ENSEMBLE” en question ?
Seulement les copains (avec qui on est bien d’accord sur “l’essentiel”) ? …
Mais 1) qui décide ce qui est essentiel ?
Et 2) qui est légitime pour désigner les parias ?
Qui désignera les parias, concrètement, dans cette “démocratie-sans-nocifs” ?
J’ai beau chercher, je trouve cette contradiction intenable, incompatible avec le concept même de démocratie.
Il me semble que si la gauche (la vraie) ne mobilise que 10 % des suffrages, c’est précisément en prétendant rejeter les non communistes du camp des démocrates, ce qui est une contradiction fondamentale, au fond des choses. On peut être democrate et pas marxiste… On se demande même souvent si tous les marxistes sont bien des démocrates… Enfin, gardons-nous de poser des étiquettes définitives car les humains peuvent changer d’avis (et c’est même la raison d’être de la politique d’y parvenir pacifiquement).
Être radicalement opposé à l’escroquerie de la “démocratie parlementaire”, ce n’est PAS être antidémocrate, c’est même souvent le contraire, précisément.
Un vrai démocrate est prêt, selon moi, à faire société (ce qui n’ira pas sans conflits, évidemment, mais loi par loi et pas en bloc) avec TOUS les êtres humains, même ceux qui ne sont pas (pas encore) démocrates. Tout projet démocratique qui impose “une ligne de fer” pour exclure des pans entiers de la société de la parole légitime est affaibli par une contradiction, et on peut s’attendre à ce que des personnes extérieures à ce projet y devinent une imposture, ou y voient au moins “une posture”… Une posture démocratique, mais qui n’assume pas bien la totalité du concept défendu.
Ce qui est sûr, c’est qu’en collant l’étiquette “extrême droite” avec aussi peu de rigueur (sur la seule considération des personnes que je rencontre), l’expression ne signifie plus rien de clair, et la confusion règne.
Je rappelle que, SUR LE FOND, je dévoue toute ma vie à ce que devienne possible et réel un processus constituant populaire (à portée universelle), qui nous débarrasse enfin durablement (radicalement) des chefs (vendus aux riches) et de leurs abus de pouvoir, à commencer par les chefs de partis et autres sectes (qui infantilisent littéralement aussi bien ceux qu’ils enrôlent que ceux qu’ils combattent), de façon à enfin pouvoir vivre en paix entre humains devenus adultes, d’accord loi par loi ou en désaccord loi par loi (mais jamais en tous points), dans une fédération de communes libres et auto-instituées, décidant elles-mêmes de leurs communs.
Je pense qu’un corps social devenu capable de s’auto-instituer se débarrassera du capitalisme. Car le capitalisme, c’est surtout du droit, un droit injuste qui légalise la domination des pauvres par les riches, un droit inique qui n’est possible QUE DEPUIS QUE (à la fin du XVIIIe) les plus riches ont pris le contrôle du processus constituant, et DONC du processus législatif, et DONC du droit qui privilégie les propriétaires, et de la police, et de l’armée, etc.
La mutation individuelle (mais à propagation collective) que je défends (des électeurs obéissants qui mutent, de façon contagieuse partout sur terre, en citoyens constituants) est À LA FOIS originale, radicalement anticapitaliste et radicalement antifasciste.
M’opposer l’accusation de “philo fascisme” est simplement une extravagance.
Étiqueter ce projet “d’extrême droite”, au seul motif que j’ose défier “la ligne de fer” des partis en parlant d’ateliers constituants populaires à TOUS les humains que ça intéresse, c’est expéditif, mal pensé et affaiblissant : ça nous divise, profondément ; et c’est d’ailleurs ce que font tous les partis tout le temps (nous diviser), puisque nos déchirements sont leur condition de survie.
Nous devrions ne garder des partis (du PC notamment) que la fonction (précieuse) d’éducation populaire. Pas davantage. Nous n’avons besoin de partis pour faire de la politique QUE PARCE QUE nous sommes réduits (par les “élus”) à l’état dégradant d’électeurs, tout juste bons à désigner des maîtres à l’issue d’une compétition électorale (qui est une imposture antidémocratique). Sans élection de maîtres, si nous votions nos lois au lieu d’élire des rois, nous n’aurions pas besoin de partis.