Le témoignage de l’ancien vice-président de la Commission d’autorisation de mise sur le marché des médicaments ne nous enseigne rien sur les pratiques mafieuses du laboratoire Servier. Ce qui semble très important à souligner ici, c’est le fait que cette commission qui octroie les AMM a été complice de ce laboratoire ; que l’on sache, aucun salarié de Servier n’a menacé un membre de cette commission avec une arme à feu sur la tempe, il suffisait de refuser !
Par contre, faire le bilan de ces dernières décennies concernant l’efficacité des médicaments commercialisés par Servier est très intéressante puisque l’on apprend que 17 produits sur 21 ont été défaillants ! Ce qui n’empêche pourtant pas les médias de nous présenter le laboratoire Servier comme une énorme réussite française !
Lors de sa déposition, hier, l’ancien vice-président de la Commission d’autorisation de mise sur le marché des médicaments a accablé le groupe Servier.
Jean-François Bergmann est un témoin clé dans le procès du Mediator. Il a, en effet, coprésidé la Commission d’autorisation de mise sur le marché (AMM) des produits pharmaceutiques de 2003 à 2012. Ce médecin de 65 ans, qui a fait l’essentiel de sa carrière à l’hôpital Lariboisière à Paris, avait précédemment été vice-président de la Commission de la transparence, l’organisme chargé d’évaluer « le service médical rendu » par les médicaments de 1996 à 2002.
Dans ces deux positions, il a pu voir les efforts mobilisés par le groupe Servier, fabricant du Mediator, pour obtenir non seulement le feu vert des autorités pour commercialiser ce dérivé d’amphétamine, pourtant toxique, mais aussi et surtout pour garantir son remboursement par la Sécurité sociale. Présenté par le laboratoire pharmaceutique comme un médicament antidiabétique, ce produit a, de fait, été remboursé, pendant près de trente ans, pour 65 % de sa valeur par le régime d’assurance maladie (obligatoire et complémentaire). Et même à 100 %, lorsqu’il était prescrit à des diabétiques.Servier, labo « atypique » ?
Ancien vice-président de la Commission d’autorisation de mise sur le marché, Jean-François Bergmann a tenté d’expliquer pourquoi le Mediator était resté en vente si longtemps. © DR
Jean-François Bergmann s’est présenté à la barre du tribunal correctionnel de Paris le 13 janvier. Et c’est peu dire que son témoignage a apporté une lumière crue sur les méthodes du groupe pharmaceutique dont les dirigeants siègent sur le banc des accusés. Au cours d’un long monologue, suivi d’une séance de questions-réponses d’un peu moins de quatre heures, ce praticien hospitalier a brossé un portrait saisissant des manœuvres du groupe Servier. Est-ce pour évacuer…
Baudouin Eschapasse
Le Point
14 janvier 2019