C’est exactement le monde dans lequel les élites dégénérées veulent faire vivre l’Humanité : le monde virtuel ou plus exactement le non-monde. Un genre de quotidien 3.0 où l’alimentation se ferait sous perfusion ou en ingurgitant des liquides déjà préparés. Il suffit de voir cette image pour que le plus banal des esprits sains se rende compte que le monde moderne est fou !
Si la photo a provoqué autant de réactions négatives, c’est aussi parce qu’elle évoque toute une série d’images emblématiques de la culture populaire. À commencer par Matrix, la trilogie dans laquelle l’humanité, rendue esclave par des intelligences artificielles, vit dans des cuves, le cerveau branché en permanence à un univers virtuel qui n’est autre que la Terre.
Le casque évoque plus largement le lavage de cerveau – mis en images de manière marquante par Stanley Kubrick dans Orange mécanique :
D’autres ont aussi vu dans cette image le monde dystopique du film Johnny Mnemonic (1995), dans lequel l’accès au « Net » se fait grâce à un casque de réalité virtuelle – et dont les images sont souvent détournées. Ou l’univers évoqué par Ernest Cline dans Player One (Michel Lafon, 2013), ouvrage d’anticipation qui se déroule en 2044, dans un monde où la plupart des interactions, de l’école aux transactions commerciales, se font à travers des casques de réalité virtuelle.
Ironiquement, l’image évoque aussi une publicité bien connue des amateurs de technologies : 1984 – pas le roman de George Orwell, mais le spot diffusé par Apple pour la promotion du premier Macintosh. Disposition des sièges, figure centrale qui remonte l’allée… Si, contrairement à l’héroïne de la publicité, Mark Zuckerberg n’a, bien sûr, pas lancé un marteau sur la scène du Mobile World Congress, les deux images se répondent.One for the road. https://t.co/gUFhVKj3vx
— AntonioCasilli (@Antonio A. Casilli)
LA PEUR DU CASQUE
La réalité virtuelle fait peur autant qu’elle fascine. Casqués, les utilisateurs semblent absorbés dans un autre monde, semblent avoir perdu pied avec la réalité. Sur la photo, Mark Zuckerberg apparaît comme le seul être humain « conscient » dans une pièce remplie d’hommes perdus dans un monde virtuel. « Cette photo est-elle une allégorie de notre futur ? », s’interroge un internaute sur Twitter. « Les gens dans une réalité virtuelle, et nos leaders qui se promènent à côté de nous. »
is this picture an allegory of our future ? the people in a virtual reality with our leaders walking by us. https://t.co/ntTaTN3SdR
— ndebock (@Nicolas Debock)
Cette iconographie n’est pas nouvelle. Dès le début des années 1980, William Gibson, fondateur du mouvement cyberpunk et l’un des auteurs de science-fiction contemporains les plus marquants, décrivait déjà un « cyberespace », « hallucination consensuelle » dans laquelle on navigue en branchant directement son cerveau à une « console ». L’idée lui en était venue, a-t-il expliqué à de nombreuses reprises, en regardant des adolescents jouant à des bornes d’arcade :
« Je marchais dans Vancouver, et je me souviens être passé devant une salle d’arcade, qui à l’époque était une nouveauté, et j’ai vu des gamins qui jouaient à une de ces vieilles consoles en contreplaqué. Les jeux avaient des graphismes qui représentaient l’espace et les perspectives de manière très primitive. Certains jeux n’avaient même pas d’effets de perspective, mais essayaient de rendre un environnement à plusieurs dimensions. Même avec ces graphismes primitifs, les gamins qui y jouaient étaient physiquement impliqués, d’une manière si intense qu’il m’a semblé qu’ils voulaient être à l’intérieur du jeu (…). Le monde réel avait disparu pour eux – il avait perdu toute importance. Ils étaient dans cet espace conceptuel, et la machine devant eux était le nouveau meilleur des mondes. »
Mais la crainte d’un « monde virtuel » absorbant l’humanité ne date pas de l’apparition de l’informatique. Tour à tour, la télévision, la radio et, avant elles, les romans de gare ou les comics ont tous été accusés d’attirer les citoyens dans de dangereux paradis artificiels – forcément dommageables pour la morale publique et la santé, quand ils n’étaient pas soupçonnés de détourner les masses laborieuses de leur travail…
En 2014, une photographie montrant un wagon de train dans les années 1950 a connu une deuxième jeunesse, en étant massivement diffusée sur les réseaux sociaux avec la légende « toute cette technologie nous rend antisociaux ». Sur l’image, tous les passagers sont plongés, non pas dans la lecture d’un écran de téléphone portable, mais dans un journal papier.
Le casque de réalité virtuelle est certainement plus isolant qu’un journal ou qu’un téléphone, mais si le déploiement de la réalité virtuelle vous inquiète, vous serez sans doute rassuré par le fait que l’Oculus VR, le pionnier des casques de réalité virtuelle racheté par Facebook, a annoncé début janvier un prix de lancement qui n’est pas à la portée de tous : comptez 700 euros pour pouvoir vous perdre dans les paradis artificiels, même si le Gear VR de Samsung, moins puissant, sera offert aux acheteurs qui précommanderont le Samsung S7…Mise à jour le 22/02 : la première version de cet article indiquait que la photographie du wagon de train avait été prise dans les années 1960. Elle date en réalité des années 1950.
Damien Leloup et Morgane Tual.