C’est tout de même assez complotiste comme article de la part du Figaro car on pensait tous que les GAFAM étaient des gens très biens, des démocrates vertueux et exemplaires incapables de faire du mal à leurs clients, leur mentir, les manipuler, les censurer et encore moins leur imposer un modèle dictatorial !
ENTRETIEN – Dans Le Nouveau Western, Olivier Bomsel et Rémi Devaux montrent comment les géants du web sont devenus surpuissants en verrouillant le marché, à l’image de Rockefeller au XIXe siècle. Quitte à mettre en péril l’ordre social ?
Olivier Bomsel est professeur d’économie et directeur de la Chaire d’économie des médias et des marques à Mines ParisTech. Il a coécrit avec Rémi Devaux Le Nouveau Western- Qui peut réfréner les géants du web ?, Ed. Le Cherche-Midi, mars 2022.
LE FIGARO.- L’intégration d’activités connexes est au cœur du modèle des géants du numérique, écrivez-vous. Quand Rockefeller réinvestissait la rente des chemins de fer dans l’achat de pipelines, de moyens de stockage et de distribution, Google et Facebook dominent le marché de la publicité en ligne qui organise l’adressage du consommateur. Finalement, le succès des géants de la tech repose sur le fait qu’ils ne proposent pas qu’un produit mais un écosystème ?
Olivier BOMSEL.- On peut le voir comme ça en effet, bien qu’il ne s’agisse que d’un aspect. Pour ce qui concerne Rockefeller il s’agit plutôt d’intégration verticale autour du raffinage qui constitue sa plateforme: celle-ci achète du transport pour les producteurs de brut et pour les acheteurs de raffiné puis s’intègre partiellement dans le transport et la distribution. Rockefeller et ses alliés du pétrole bâtissent un monopole dans le raffinage et l’intègrent en amont et en aval dans des activités connexes.
Un écosystème est un ensemble d’activités qui permet de retenir un consommateur par l’utilité croisée de ses produits. Amazon vend sa logistique et ses infrastructures à ses fournisseurs, aux clients de sa Marketplace et à d’autres. C’est de l’intégration verticale. L’effet d’écosystème est lié à Prime qui, modulo un abonnement payant, offre aux clients du groupe tous ses services à prix réduit. Chaque nouveau service d’Amazon, y compris l’accès à internet quand ses satellites seront à poste, accroît l’utilité de Prime. Pour Apple et Microsoft, c’est la compatibilité technique des logiciels et des services qui crée cet effet d’écosystème. Pour Facebook, c’est Instagram, WhatsApp et l’accès gratuit aux news. Google a de nombreuses activités annexes, mais l’effet d’écosystème n’apparaît pas pour le consommateur. Aucun lien entre Google, Gmail ou Waze par exemple. En revanche toutes les activités adjacentes à la recherche en ligne accroissent sa rentabilité et permettent au moteur de rester le meilleur du marché.
Vous dressez un parallèle entre Rockefeller et les GAFAM. En quoi sont-ils comparables ? Ces mastodontes sont-ils comparables ? Les GAFAM ont émergé dans un monde autrement plus interconnecté…
Rockefeller, mais aussi J.P. Morgan et bien d’autres sont à l’origine des grands trusts américains visés par le Sherman Act, la première loi antitrust fédérale. À l’époque, l’industrie bénéficiait d’effets de taille portés par les économies d’échelle. Avec sa grande raffinerie, Rockefeller a obtenu de forts rabais dans le transport qui lui a permis de racheter ses proches concurrents. Mais au terme de cette concentration, il a dû faire alliance avec d’autres majors au sein d’une holding opérant comme un cartel. La concentration par les économies d’échelle finit en collusion car les grandes firmes préfèrent s’allier que se combattre…