La rue algérienne est en train de vivre un moment historique avec toutes ces manifestations qui ont éclaté dans tout le pays et qui se multiplient contre la présentation du président Bouteflika malgré une santé catastrophique et une absence publique que tout le monde a pu constater. À l’instar des Gilets jaunes français qui ont dû sortir réclamer un changement de gouvernance suite à l’appauvrissement généralisé à cause d’une hyper fiscalisation, la jeunesse algérienne bat le pavé afin de crier son ras-le-bol du système actuel contre cette candidature qui n’est rien d’autre qu’une insulte à la raison et à l’histoire.
Malade et très affaibli, le vieux président se présente pourtant en avril à un cinquième mandat.
Des manifestations ont éclaté, vendredi, à travers tout le pays.
Les Algériens sont sortis en masse dans la rue, vendredi, pour exprimer leur rejet du 5e mandat à la tête du pays, auquel Abdelaziz Bouteflika, 82 ans et très affaibli par la maladie, s’est porté candidat. Du jamais-vu dans l’histoire du pays. Des dizaines de milliers de manifestants ont occupé les rues et les places dans une quarantaine de wilayas (départements) après la grande prière, en réponse à un appel anonyme plutôt bien rédigé diffusé sur les réseaux sociaux depuis une dizaine de jours. Ils sont sortis seuls, en groupes d’amis, ou en familles pour réclamer le départ de Bouteflika, au pouvoir depuis 1999. « Ils ont cassé le mur de la peur. C’est bon ! » s’est réjoui un universitaire.
Manifester dans la rue est interdit en Algérie, sauf autorisation de l’administration. Les forces anti-émeutes se sont déployées en nombre à Alger, à Constantine, à Annaba, à Oran et dans les autres grandes villes, mais sans intervenir, comme c’était le cas ces dernières années. Mais 41 personnes ont été interpellées dans le pays par les forces de l’ordre. À Oran, la mégapole de l’ouest algérien, des cartons rouges ont été brandis pour signifier « la fin » de partie pour Bouteflika. « Libérez le président », ont scandé des manifestants à Boumerdès, à l’est d’Alger, en allusion au fait qu’il ne serait qu’un malade sous tutelle de son entourage. À Annaba, ville côtière du Nord-Est, des pancartes ont été exhibées montrant le chiffre cinq écrit en noir et barré de rouge. Une manière de dire : « Interdit de passer… »« Vous partez ou bien nous partons »
« Il n’y a pas de président, il y a juste un cadre ! », ont crié des jeunes du côté de la place du 1er mai, dans la capitale. C’est le refrain d’une chanson célèbre des supporters de l’USM Alger, un club de foot algérois, qui critique l’absence prolongée du chef de l’État de la scène publique depuis… 2013, après avoir été victime d’un AVC.
À Alger, on pouvait lire sur une banderole : « Ya troho, ya n’roho » (« Vous partez ou bien nous partons »). Le message est adressé aux dirigeants, dont la plupart ont dépassé les 70 ans, par les jeunes manifestants. Certains se sont inspirés du mouvement social des Gilets jaunes en France, et de son caractère spontané, pour s’organiser et sortir dans les rues mais sans choisir de couleur. Le parallèle est vite fait. Des manifestants ont tenté de se rapprocher du palais présidentiel d’El Mouradia, sur les hauteurs de la capitale, mais ont été freinés par les forces de police. « Nous voulions manifester symboliquement devant le palais pour dire 20 ans barakat, ça suffit ! », raconte un étudiant, drapeau algérien sur les épaules. Bouteflika habite une résidence médicalisée à Zéralda, à une trentaine de kilomètres, à l’ouest d’Alger.Le FLN accuse les contestataires de « semer la discorde »
Candidat indépendant, le général à la retraite Ali Ghediri a appelé le pouvoir à « écouter » le message « pacifique » du peuple. Le FFS, Front des forces socialistes, a, de son côté, salué la mobilisation pacifique et a évoqué la nécessité d’aller « vers une deuxième République ». Abderrazak Makri, président du parti islamiste Mouvement de la société pour la paix (MSP), candidat à l’élection présidentielle du 18 avril prochain, a participé à la marche d’Alger. « J’espère que le régime a compris ce que le peuple veut », a-t-il soutenu.
Le FLN, Front de libération nationale, le parti historique du régime, critiqué par les contestataires, a réagi, reprochant à ceux qui ont appelé à la mobilisation de vouloir « semer la discorde » dans le pays. « Allah a envoyé Bouteflika en Algérie en 1999 pour réformer la Nation ! » a lancé un hiérarque FLN lors d’un meeting à Oran… provoquant une vague d’indignation sur les réseaux sociaux.
Photo d’illustration : Des dizaines de milliers de manifestants ont occupé les rues d’Alger et d’autres villes algériennes, vendredi, pour réclamer le départ de Bouteflika. AFP/Ryad Kramdi
Fayçal Métaoui, correspondant à Alger