C’est tout de même extraordinaire la propension des hommes politiques à toujours réfuter les rapports de la Cour des Comptes. Alors que cette institution indépendante composée d’experts comptables vient faire son travail de contrôle des finances publiques, systématiquement, que ce soit Jean-Noël Guérini à Marseille ou Alain Juppé à Bordeaux et bien d’autres ailleurs, contestent le résultat des investigations et affirment le contraire. De toute façon, nous n’avons jamais vu une municipalité – ou un conseil général – condamnée suite à un rapport de la Cour des Comptes ! On se demande bien à quoi peuvent-ils bien servir dans le concret à part le fait de confirmer que les deniers publics sont très mal gérés, voire dilapidés.
Le maire aurait masqué l’endettement de la Ville par des artifices comptables. Il réfute ces arguments.
Le rapport définitif de la Chambre régionale des comptes n’a pas encore été rendu public mais déjà les fuites dans la presse se sont multipliées. Selon Sud Ouest, la CRC qui s’est intéressée aux investissements de la ville durant la période 2010-2015 a relevé quelques facilités comptables contraires au Code général des collectivités locales. En clair, la mairie qui a, durant cette période, construit le stade Matmut-Atlantique, la Cité municipale et de la Cité du vin aurait arrangé ses comptes pour dissimuler la croissance de son endettement. Celui-ci s’est élevé à 654 millions d’euros durant ces années, entraînant le doublement de la dette de la ville qui serait passée, elle, de 185 à 377 millions d’euros. Elle se serait stabilisée à 343 millions en 2016.
Le maire de Bordeaux réfute ces critiques. Il se défend et précise de façon technique dans une longue lettre que « la pratique de la Ville de Bordeaux, comme celle d’une majorité de communes consistant à annuler les crédits de paiement non engagés et non mandatés en fin d’exercice pour les rouvrir sur un exercice ultérieur dans le cadre du vote du budget, est conforme à la réglementation ». Il ajoute que, « sur la période, ces lissages de crédits ont représenté en moyenne 6 millions d’euros par an, soit à peine 8% du montant des crédits reportés ». Manifestement agacé, le maire de Bordeaux va plus loin puisqu’il en appelle à la Cour des comptes, au ministère des Comptes publics et au ministère de l’Intérieur pour abonder dans son sens et montrer que le vote des budgets successifs de la ville est conforme à la loi.
Dispositifs généreux pour les salariés
Les magistrats de la Chambre régionale des comptes ont également repéré à Bordeaux certains dispositifs allant au-delà de ce que préconisent les textes. Alain Juppé qui exprime volontiers son envie de revenir sur les 35 heures dispose d’un personnel de mairie qui, très souvent, fait moins… Le rapport dévoile que 41 % des agents de la Ville sont soumis à une obligation de temps de travail inférieure à 1.607 heures par an, l’équivalent des 35 heures. La juridiction relève par ailleurs une pratique des autorisations d’absence très favorable aux salariés : le mariage d’un enfant donne droit à cinq jours d’absence, celui d’un frère ou d’une sœur, trois jours. Enfin, la chambre a également pointé l’existence de « trois à cinq jours de récupération » par journée de présence dans les bureaux de vote alors même que […]
Christine Ducros – Le Figaro