Ce texte a été publié sur notre site le 16 avril 2014, à la veille du « scrutin » pour le quatrième mandat de Bouteflika. À la lecture, on se rend compte que rien n’a changé quant aux manœuvres employées par le système mafieux, mais on ne peut ne pas relever le changement profond et radical survenu au sein du peuple dans toutes ses composantes. Désormais, les Algériens bravent ceux qui n’ont cessé de mettre en avant leur arrogance et leur mépris tout en les spoliant des richesses du pays. Ils font leur révolution – la Révolution du 22 Février – de manière pacifique pour l’édification d’une Algérie nouvelle, libre et démocratique et exigent le départ de toutes celles et tous ceux qui se sont impliqués dans la gestion désastreuse des Bouteflika. Une autre différence réside dans le fait que cette fois-ci, l’élection « décidée » par le système n’aura pas lieu, faute de candidat, une situation unique dans les annales politiques. Cette absence de candidat s’explique par le rejet unanime et catégorique de cette élection par le peuple ainsi que par l’incapacité des candidats du système à recueillir les parrainages requis par la loi.
Le 9 juillet prochain s’ouvrira une autre phase marquée par la fin du mandat de Abdelkader Bensalah le chef de l’État par intérim. La Révolution populaire aura à faire face à un vide constitutionnel, une situation non prévue par la loi fondamentale mais voulue par les tenants du régime qui auraient pu éviter cette impasse en recourant dès le début aux articles 7 et 8 de la Constitution qui dispose :
Art. 7. — Le peuple est la source de tout pouvoir.
La souveraineté nationale appartient exclusivement au peuple.
Une chose est sure ; tel que prédit dans cet article de 2014, le peuple est plus que jamais déterminé à prendre en main son destin et faire entendre sa voix pour le recouvrement de sa dignité et de son honneur. Il ne peut en être autrement.
À la veille du scrutin, la situation est plus que jamais tendue.
La machinerie de la fraude a été remise en branle dès la clôture officielle de la campagne électorale, une campagne franchement défavorable, voire hostile au clan Bouteflika ; car, il faut rappeler que cette fraude a commencé bien avant, au moment même où le président du Conseil constitutionnel a validé le dossier de candidature de Bouteflika en prenant en compte son certificat médical manifestement complaisant et elle s’est poursuivie tout au long de la campagne en fermant les yeux sur tous les dépassements du clan. La Commission nationale de surveillance est entrée en hibernation dès sa mise en place.
À court d’arguments, incapables de faire valoir un quelconque bilan avantageux des quinze dernières années, des animateurs chargés de vendre une candidature virtuelle, très médiocres et vulgaires au point d’avoir rebuté tous ceux qui se sont intéressés de près à cette élection absurde imposée avec la bénédiction d’un Conseil constitutionnel entièrement acquis à la cause de celui qui a nommé son président, ont recours à la puissante administration et au réseau dense d’une clientèle qui ne peut mordre la main qui l’a nourrie. Cette faune constituée d’ancien ministres, d’anciens walis et hauts fonctionnaires a été mobilisée, avec les moyens colossaux de l’État, pour activer de nuit1 et mettre à contribution leurs obligés. Les hauts fonctionnaires en exercice participent eux aussi à cette mascarade. Leur arme, la seule qu’ils savent manier est le chantage, l’immonde et ignoble chantage au logement, à l’emploi ou au crédit bancaire exercé sur des populations socialement fragilisées2. Exactement la même recette utilisée en France dans les quartiers populaires par une caste politique corrompue et impitoyable.
Affolé et totalement désemparé, le staff de Bouteflika utilise la propagande et la désinformation. Deux chaînes de télévision prétendument privées mais financées par le clan et dédiées corps et âme à la défense du quatrième mandat, s’emploient à dénigrer et salir le principal rival donné vainqueur de cette confrontation et à répandre la Fitna au sein de la population. Pour eux, tous les moyens sont bons et on assiste à une manipulation abjecte de l’information. Une action en justice devrait d’ailleurs être intentée contre les animateurs de ces chaînes satellitaires, de véritables criminels versés dans le terrorisme informationnel. Le rôle funeste de ces chaînes est comparable à celui de la RTLMC (La Radio Télévision Libre des Mille Collines) du Rwanda qui émit du 8 juillet 1993 au 31 juillet 1994 et qui joua un rôle déterminant dans les violences et le génocide.
Prêts à tout, ils s’essaient même à corrompre des scrutateurs de Benflis. On va jusqu’à reprocher à Benflis d’avoir proféré des menaces contre les Walis et leurs familles alors qu’il n’en a rien été. On l’a traité de « terroriste », rien que cela ! On comprend encore mieux à quoi peut servir le 11 septembre lorsque l’on croise ces accusations de terrorisme absurdes.
Il n’y a pas de limite à la folie de ces gens aveuglés par la haine et leur détermination à garder le pouvoir contre vents et marées, quitte à provoquer un bain de sang, ne se rendant même plus compte qu’ils sont la risée du monde. Tous ces dérapages n’augurent rien de bon.
Bien malin est celui qui serait en mesure de prédire l’issue « officielle » de ce scrutin, car c’est Tayeb Bélaïz qui annoncera les résultats officiels le 18 avril vers midi selon l’usage consacré, sachant que le ministre de l’Intérieur, homme du premier cercle, a été nommé le 11 septembre 2013, précisément pour « encadrer » cette élection.
Le ministre de la Justice, Tayeb Louh, lui aussi homme du sérail très proche de Bouteflika, a été nommé par lui dans la foulée du même remaniement ministériel et son rôle dans cette élection sera d’entériner la fraude et de faire preuve de surdité devant toute voix discordante ou revendicative.
Ce triumvirat, constitué de Mourad Medelci président du Conseil constitutionnel, Tayeb Bélaïz ministre de l’Intérieur et Tayeb Louh ministre de la Justice, a été mis en place par Bouteflika à la veille des élections pour en assurer l’ « encadrement ». Sachant que ces trois personnages sont issus de la Wilaya de Tlemcen, la même dont est originaire Bouteflika, il ne fait aucun doute que ce choix répond à la volonté de s’assurer la mainmise sur ces trois institutions dont le rôle est capital.
Pour s’assurer du silence complice des pays occidentaux, Bouteflika a bradé les richesses nationales et jusqu’à la souveraineté en adhérant à l’OTAN3 et en permettant le survol du territoire national par des avions de guerre se dirigeant vers un pays frontalier. N’est-il pas allé se faire soigner au Val-de-Grâce et aux Invalides et n’y a-t-il pas réuni un mini-cabinet ministériel, sous le portrait de Hollande qui trônait sur un mur4 ?
Il reste à spéculer sur le rôle que jouera l’institution militaire dans cette dure épreuve. Si cette dernière garde le silence malgré une fraude avérée, alors tout sera perdu et il faudra craindre le pire, car cette campagne a permis l’émergence d’une large prise de conscience de la population, plus que jamais décidée à prendre son destin en mains et dont l’élite intellectuelle a rompu avec la peur. Cette campagne aura eu le mérite de mettre à nu l’indigence intellectuelle des ministres et cadres du clan Bouteflika et il n’y a plus de raison objective pour qu’ils demeurent à leurs postes pendant que de jeunes diplômés brillants sont capables de faire infiniment mieux.
L’Algérie ne mérite pas de subir pareille humiliation et il est temps que sa jeunesse qui regorge de talents et de potentialités prenne le gouvernail non pas pour fuir ses rivages enchanteurs dans des embarcations de fortune, mais pour la conduire vers des horizons prometteurs et radieux.
En attendant la Providence.
16 avril 2014