C’est quand même assez curieux de constater à quel point les autorités européennes et françaises avancent très lentement lorsqu’il s’agit d’interdire les pesticides cancérigènes, les additifs alimentaires dangereux… par contre, dès qu’il est question d’autoriser un poison, ça va très vite, les autorisations s’enchaînent comme on a pu le constater pour les injections d’ARN messager, avec un raccourcissement des délais d’études. C’est aussi le cas avec cette alimentation à base d’insectes bien dégueulasses dont on ne sait absolument rien des effets sur le long terme. Très rapidement, des centaines de milliers de tonnes peuvent être produites comme par enchantement.
Reste à savoir si ces produits peuvent trouver preneurs au sein de la société, tant il nous semble vain d’imposer ces farines d’insectes dont l’aspect détestable et repoussant est très difficile à faire oublier ; sans compter que les juifs et les musulmans ne dérogeront pas à leurs interdits religieux.
Le 3 janvier dernier, la Commission européenne a donné son autorisation à la production et la commercialisation de poudre de grillon domestique pour l’alimentation humaine.
Avant les premières autorisations de mise sur le marché en 2021, le marché des insectes se cantonnait à l’alimentation animale. En l’espace de trois ans, quatre insectes ont été autorisés – scarabée molitor, scarabée buffalo, criquet migrateur, grillon domestique – sous différentes formes, aussi bien congelés que séchés ou en poudre.
« Les forces politiques nationales et européennes sont ouvertes à la discussion, la législation change rapidement, cela évolue très vite, c’est une bonne chose », confie à EURACTIV Valentin Partula, responsable des affaires réglementaires pour la société Ynsect, acteur principal de la filière en France.
Les insectes, peu consommés jusqu’à présent en Europe, pourraient progressivement s’installer dans nos assiettes. Riche en protéines (jusqu’à 70 %), ils sont très intéressants d’un point de vue environnemental.
Selon l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), une ferme d’insectes nécessite deux kilo de nourriture pour fournir un kilo de matière première. Pour les bovins, le ratio est de huit pour un.
De plus, rapportée au poids des animaux, une production d’insectes produit 100 fois moins de gaz à effet de serre que le bétail conventionnel.
200 000 tonnes de scarabées
Alors que l’UE domine le marché de la production de farines d’insectes – pour l’alimentation animale principalement -, celui de l’alimentation humaine est encore embryonnaire, surtout en France.
En 2018, avant les premières autorisations de mise sur le marché, le règlement « Novel Food » de l’UE a encouragé le développement de cette nouvelle filière. Mais la France, l’Italie et l’Espagne n’ont pas participé à cette « phase de transition », contrairement à la plupart des pays de l’Union.
« La France a toujours eu une position réfractaire concernant la commercialisation d’insectes pour l’alimentation humaine. Les autorités françaises sont très frileuses, très conservatrices. Elles ne veulent pas prendre de risques », note Valentin Partula.
Mais depuis 2021, l’hexagone s’est hissé parmi les pays en pointe dans le développement de la filière naissante, avec les Pays-Bas. Des acteurs comme InnovaFeed, Jimini’s et Ynsect s’imposent comme les principaux producteurs d’insectes qui se retrouvent dans la composition de biscuits, pâtes, boissons, distribués dans toute l’Europe.
Preuve de la bonne santé du secteur, la société française Ynsect vient d’ouvrir une usine d’insectes près d’Amiens, à ce jour la plus grande ferme du monde, avec un objectif de produire 200 000 tonnes de scarabées molitor chaque année. La société possède également des fermes dans le Jura, aux Pays-Bas et aux États-Unis.
7 autorisations en cours
Les acteurs restent toutefois peu nombreux, notamment du fait de la réglementation drastique imposée par l’UE. Les autorisations de la Commission sont distribuées au compte-goutte. Elles concernent à chaque fois un seul produit d’insecte – une poudre, un insecte entier par exemple – et ce pour une seule entreprise.
Ainsi, en 2020, la société française Agronutris a obtenu l’autorisation de commercialiser la larve séchée du scarabée molitor. Pour obtenir le même insecte congelé et en poudre, la société a dû demander deux nouvelles autorisations en 2022.
Et pour chaque demande, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) doit évaluer les risques pour la consommation humaine, avant que la Commission européenne ne donne son feu vert.
« Pour le scarabée buffalo nous avons l’autorisation pour 23 applications : chocolat, confiseries, similis de viande… Pour en ajouter une nouvelle, nous devons demander une nouvelle autorisation. Et une autorisation peut prendre deux ou trois ans minimum », souligne Valentin Partula.
Selon l’EFSA, contactée par EURACTIV, sept nouveaux produits d’insectes sont en cours d’évaluation, la larve du scarabée molitor (Ténébrio molitor ) par Ynsect, ou encore la mouche soldat noire (Hermetia illucens) par la société danoise Enorm Biofactory A/S.
En plus de ces études, sept autres demandes sont également en attente de traitement par l’autorité sanitaire.
Freins culturels
Cette arrivée des insectes dans notre alimentation a déclenché une volée de bois vert, surtout à droite de l’échiquier politique.
Suite à la dernière autorisation de la Commission, le sénateur Laurent Duplomb (LR) s’était adressé au gouvernement, déplorant le manque « d’information claire du consommateur » et regrettant ce phénomène, encouragé selon lui par le « lobby anti-viande ».
Plus récemment, l’eurodéputé croate Mislav Kolakušić a dénoncé la « guerre législative menée contre les producteurs européens de denrées alimentaires , comme aux Pays-Bas, afin de forcer les citoyens à manger des insectes et de la viande artificielle cultivée en laboratoire ».
En réponse à ces attaques, la Commission européenne et les acteurs de la filière insistent sur l’application stricte des réglementations l’étiquetage alimentaire. Le nom de l’insecte sera en effet mentionné obligatoirement sur les emballages, d’autant plus que certains insectes peuvent déclencher des allergies.
« Nous aurons toujours besoins d’animaux d’élevage, l’idée n’est pas de supprimer l’élevage, mais d’apporter des ressources protéiques complémentaires, au même titre que les algues, les champignons microscopiques, la lactofrementation », ajoute Jacky Petiz, le vice-président de la la Fédération Française des Producteurs Importateurs et Distributeurs d’Insectes (FFPIDI).
Mais pour les spécialistes, le principal frein à l’expansion du marché est avant tout culturel. Pour les européens, les vers et autres mouches évoquent inconsciemment un produit insalubre, contaminé.
Selon une étude de 2021, 25 % des Français accepteraient de consommer de la nourriture dont les ingrédients contiennent des insectes, mais cela retombe à 19 % si ce sont des insectes entiers. 24 et 19 % en Allemagne ; et seulement 17 et 13 % en Italie. Au Mexique, 40% des répondants se disent ouvert à ce type d’alimentation.
« Il va falloir innover dans la manière de présenter l’insecte, c’est le principal défi. La recherche n’en est qu’à ses débuts« , explique Jacky Petiz.
390 millions de consommateurs d’insectes en Europe en 2030
L’autre défi, de taille : réduire les coûts de production. Avec une matière première autour de 20 euros le kg, les produits à base d’insectes restent encore des produits de niche, haut de gamme. Seul un passage a une production industrielle permettra des économies d’échelle et une baisse des prix.
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Photo d’illustration : Selon une étude de 2021, 25 % des Français accepteraient de consommer de la nourriture dont les ingrédients contiennent des insectes, mais cela retombe à 19 % si ce sont des insectes entiers. 24 et 19 % en Allemagne ; et seulement 17 et 13 % en Italie. [RealPeopleStudio / Shutterstock]
Journaliste Agriculture et Alimentation
24 mai 2023