Là encore, Marine Le Pen aurait pu en faire des tonnes avec la situation lamentable de la justice en France, des retards de procédures qui se comptent en années mais également des suicides à cause de conditions de travail catastrophiques. Après 5 ans au pouvoir, Macron est entièrement responsable de la situation, il a préféré donner des dizaines de milliards à Pfizer/Moderna/Gilead/AZ/McKinsey…
C’est un des piliers de la démocratie et pourtant la justice est quasiment absente des débats de la campagne présidentielle.
Tel est le constat amer des 9 000 magistrats de France. Leur mobilisation ainsi que celle de leurs collègues greffiers depuis l’automne dernier pour des moyens “dignes” est pourtant sans précédent. Le suicide d’une magistrate en novembre 2021 avait déclenché une onde de choc et mis en lumière la souffrance de toute une profession. La situation a-t-elle évolué en cinq mois ? Nous nous sommes rendus au tribunal de Nanterre (Hauts-de-Seine) pour observer cette justice du quotidien.
Nous entrons dans une salle d’audience comme choisie au hasard, un lundi après-midi. La salle B. Siège ici la 20e chambre correctionnelle. On y juge surtout des violences intrafamiliales. Ces violences sur lesquelles les décideurs exigent que la justice mette l’accent ces derniers mois. Ce qui marque tout de suite quand on s’assied sur les bancs bondés en début d’audience à 13h30 c’est qu’aucun micro ne fonctionne. Et magistrats comme avocats n’essayent même pas de tenter un réglage. Ils savent que cela fait bien trop longtemps qu’ils ont rendu l’âme. Il est donc quasi impossible d’entendre les débats.
Seule solution à l’engorgement, le report
L’éclairage aussi est défectueux. Les avocats de la défense, côté droit de la salle, sont quasi dans le noir. Passons en coulisses avant l’audience. Sur le bureau de la juge qui va présider – Ulrika Delaunay-Weiss, membre de l’Union syndicale des magistrats – une pile énorme de12 dossiers. Ce sont les dossiers censés être jugés ce jour-là. Elle les a préparés la veille, le dimanche. Et c’est chaque lundi pareil. La magistrate sait qu’elle ne peut pas les juger tous : “J’ai fait une estimation basse du temps d’audience que nécessiterait d’examiner et de juger tous ces dossiers, cela prendrait au minimum 16 heures. Ça n’est tout simplement pas possible puisque toutes les personnes ont été convoquées à 13 heures et cela voudrait dire que certaines ne seraient en définitive jugées que vers 5 heures du matin. Quand on sait la concentration et le sérieux que demande l’œuvre de justice, ce serait totalement déraisonnable”.
La sonnerie retentit et la juge accompagnée de ses deux collègues – puisque c’est une audience collégiale – prend place en sachant que la seule solution dont elle dispose est de renvoyer la moitié des affaires prévues. Il faut les reporter à une date ultérieure. Mais même cela ne se fait pas en une seconde. Car dans les dossiers où le prévenu est en détention provisoire, il y a une question majeure à trancher : les maintient-on en prison en attendant la future audience ? Pour la plupart, les dossiers renvoyés le sont à mars ou avril 2023. Aucun créneau n’est disponible dans l’agenda du tribunal avant presque un an.
“Un coup dur pour les victimes”, déplore Marc-Antoine Levy, avocat au barreau de l’Essonne, habitué à représenter, pour le compte du conseil départemental, les enfants victimes de violences dans leurs familles.
« Pour des enfants ou des adolescents, un an c’est une éternité. Leur vie pendant ce temps est souvent en suspens. »
Marc-Antoine Levy, avocat au barreau de l’Essonne
à franceinfo
Même si c’est incomparable, c’est aussi un coup dur pour les avocats arrivés avec leurs arguments affûtés qui repartent sans avoir à peine enfilé leur robe. Les prévenus eux-mêmes sont parfois amers à l’annonce de tels renvois. Comme ce couple qui nie des violences sur sa fille adolescente. Le père est comme sonné en sortant de la salle d’audience et lâche : “Je voulais comparaître, je veux m’expliquer car je suis entièrement innocent. Mais ce ne sera pas possible avant mars 2023. Ça sème l’inquiétude dans la famille. C’est invraisemblable”.
Si ce père est blanchi dans un an, il aura été à tort éloigné pendant 18 mois de sa fille. Car en attendant le jugement pénal l’année prochaine donc, le juge des enfants a placé l’adolescente dans un foyer de l’enfance. Peu après 15 heures, une fois tous les renvois annoncés, le tribunal passe enfin aux affaires qu’il va juger. Sans pause elles s’enchaînent. Des maris violents, un père qui a secoué son bébé, un entraîneur sportif abusif. À 19 heures, un dernier dossier se présente : un jeune homme qui a harcelé et même espionné pendant des mois son ex-compagne avec laquelle il avait été en couple trois petites semaines. Tout semble prêt pour qu’il comparaisse mais aucun des policiers présents au tribunal n’est disponible pour aller chercher ce prévenu, détenu, qui attend son tour au dépôt situé au sous-sol du Palais de justice. Il faudra attendre une heure et demie et la fin d’un procès d’assises dans la salle à côté pour qu’une escorte se libère…
Photo d’illustration : Dossiers dans une salle d’audience de Draguignan (Var) le 13 septembre 2010. (VALERY HACHE / AFP)
Radio France19 avril 2022