Comme prévu et suivant cette mécanique politicienne frontiste qui s’est déjà produite 20 fois avec le père, nous assistons à l’explosion en plein vol de Philippot. Croit-il sérieusement que le FN est un parti politique ? Non, c’est une SARL et toute SARL a son patron, celle du FN a pour boss Marine Le Pen.
Alors que le parti frontiste a entamé une “refondation” suite à son échec à la présidentielle, la présidente et son bras droit s’opposent par médias interposés. Décryptage.
Quelques mois après la séquence, décevante pour le parti, de la présidentielle, le FN est a un tournant de son histoire. Au moment de redéfinir sa stratégie et son positionnement, ses deux principaux leaders, la président Marine Le Pen et son vice-président Florian Philippot, se livrent une guerre ouverte dont l’issue dessinera le visage du mouvement dans les prochaines années. Retour sur quatre mois agités au Front national.
Une présidentielle décevante
Longtemps favorite des sondages, Marine Le Pen voulait devenir présidente de la République. Mais elle s’est fait griller la politesse par Emmanuel Macron, s’inclinant au deuxième tour avec seulement 33,9% des voix. La candidate du FN a notamment raté son débat d’entre deux tours, apparaissant agressive, approximative, ne s’expliquant pas sur le fond. Un “naufrage”, diront certains membres du parti, qui fragilise la position de la présidente.
Dans la foulée, les résultats des élections législatives ont aussi été décevants. Le parti frontiste n’a envoyé que huit députés à l’Assemblée nationale. Marine Le Pen, “fatiguée” par cette longue campagne, a décidé de prendre du recul et s’est faite très discrète dans les médias. Le 21 juillet, lors du séminaire du FN, elle lançait le chantier de la “refondation” du parti : sortie ou non de l’euro, nouveau nom, recentrage sur les thèmes de prédilection du FN ou ouverture plus large ? Différents courants sont apparus au grand jour.
Les “Patriotes” dérangent
Depuis une dizaine de jours, Marine Le Pen est de retour sur le devant de la scène politique. Et la “refondation” qu’elle défend semble s’appuyer sur le recentrage du parti sur ses valeurs historiques : le 9 septembre à Brachay, une large part de son discours a porté sur la sécurité, le terrorisme et l’immigration. Dans le viseur de la présidente se trouve aussi et surtout Florian Philippot, qui n’a jamais fait l’unanimité dans son entourage, et l’association qu’il a lancée le 15 mai, quelques jours seulement après le deuxième tour de la présidentielle : les “Patriotes”.
Après avoir dit “tant mieux !” dans un premier temps, celle qui est désormais députée du Pas-de-Calais a multiplié les signes d’exaspération : avant les législatives, elle avait qualifié “d’étonnant” le lancement de cette association, sans oublier de railler son nom, qualifié de “ringard”. Pendant l’été, elle a démissionné Sophie Montel, premier lieutenant de Florian Philippot, de sa présidence du groupe FN en Bourgogne-Franche-Comté.
Philippot refuse de démissionner
Depuis, la patronne du parti ne cache pas un agacement certain. Florian Philippot “doit-il clarifier sa situation ?” “Oui”, a-t-elle répondu le 15 septembre. Qu’est-ce qui est reproché aux “Patriotes” et à son créateur ? Pêle-mêle, son supposé sectarisme, sa ligne politique “gauchisante” ou encore son côté cassant.
Réponse du principal intéressé : “Ce qu’il faudrait clarifier”, c’est que le Front national “sorte de la tambouille interne” et devienne “audible” face à Emmanuel Macron. “Bien évidemment, je ne quitterai pas la présidence des Patriotes”, a-t-il ajouté. “Cela n’est pas une opposition”.
Trop indépendant, Philippot ? L’association des Patriotes donne “le sentiment qu’elle organise de façon un peu distincte, en doublonnant un peu, la procédure de refondation qui se mène à l’intérieur du Front national”, note Nicolas Bay, le secrétaire général du FN. Marine Le Pen lui aurait ainsi demandé de quitter la tête de l’association, ce qu’il aurait refusé.
Les menaces de Le Pen
“Refroidissement”, “confiance rompue”… Selon des cadres du parti, les rapports entre Marine Le Pen et Florian Philippot sont tendus. Ce mardi, sur RTL, la présidente a lancé un nouvel appel à son bras droit : “Florian est un dirigeant politique. Il sait, je crois, que la création des ‘Patriotes’ au moment des législatives a créé une forme d’émoi au sein du Front national, auprès des adhérents du Front national, et même certaines inquiétudes”, a-t-elle déclaré.
“Moi, je lui fais confiance pour lever ces ambiguïtés, pour rassurer les adhérents du Front national et pour, je le souhaite, se reconcentrer, comme l’intégralité des dirigeants du Front national, sur cette grande oeuvre de refondation”, a-t-elle poursuivi. “On va trouver une solution, il n’y a aucune difficulté là-dessus”. Et s’il refuse d’en abandonner la présidence ? “Si c’est le cas, je prendrai comme présidente du Front national mes responsabilités”.
“Un pistolet sur la tempe”
La réponse de Florian Philippot n’a pas tardé. Interrogé sur RMC et BFMTV, il a déclaré : “On ne fera pas la refondation avec un pistolet sur la tempe”. Va-t-il quitter la présidence de son association, comme le bureau du FN le lui a demandé ? “Je lui ai répondu (à Marine Le Pen, ndlr), ainsi qu’au bureau politique, que je ne comprenais pas cette demande et que je ne pouvais donc pas y répondre”.
“Je ne comprends pas du tout où est le problème avec cette association”. “Quitter la présidence des “Patriotes”, “ce serait démontrer que notre parti n’est pas capable du minimum syndical d’ouverture démocratique qu’un grand parti moderne qui aspire au pouvoir en 2017 doit être capable d’assurer”, a-t-il dénoncé. L’issue de ce bras de fer politico-médiatique, aujourd’hui, est bien incertaine.
Sud Ouest / AFP