Ils ont mis du temps chez Marianne pour enfin comprendre que le problème c’est bien l’exécutif et certainement pas le virus et encore moins le peuple. Non seulement il est stupide, inculte et arrogant mais le plus inquiétant c’est le fait qu’il soit totalement déconnecté du réel et présente clairement les caractéristiques d’un pervers narcissique. Si on fait confiance en plus de cela à l’expertise de Monsieur Gérard Fauré, la situation est encore plus grave puisque ce dernier affirme qu’il pourrait être un consommateur de cocaïne…
Les allers-retours, les contradictions et les ambiguïtés sur les arbitrages relatifs aux retraites ne sont qu’une illustration d’un dysfonctionnement plus général.
Le « problème Macron » ? Une intelligence corsetée par les dogmes de l’ENA et des banques d’affaires, une personnalité imbue d’elle-même. Jupiter enfant roi.
Peut-être, à la fin, cette réforme passera-t-elle – une majorité de Français, d’ailleurs, en est convaincue.
Ou peut-être pas. L’amabilité délicieuse d’Édouard Philippe n’aura pas suffi à masquer les « lignes rouges » allègrement franchies du point de vue de la CFDT, le double langage vis-à-vis des forces de l’ordre ou des professeurs, et ce mélange entre réforme systémique et petites économies budgétaires qui constituait pourtant un casus belli. Mais, quoi qu’il arrive, et même si de nouveaux aménagements apaisent le premier syndicat de France et qu’il en ressort auréolé de ce qualificatif de président « réformateur » qui fait rêver ceux qui ne conçoivent la réforme que comme l’adaptation du modèle français aux impératifs de la gouvernance par les nombres, cet épisode aura creusé encore davantage les fractures d’un pays sans cesse au bord de la crise de nerfs.
Le malaise
Comment diable en arrive-t-on à mettre entre 800 000 et 1 500 000 personnes dans la rue, en un mouvement social recueillant entre 60 et 70 % d’opinions favorables, avec une réforme qui était majoritairement souhaitée par le pays ? Problème de « pédagogie », répondent les spécialistes de la politique vue comme l’art de conduire le troupeau. D’autres tentent d’alerter sur les maladresses de l’exécutif, comme cette ministre : « Certains retraités ont même cru qu’ils étaient concernés. C’est dire ! » « Jean-Paul Delevoye est trop technicien, ajoute-t-elle. C’est le problème avec ceux qui maîtrisent parfaitement un sujet. Ils deviennent incompréhensibles. Il n’y a pas eu de mise en perspective, on a perdu les gens. » Mais peut-on réduire cette gabegie à un simple malentendu ? Les syndicats n’ont même pas attendu de savoir ce qu’il y avait dans la réforme pour manifester ? Mais ceux qui sont descendus dans la rue l’ont-ils fait seulement contre cette réforme ? Le malaise des enseignants est symptomatique. Celui des personnels hospitaliers aussi. Mais, surtout, les slogans parlaient d’eux-mêmes.
Quand il est convaincu d’avoir raison, il s’accroche. En fait, il est convaincu de sa mission, convaincu qu’il n’y a que lui qui puisse l’accomplir.
Le soutien de l’opinion également. Les Français envoyaient un message à Emmanuel Macron. Un an après le début du mouvement des « gilets jaunes », ils essayaient une nouvelle fois de raconter leurs difficultés, leur impression de voir disparaître toutes les conquêtes sociales du XXe siècle et d’être les dindons d’une farce pour laquelle ils n’ont jamais explicitement voté. Les inégalités entre territoires, la désertification d’une partie du pays, l’impossibilité de se loger à un prix décent et à une distance acceptable de son lieu de travail, la disparition progressive des services publics, l’état dramatique des infrastructures… C’est à tout cela que la politique d’Emmanuel Macron semble incapable de répondre. Et les allers-retours, les contradictions et les ambiguïtés sur les arbitrages autour des retraites ne sont qu’une illustration d’un dysfonctionnement plus général.
Force du narcissisme
Illusion d’optique, plaide le politologue Olivier Duhamel. « Il faut refaire la chronologie pour comprendre ce qui s’est passé. Quand il lance ça en campagne, tout le monde considère qu’il n’y a pas de problème paramétrique. Les médias construisent des récits qui n’ont rien à voir avec le réel. En 1995, il y a avait eu deux récits successifs : d’abord, de façon unanime, ils ont expliqué que c’était une réforme formidable, puis, de façon tout aussi unanime, ils ont dénoncé un pouvoir arrogant et droit dans ses bottes. Là, tous les médias répètent : « Quelle erreur de ne pas l’avoir faite dès le début ! » Mais pas un n’a soutenu, depuis deux ans, qu’il fallait la faire. En fait, à sa place, tout le monde aurait agi de la même façon. » Emmanuel Macron, victime du caractère moutonnier des médias ? A tout le moins peut-on considérer que, s’il y a préjudice, il n’est que récent. Mais celui qui conseilla le candidat en campagne ajoute, comme un ultime plaidoyer : « Il n’a pas le pragmatisme d’un Chirac ou d’un Hollande. Quand il est convaincu d’avoir raison, il s’accroche. En fait, il est convaincu de sa mission, convaincu qu’il n’y a que lui qui puisse l’accomplir. »
Ce qui explique les tensions actuelles ? L’isolement d’Emmanuel Macron et la dominance de son cerveau techno
S’il y a un « problème Macron », c’est bien là qu’il faut le chercher. Dans le parcours de ce garçon qui a vu se pâmer tous ceux qu’il a croisés. Il faut admettre qu’il sait jouer de son intelligence, de ses aspirations sincères de jeune homme qui se vit, non pas tant comme un écrivain que comme un personnage de roman. Force du narcissisme.
Lui qui prétendait tout bousculer ne fait que perpétuer
On pourrait voir un étrange paradoxe dans la coexistence, chez lui, de cette fibre littéraire qu’il met en avant à travers les auteurs les plus éloignés possible des vanités de ce monde, Colette, Giono, et son obsession forcenée de se forger dès ses études des réseaux devant lui assurer, au choix, la réussite ou la fortune. Il n’est besoin que de lire les excellentes enquêtes de Marc Endeweld (l’Ambigu Monsieur Macron et le Grand Manipulateur) pour avoir un portrait saisissant de ce milieu mêlant les intérêts privés et le supposé service de l’État dans un mélange des genres effarant. Aucun paradoxe, affirme pourtant un ancien proche. « C’est un personnage plus complexe que l’image qu’il projette. L’exercice du pouvoir amène une simplification terrible. Mitterrand a souffert de la même réduction. » Mais, finalement, le même reconnaît en creux que cet amour de la littérature, ces références récurrentes aux lectures de sa grand-mère, ne pèsent rien à côté des dogmes de l’énarque et banquier d’affaires.
Emmanuel Macron n’est que la reproduction de ses prédécesseurs. Lui qui prétendait tout bousculer ne fait que perpétuer. « On est face à la répétition du même, comme si aucune leçon n’était retenue des échecs précédents. C’est comme ça. Les technos se croient élus pour faire une réforme des retraites. Ce qui explique les tensions actuelles ? L’isolement d’Emmanuel Macron et la dominance de son cerveau techno. L’énarque bouffe le khâgneux et ne lui laisse aucune grâce. Il y a là une véritable dimension tragique. » Certes, l’homme est surprenant. Ce côté bravache, d’abord, très « cour de récréation », ce besoin de se mesurer : « Parfois, explique l’un de ses interlocuteurs réguliers, quand il prend la parole sur un sujet, il dit : « Tiens, cela va emmerder Ruffin. » Et ça ne rate pas, on voit Ruffin qui rapplique immédiatement à la télé. Cela le fait beaucoup rire. »
Cette façon, aussi, de s’encanailler, d’oublier la fonction qui l’obsède habituellement, le temps d’un selfie avec des jeunes gens dépoitraillés, a quelque chose de consternant. Les impératifs de la communication suffisent-ils à expliquer les images de ce président goguenard, entouré de danseurs en débardeur résille et microshort, ou de jeunes gens lançant des doigts d’honneur à on ne sait qui ? Ou bien faut-il voir dans ces moments de vulgarité absolue la certitude, de la part de Jupiter enfant roi, qu’il a le droit de se lâcher, tant il est, toujours et quoi qu’il arrive, au-dessus du vulgaire, du commun des mortels ? « Qu’ils viennent me chercher ! » Le cri du cœur. Celui prononcé pour protéger Alexandre Benalla, mais que le président semble nous lancer chaque fois qu’il se heurte à la colère, au refus, de la part d’un peuple qui a le mauvais goût, lui, de ne pas se pâmer. « Il séduit ceux qui sont du même milieu que lui, s’agace un ancien ministre de François Hollande. C’est très français, cette admiration, en politique et parmi les intellectuels, pour celui qui a fait le bon cursus. Même les maires, lors du « grand débat », sont sortis subjugués. C’est cette idée qu’un inspecteur des finances vaut mieux qu’un gars qui a un BTS agricole. »
« Parfois, explique l’un de ses interlocuteurs réguliers, quand il prend la parole sur un sujet, il dit : « Tiens, cela va emmerder Ruffin. » Et ça ne rate pas, on voit Ruffin qui rapplique immédiatement à la télé. Cela le fait beaucoup rire. »
Le « grand débat ». Un épisode significatif du fonctionnement d’un président intimement persuadé qu’il est le meilleur et qui aime la confrontation, non pas tant par courage que par volonté farouche d’avoir le dernier mot. Et quand, dans ce grand débat, il invite les soixante-quatre plus grands intellectuels français, c’est dans un dispositif effarant qui leur accorde trois minutes pour poser leur question à un président qui se fera un plaisir de leur démontrer qu’il est à leur niveau… Appliqué à la réforme des retraites, cela donne une prétendue concertation qui masque mal le grand écart avec les méthodes et la pensée d’une deuxième gauche dont il s’est pourtant voulu l’héritier : « La deuxième gauche avait comme idée qu’une réforme juste entraîne la société, poursuit notre ancien ministre. Lui est dans le principe de l’enfant tout-puissant. Parce qu’il le veut, ça doit se faire. »
Plasticité idéologique
On connaît le constat, résumé par un parlementaire LR : « Emmanuel Macron, ce qu’il lui manquera toujours, c’est qu’il n’a jamais fait de permanence municipale ou parlementaire. Moi, je reçois trente citoyens toutes les semaines, je vois des chairs humaines. Si t’as pas vécu cela, c’est compliqué de présider au destin de la France. »
Le garçon a l’art de séduire les messieurs, mais il choisit en général ceux qui sont utiles