Le recours quasi systématique aux antibiotiques, par le corps médical, a entraîné des effets pervers. En effet, la prescription se fait le plus souvent à l’aveugle, sans même connaître avec précision la souche à combattre, et sans se soucier de la sensibilité ou de la résistance à l’antibiotique choisi. L’arrêt prématuré d’un traitement, sans en référer au médecin prescripteur, ne fait que décapiter l’infection en cause, sans pour autant la guérir, au même titre que l’automédication qui est, elle aussi, en cause dans le développement de souches résistantes. Bref, c’est la terrible rançon à payer du fait de l’usage excessif et intempestif des antibiotiques. Comme toujours, seuls les industriels du médicament, peuvent se réjouir d’une telle situation qui incite à prescrire plusieurs antibiotiques en même temps. Une fuite en avant qui gagnerait à être circonscrite, en initiant une profonde réflexion sur ce sujet grave, notamment autour de la prévention des infections nosocomiales et de la prescription intelligente de ces armes redoutables, loin de toute surenchère lucrative. C’est à ce prix — et seulement à ce prix — que l’on pourra éviter une catastrophe sanitaire de grande ampleur.
À l’horizon 2050, la résistance aux antibiotiques pourrait faire un mort toutes les trois minutes.
De nombreuses études le démontrent : la surconsommation d’antibiotiques est devenue un enjeu de santé publique pour les années à venir. L’identification chez une femme d’une super-bactérie ultra-résistante, pour la première fois aux États-Unis, a récemment ravivé les inquiétudes concernant la perte d’efficacité des antibiotiques. France tv info revient sur les trois étapes qui pourraient conduire à « l’ère post-antibiotique dans laquelle les infections courantes pourront recommencer à tuer ».
Nous consommons trop d’antibiotiques
La France se classe parmi les pays les plus consommateurs d’antibiotiques en Europe, juste derrière la Grèce, selon un rapport de l’Institut de veille sanitaire de 2015. Les habitants de l’Hexagone en consomment 30% de plus que la moyenne européenne. Cette surconsommation entraîne une dépense injustifiée de 71 millions d’euros par rapport à la moyenne européenne, selon l’InVS.
Aux États-Unis, jusqu’à 30% des antibiotiques oraux prescrits par les médecins sont inappropriés à la pathologie des patients, d’après une étude parue début mai. Car les antibiotiques sont inutiles si l’infection est virale. Ce mauvais usage des antibiotiques est la principale cause du développement de la résistance microbienne à ces médicaments.
Des bactéries ultra-résistantes se développent
Selon une étude publiée jeudi 26 mai dans la revue médicale Antimicrobial Agents and Chemotherapy, une Américaine de 49 ans est en effet porteuse d’une souche mutante de la bactérie E. Coli. qui résiste à tous les antibiotiques, y compris celui considéré comme la dernière ligne de défense, la Colistine. C’est la première fois que cette super-bactérie ultra-résistante est identifiée aux États-Unis. Appelée mcr-1, elle a déjà été trouvée en Europe et en Chine chez des humains et des animaux. Mais jamais outre-Atlantique.
Cette découverte renforce les inquiétudes concernant la perte d’efficacité des antibiotiques, s’est alarmé Thomas Frieden, directeur des Centre de contrôle et de prévention des maladies (CDC). « Nous devons faire de très gros efforts pour protéger l’efficacité des antibiotiques pour notre génération et celle de nos enfants », a-t-il ajouté.
Elles font des milliers de morts chaque année
« Près de 160 000 patients contractent, chaque année, une infection par un germe ditmulti-résistant », indiquait en novembre 2015 Marisol Touraine. La ministre de la Santé précisait alors « que près de 13 000 patients meurent directement » de cette résistance aux antibiotiques. Aux États-Unis, le phénomène touche deux millions de personnes et fait 23 000 morts par an, selon les dernières études.
Par ailleurs, à l’horizon 2050, dix millions de personnes supplémentaires par an pourraient perdre la vie dans le monde à cause de la résistance aux antibiotiques, indique une étude britannique publiée le 19 mai. Cela correspond à un mort toutes les trois secondes, c’est-à-dire plus que le cancer aujourd’hui. Le coût de cette résistance aux antibiotiques est estimé à 100 000 milliards de dollars pour l’économie mondiale, selon l’économiste Jim O’Neill chargé de ce rapport.
« Il faut arrêter de prendre des antibiotiques comme des bonbons« . Jim O’Neill à l’AFP
L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a averti en novembre que le phénomène représentait « un immense danger » et que, si rien n’était fait, la planète se dirigeait vers une « ère post-antibiotique dans laquelle les infections courantes pourront recommencer à tuer ».
France TV Info