Intéressant article de la revue Prescrire qui revient sur la dangerosité de certaines AMM conditionnelles qui ont été octroyées à des médicaments qui n’ont jamais démontré la preuve d’une quelconque efficacité par un essai clinique digne de ce nom. Reste à savoir comment les rédacteurs de cette même revue sont tombés dans le panneau des AMM conditionnelles des injections d’ARN messager comme des collégiens, avec une naïveté crasse indigne de leur métier ? Comment est-il possible de donner encore du crédit à une industrie criminelle qui a corrompu absolument tous les échelons administratifs en France ainsi qu’une grosse partie du corps médical ?
Dans l’Union européenne, depuis le milieu des années 2000, l’autorisation de mise sur le marché (AMM) d’un médicament peut être conditionnelle, c’est-à-dire accordée à condition que la firme apporte par la suite les données justifiant une AMM standard, « pleine et entière ».
L’objectif affiché est louable : donner accès plus rapidement à un médicament dans des situations où patients et soignants sont démunis. En contrepartie, les patients sont exposés à des médicaments moins connus, avec un risque plus grand qu’ils s’avèrent plus dangereux qu’utiles, et que certains patients se retrouvent perdants. Autrement dit, le service rendu aux firmes par les AMM conditionnelles est certain, celui rendu aux patients beaucoup moins.
Ainsi, le rucaparib a été autorisé en 2019 avec une AMM conditionnelle dans certains cancers de l’ovaire, alors qu’aucunes données comparatives n’étaient disponibles et que le bénéfice clinique présumé n’était qu’une hypothèse.
L’Agence européenne du médicament (EMA) s’est prononcée favorablement à l’octroi de l’AMM, sans attendre les résultats d’un essai clinique comparatif en cours, en faisant le choix d’exposer des patientes à ce médicament à l’intérêt incertain. Depuis, les résultats de cet essai ont montré que le rucaparib était moins efficace que d’autres cytotoxiques (lire « Rucaparib et aggravation d’un cancer de l’ovaire : retrait d’une indication octroyée imprudemment » ci-desssous). Et l’EMA a rétropédalé en proposant le retrait de cette indication en 2022 : trop tard pour les patientes exposées pendant ce laps de temps, alors que d’autres options plus efficaces étaient disponibles. Dans ce même numéro (lire « Pralsétinib (gavreto°) et cancers bronchiques métastasés avec mutation RET » ci-dessous), nous présentons le pralsétinib dans certains cancers bronchiques, avec une AMM conditionnelle octroyée sans attendre les résultats d’un essai comparatif en cours, et déjà des effets indésirables fréquents et graves. Un pari lucratif pour la firme, dont on ne saura que dans quelques années si les patients en sortent gagnants… ou non.
Élaboré par la Rédaction
©Prescrire 1er décembre 2022
1er décembre 2022