Images d’archives qui démontrent que le cirque actuel que nous vivons est une création très récente de laïcistes pathologiques. Ce qu’il faut comprendre c’est que vous pouvez traîner un nombre incalculable de casseroles, de condamnations judiciaires, de parjures… et entrer sans difficultés au Palais. Mais attention, si vous arborez un signe religieux ou un maillot de foot, exit, dehors, au loin le malotru ! Leur discours se résumerait donc ainsi :« On est des truands, on est des voyous, mais on reste « laïcs » et on garde nos bonnes manières ! »
LES ARCHIVES DU FIGARO – En 1896, Philippe Grenier, médecin de Pontarlier et converti à l’Islam est élu député. Il choisit de se présenter à l’Assemblée vêtu de l’habit traditionnel des berbères, le burnous.
Alors qu’aujourd’hui, l’Assemblée nationale propose d’interdire le port de signes religieux au sein de l’hémicycle, en 1896 la Chambre des députés laisse siéger, avec un peu d’étonnement tout de même, un député arborant burnous et turban blanc. Retrouvez l’incroyable parcours de ce député à travers le portrait dressé par Le Figaro de l’époque.
Pour aller plus loin: Dossier de RetroNews, l’élection de Grenier en 1896, premier député musulman de France
En partenariat avec RetroNews, le site de presse de la BNF, Article paru dans Le Figaro du 22 décembre 1896
Le député musulman
Le Doubs vient d’envoyer à la Chambre un représentant assez extraordinaire qui va siéger, dit-on, en burnous blanc! Un habitant de Pontarlier, ne voulant point qu’on prenne ses compatriotes pour des fous, tient absolument à ce que nous expliquions comment le nom du docteur Grenier, «prophète de Dieu», est sorti avant-hier des urnes. Rien n’est plus simple. Il y avait en présence deux candidats principaux: M. Ordinaire, fils du député défunt, et M. Grillon, l’un et l’autre républicains progressistes. On reprochait toutefois à M. Grillon, ancien président du Conseil général du Doubs, d’être soutenu par les conservateurs. La lutte, la vraie lutte, était entre ces deux candidats. Au premier tour, M. Grillon eut 4.800 voix, M. Ordinaire 3.497, M. Philippe Grenier 1.671, quelques comparses ensemble 400 voix.
Au second tour, M. Ordinaire se désista, mais sans inviter ses électeurs à reporter leurs votes sur M. Grillon; Alors, il n’y eut plus qu’un ennemi, M. Grillon. Comme la plupart des électeurs voulaient surtout qu’il eût peu de voix, ils votèrent pour M. Grenier, qui ayant réuni alors plus de cinq mille bulletins, se trouva élu… au grand étonnement de tous.
— Jamais, nous déclare l’habitant de Pontarlier qui est pourtant de ses amis, personne n’avait pris sa candidature au sérieux. Ceux mêmes qui avaient voté pour lui au premier tour ne l’avaient fait que pour s’amuser… en attendant le second tour.
Qu’est donc le docteur Grenier?
Hâtons-nous de dire que personne ne met en doute ni son honorabilité ni sa réelle philanthropie. Fils d’un officier de cavalerie, petit-fils d’un notaire de Pontarlier, il appartient à une famille des plus estimées qui lui a fait donner une excellente éducation. Sa mère, très pieuse, l’a élevé dans les sentiments les plus religieux. Après de solides études à Besançon, il se destina à la médecine qu’il allait pratiquer, quand une maladie particulière, localisée, au genou, l’obligea à aller se faire soigner en Algérie. Il dut y rester assez longtemps et ne s’y guérit qu’imparfaitement; il a gardé une légère claudication… qui, on va le voir, a décidé de son avenir.
Durant son séjour en Afrique, il eut de fréquentes, relations avec des mahométans, étudia la religion musulmane et, prédisposé par sa mère à la piété, s’enflamma d’admiration pour le Coran au point de se convertir et d’entrer dans un couvent de muftis.
Il voulut même se faire marabout. Par malheur pour lui, les prêtres musulmans doivent être absolument sains de corps; ils n’ont pas le droit d’être infirmes. Or, Philippe Grenier boitait…Il se désolait.:
— Ne t’attriste pas, lui dit un prêtre. Tu seras mieux que mufti. Tu seras prophète de Dieu !
Ce mot fut pour lui une révélation. Le docteur Grenier quitta l’Algérie et regagna son pays en qualité de prophète de Dieu. On se doute du désespoir de sa famille qui d’abord le crut fou.
Mais en dehors de sa vocation, le converti était parfaitement raisonnable. Sous le burnous blanc qui le recouvre et qu’il a juré de porter même à la Chambre, il a les sentiments les plus généreux, les meilleurs. On ne peut lui reprocher que de trop bien pratiquer la religion musulmane.
Revenu à Pontarlier depuis quatre ans, il fait la joie des enfants qui le guettent quand il sort et l’entourent lorsque, à certaines heures, il se prosterne aux quatre coins des carrefours, se frappe la tête contre le pavé -ce qui lui a valu un large bleu au front,- mais il est en même temps l’espérance des pauvres à qui il donne tout ce qu’il a, même son burnous, car il en a toujours une douzaine chez lui afin de pouvoir imiter saint Martin le plus souvent possible. Il dépasse même saint Martin qui, lui, ne donnait que la moitié de son manteau….
Charles Chincholle – Le Figaro du 22 décembre 1896 [Archives]