Au fond du gouffre, une négation extrêmement féroce. Une négation qui veut exister. Exister contre l’autre. Être reconnue. Respectée. Obéïe ! Mais qui ne peut s’affirmer que dans la destruction. Car la négation ne peut précisément rien affirmer puisqu’elle ne peut que nier. Elle se détruit elle-même. Elle ne sait pas pourquoi elle nie. Elle se persuade que nier radicalement c’est être libre, que la liberté est une négation de l’être (et non plutôt le déploiement de l’être), et elle chérit cette liberté prétendue dans laquelle elle s’enferme obstinément par le verrou de la négation. Au bout de son aveuglement, elle voit sa négation acharnée comme la seule manifestation de vie au milieu du gouffre qu’elle affronte, sans comprendre que ce gouffre n’est que la conséquence de sa folle négation de l’être, négation qui justement enferme l’auteur de cette négation dans ledit gouffre. Mais sa folle obstination lui fait croire qu’il peut par sa négation persistante se sortir du gouffre qu’il a pourtant créé par cette même négation et qui l’y enferme aussi résolument que sa négation est résolue ! Périr et disparaître dans son propre gouffre est le destin inéluctable de l’enragé de négation, qui ne voit pas sa bestialité pourtant flagrante, ses calamités pourtant assourdissantes, et qui ne voit toujours rien malgré les humiliations cuisantes qu’il subit de plus en plus souvent. Seul contre tous, il refuse l’évidence du gouffre de son aveuglement dans lequel il périt inexorablement, quitte à y jeter tout le monde, quitte à rendre aveugle tout le monde, quitte à crever les yeux de tout le monde… Pour éviter le jugement, la condamnation, il veut faire périr témoins et juges… ce qui suppose donc de tout détruire, de tout corrompre, par l’argent… Il ne veut être jugé que par lui-même… Être jugé par d’autres lui semble absurde. Il perçoit sa force négatrice comme immortelle, éternelle, même dans les marécages insondables d’un chaos infernal. Il ne croit qu’à la réalité du chaos, de la démesure, tout le reste n’est pour lui que superstitions et ignorances. Certain de ne pas souffrir la brûlure puisqu’il est convaincu d’être le feu brûlant et détruisant, il n’a de cesse de tout brûler et tout détruire en prétendant tout construire, ses duperies et ses tromperies criminelles l’amusent insatiablement. Et plus il s’enfonce dans les ténèbres plus il veut tout brûler. Telle est sa guerre, sa croisade. Son ennemi : l’eau, porteuse de vie, ingénue, substance de la création, fécondante, nourricière, pourvoyeuse d’harmonie, l’eau purificatrice, l’eau du déluge, l’eau qui vient du froid… Face à cet ennemi, il se sait fini, scellé, sa fourberie enflammée détraquée s’effondre inexorablement dans la fraîcheur des eaux primordiales… ; toutefois, il est persuadé qu’il renaîtra de ses cendres tel un phénix. Il ne peut pas se concevoir disparaître comme un déchet pourrissant, consumé par le temps, disparaître comme une fumée. Il veut nuire jusqu’au bout, persuadé qu’il est de trouver le Graal de la gloire au fond de la pire de toutes les nuisances qu’il pourra infliger. Il aurait bien nommé son cheval Premier ministre mais il n’a pas de cheval. Il aurait bien chanté au son de sa lyre devant la capitale en flammes, mais il ne sait pas jouer de la lyre. Il est triste quand il n’a plus d’idée de nuisance et le plus heureux des hommes lorsqu’il en trouve une. Le jeu qui le passionne est de trouver un moyen d’échapper toujours aux conséquences déchaînées de toutes ses nuisances criminelles, ce jeu c’est sa raison de vivre, un jeu solitaire, un jeu démoniaque dont il est curieux de voir le bout, l’accomplissement, sans se douter de l’accomplissement de l’inéluctable justice, dont il se moque comme d’une vieille croyance, et dont il rit aux éclats chaque matin à son bureau. La résonance de son rire le rassure comme un signe de sa joie, de la clarté de sa joie, et donc de sa lucidité, pense-t-il, même s’il est parfois pris de vertige… mais au lieu de s’en inquiéter, il recherche ces vertiges, ces sensations tournoyantes de ne plus s’appartenir, qui le réjouissent, car s’appartenir l’ennuie, l’effraie. Par tous les moyens il veut échapper à ce qu’il est – une négation prise au piège de la négation -, mais il ne peut y échapper.
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