Il est tellement rare de voir de tels débats avec un contradicteur de la religion de la vaccination que l’on s’est dit qu’il faut absolument reprendre cet article ici et de l’archiver car tout ce qui est rare est précieux !
La ministre des Solidarités et de la Santé, Agnès Buzyn, souhaite voir passer le nombre de vaccins obligatoires de trois à onze d’ici 2018.
Une loi dans ce sens devrait être votée cet été. Deux médecins exposent leurs points de vue sur cette mesure.
En France, le taux de vaccination est en forte baisse depuis trente ans. La couverture reste satisfaisante chez le nourrisson, avec un taux d’environ 95 %. En revanche, elle se dégrade au fur et à mesure des rappels : seuls 70 % des 6-11 ans seraient à jour dans leurs vaccins.
Le ministère de la Santé pointe que « la France a un meilleur taux de couverture que les autres pays pour les vaccins obligatoires, mais encaisse un retard très important sur les vaccins recommandés ».
Une situation qui a poussé le Premier ministre Édouard Philippe, atterré de savoir « qu’on meurt encore de la rougeole en France », à annoncer l’extension de l’obligation vaccinale pour les enfants d’ici 2018 dans sa déclaration de politique générale. La ministre des Solidarités et la Santé, Agnès Buzyn, estime le coût de la mesure entre 10 et 20 millions d’euros, « un petit coût comparé aux maladies évitées ».
Mais voilà, selon une étude menée par la London School of Hygiene, 41 % des Français se montrent méfiants vis-à-vis de la vaccination, et l’augmentation du nombre de vaccins obligatoires ne fait pas non plus l’unanimité chez les professionnels de santé.
Nous avons interrogé séparément le Pr François Chast, chef de la pharmacie clinique Hôtel-Dieu (Paris) et favorable à la mesure, puis le Dr Véronique Dacher, médecin généraliste (Chamalières) et défavorable à la mesure, pour confronter leurs points de vue.
Les effets indésirables des vaccins sont-ils à l’origine de la défiance des Français ?
Pr François Chast : Les bénéfices sont sans commune mesure avec les effets indésirables. Pour le vaccin contre la grippe aviaire, par exemple, on a dénombré 25 cas de sommeils perturbés sur six millions de doses administrées. C’est 25 cas de trop, mais l’on n’a jamais prétendu que les vaccins étaient de la confiserie. Ce sont des médicaments.
Dr Véronique Dacher : Comme pour tout médicament, un vaccin vient avec son lot d’effets indésirables. Ce qui pose problème, ce ne sont pas tant les effets indésirables, assez rares et peu graves, que les risques liés aux adjuvants [substance ajoutée au vaccin dans le but de renforcer son action, ndlr].
La présence d’adjuvants dans certains vaccins est-elle nocive pour la santé ?
Pr Chast : Il faut savoir que dans une dose vaccinale, on trouve 800 fois moins d’aluminium que dans un comprimé Maalox. Le préjudice sur la santé d’une si faible concentration n’a jamais été prouvé scientifiquement : les Français ont une peur bleue infondée. Quant au mercure, il a été banni des injections en Europe.
Dr Dacher : La multiplication des adjuvants pose problème. Je constate que l’aluminium peut entraîner une déficience immunitaire chez certains enfants. Pour éviter qu’ils soient sujets à des infections à répétition, il convient de bannir les adjuvants des vaccins. Ce n’est pas encore le cas pour l’ensemble des 11 vaccins que la ministre prévoit de rendre obligatoires.
D’où viennent les craintes quant à la vaccination ?
Pr Chast : La France, pourtant en pointe aux débuts de la vaccination au XIXe siècle, est devenue un pays frondeur, imperméable au rationalisme scientifique. La faute est en partie imputable à deux mauvaises communications sur le sujet ces dernières années.
Quand Bernard Kouchner émet des doutes sur la responsabilité du vaccin contre l’hépatite B dans l’apparition de sclérose en plaque ou quand Roselyne Bachelot mène une campagne calamiteuse pour celui contre la grippe aviaire, cela n’aide pas la cause.
Dr Dacher : Je ne pense pas que ces scandales soient à l’origine de la méfiance des Français vis-à-vis de la vaccination. Les parents que je reçois en consultation ne l’évoquent jamais. Ce qui les inquiète, c’est l’impact du produit injecté sur la santé de leur enfant.
À l’avenir, faudra-t-il miser sur la pédagogie ou la contrainte ?
Pr Chast : Peut-on même parler de contrainte ou seulement de l’encadrement d’une pratique à risque ? À une époque où un virus prend l’avion aussi facilement qu’un passager, une bonne couverture vaccinale est la seule façon d’éradiquer des maladies infectieuses. Force est de constater qu’il ne suffit pas de convaincre.
Nous sommes malheureusement un pays où l’obligation est nécessaire. Par exemple, aurait-il été suffisant d’inciter les automobilistes à mettre leur ceinture de sécurité ? La réponse est non. Il a fallu l’inscrire dans la loi, pour prévenir le risque d’accident qui pesait sur la majorité. Pour le vaccin, c’est la même chose : on ne le fait pas que pour soi, mais pour l’ensemble de la société.
Dr Dacher : Inutile de brusquer la population. Une bonne mesure est une mesure bien expliquée, comprise. En faisant preuve de pédagogie, on permettra aux Français de réaliser l’intérêt – réel – de la vaccination. De plus, les 11 vaccins obligatoires seront administrés de façon rapprochée. Ça fait beaucoup en peu de temps, physiologiquement et psychologiquement.
Quelles sont les prochaines mesures à mettre en place ?
Pr Chast : La Californie impose 13 vaccins à ses citoyens, ils ne s’en portent pas plus mal. Ce passage à 11 vaccins obligatoires est un grand pas pour la couverture vaccinale en France. On pourrait imaginer, à l’avenir, y ajouter un douzième : celui contre le papillomavirus.
Par ailleurs, l’obligation vaccinale va entraîner une baisse du prix des injections. Mon seul regret est de ne pas voir la vaccination remboursée à 100 % par l’Assurance maladie [N.D.L.R. : 65 % par l’Assurance maladie et 35 % par la mutuelle].
Dr Dacher : La décision du Conseil d’État de février dernier de remettre le DTP (diphtérie, tétanos et poliomyélite) sur le marché est sensée, d’autant plus qu’on sait le fabriquer sans adjuvant. Son absence obligeait les patients à se faire administrer non seulement le DTP, mais aussi plusieurs vaccins recommandés.
Je ne suis pas contre un cocktail de vaccins « amélioré », qui comprendrait par exemple la coqueluche. Onze, en revanche, ça me paraît un peu excessif. Le gouvernement travaille sur […]