Une telle compromission d’un médecin universitaire — professeur de surcroît — prêt à défendre les intérêts étroits d’une société privée en échange d’espèces sonnantes et trébuchantes, au détriment de l’intérêt général en dévoyant totalement la mission dont il était investi en tant que professeur à la Faculté de médecine Paris-Diderot et pneumologue à l’hôpital Bichat, et en trahissant le serment propre à sa profession, traduit une perte totale de repères moraux et signifie clairement que le monde moderne est en faillite générale. Il faut également savoir que ce pseudo professeur s’est parjuré le 16 avril 2016 au Sénat, lors d’une commission, jurant n’avoir aucun lien avec l’industrie alors qu’il est payé par Total ! Il semble de plus en plus clair que l’argent dirige bien des décisions scientifiques qui ont des conséquences certaines sur nos vies.
Il s’appelle Michel Aubier et ce pneumologue était payé par Total pour minimiser au maximum les risques liés à la pollution de l’air et plus spécialement celui du Diesel. Libération et le Canard enchaîné ont révélé la semaine dernière qu’il a été rémunéré de plusieurs dizaines de milliers d’euros par an comme « médecin conseil » de Total, en plus de siéger au conseil d’administration de la Fondation d’entreprise Total. Un cas flagrant de conflit d’intérêts.
Ce qui a récemment mis le feu au poudre, c’est l’intervention de Michel Aubier sur France 5 dans « Allo Docteur » le 1er mars. Quand l’un des journalistes lui pose une question anodine en apparence, «la pollution atmosphérique peut-elle être cancérogène ?», il répond : « Elle peut être cancérogène, mais pour le moment, ce qui a juste été démontré, c’est essentiellement des cancers lors d’expositions assez fortes, c’est-à-dire professionnelles. En ce qui concerne les expositions “naturelles” (sic), c’est beaucoup plus discuté, il semble que ce soit en tout cas un facteur favorisant chez les sujets qui ont déjà des prédispositions à développer les cancers, c’est-à-dire les fumeurs.» en rajoutant un peu plus tard lors de l’émission : « Je ne pense pas, et la plupart des experts sont d’accord [sur ce point], que le fait d’être exposé à une pollution ambiante, dans des villes comme Paris, prédispose au cancer du poumon, sauf si on a un autre facteur favorisant, comme le tabagisme.»
Ces propos n’ont pas plu à la communauté des médecins et nombre d’entre eux ont fait part que ces propos étaient indignes en tout sens dans d’un communiqué de presse publié mardi dernier. « Michel Aubier, pneumologue à l’AP/HP, a affirmé que la pollution atmosphérique n’était pas cancérigène sauf à de très forts taux d’exposition et essentiellement chez les fumeurs. Un rectificatif nous semble indispensable pour corriger certains propos d’un médecin universitaire qui vont à l’encontre des principales études médicales, et notamment des études de l’OMS qui a classé le diesel cancérigène en 2012 et la pollution atmosphérique cancérigène en 2013. »
En effet, Michel Aubier est bien membre du conseil d’administration de la Fondation Total et perçoit en cet honneur une rémunération (voir ici).
Une affaire qui, sans l’ombre d’un doute, éveillera bien des consciences sur les pratiques des multinationales prêtes à payer des experts pour vanter une qualité d’air irréprochable et des experts prêts à vendre leurs âmes au diable pour quelques pièces !
Les Brindherbes Engagés — Source : Libération et Canard Enchaîné
Communiqué de presse de médecins du 15 Mars 2016
La pollution atmosphérique est cancérigène! Dans l’émission ALLO DOCTEUR du 1 er mars 2016 le Pr Michel Aubier, pneumologue à l’AP/HP, a affirmé que la pollution atmosphérique n’était pas cancérigène sauf à de très forts taux d’exposition et essentiellement chez les fumeurs. Un rectificatif nous semble indispensable pour corriger certains propos d’un médecin universitaire qui vont à l’encontre des principales études médicales, et notamment des études de l’OMS qui a classé le diesel cancérigène en 2012 et la pollution atmosphérique cancérigène en 2013. Des études récentes ont confirmé les conclusions de l’OMS. Elles ont montré également que le risque de cancer pulmonaire était augmenté pour des niveaux d’exposition même en dessous des normes européennes. Donc même à faible concentration, les particules fines sont cancérigènes. A titre d’exemple : – Une analyse prospective de 17 cohortes Européennes portant sur 312.044 personnes suivies pendant 13 ans parue en 2013 dans le Lancet Oncology (1) démontre que: Une hausse de la pollution aux particules fines (PM 2.5 ) de 5 µg/m3 augmente ainsi le risque de cancer du poumon de 18 %, tandis qu’une hausse de 10 µg/m3 des plus grosses particules (PM10) augmente ce risque de 22 %. Cette augmentation du risque atteint 50 % pour l’adénocarcinome (une des formes du cancer du poumon) . – Cet accroissement du risque est identique chez les fumeurs et non fumeurs (risque même supérieur pour les non fumeurs (2)) . – Il n’y a aucun seuil en dessous duquel il n’y a pas de risque soulignent les scientifiques de l’étude. Communiqué de presse de médecins du 15 Mars 2016
Docteur Florence Trébuchon, médecin allergologue, asthmologue Docteur Thomas Bourdrel, médecin radiologue (membre du collectif «Strasbourg respire», qui a lancé en avril 2015 une pétition appelant les pouvoirs publics à agir «efficacement» contre la pollution atmosphérique, signée par plus de 120 médecins de la capitale alsacienne) Dr Champly Frédéric, urgentiste, responsable des urgences des Hôpitaux du pays du Mont Blanc, et Dr Buvry Cécile, médecin généraliste (médecins à l’origine d’une pétition en mars 2015 dénonçant l’impact de la qualité de l’air sur les habitants de la vallée de l’Arve signée par 223 médecins). Dr Jacques Venjean, médecin du travail et allergologue. Dr Pierre Souvet, médecin cardiologue, président de l’ASEF.
Études :
(1) Raaschou-Nielsen et al. Lancet Oncol. 2013 Aug;14(9):813-22 http://www.thelancet.com/journals/lanonc/article/PIIS1470-2045%2813%2970279-1/abstract
– G.Chen et al. Thoracic Cancer 6(2015) 307-318 http://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/1759-7714.12185/full
– Hamra et al. Environ Health Perspect. 2015 Nov;123(11):110712 http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/2587097