Oui, ce sont bien les gouvernements successifs qui, depuis 20 ans, ont détruit l’hôpital public français qui était un des meilleurs au monde. Oui, c’est bien la fermeture des 100 000 lits en 20 ans qui a créé une crise grave des services d’urgence aujourd’hui et pas seulement. C’est cette politique destructrice, ce sabotage criminel qui pousse le personnel hospitalier au suicide et à l’augmentation des « burn out ». Ce ne sont certainement pas les Gilets jaunes qui sont responsables de ce désastre.
Christophe Prudhomme, porte-parole d’un syndicat d’urgentistes, estime que des décès pourraient être évités à l’hôpital.
Alors que la grève se poursuit dans les services d’urgences de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), Christophe Prudhomme, porte-parole de l’Association des médecins urgentistes de France (Amuf) et délégué CGT de l’AP-HP lance un appel de détresse pour qu’il n’y ait plus de nouveaux décès aux urgences.
« Plus aucune fermeture d’hôpital jusqu’en 2022 », c’est la mesure que devrait annoncer le président ce jeudi soir. Vous satisfait-elle ?Christophe prudhomme :
Absolument pas. Il peut rester des murs et plus rien à l’intérieur. Ça ne veut rien dire. Monsieur Macron est un littéraire qui connaît le sens des mots. Nous, ce qu’on veut, c’est que le président s’engage à ce qu’il n’y ait plus aucune fermeture de lits, ni de service. En février, une femme a perdu son enfant à l’hôpital de Die, dans la Drôme, qui ne disposait plus de maternité, une autre est décédée à Concarneau, dans le Finistère, parce qu’il n’y a plus d’urgences à partir de 19 heures. On a fermé 100 000 lits en vingt ans !
Comment expliquez-vous ces fermetures ?
Aujourd’hui, on restructure en concentrant les moyens dans les grandes métropoles et en accélérant la désertification sur le territoire afin de diminuer les dépenses de santé. Ce n’est pas simplement le cas du fin fond de la Creuse. En Seine-Saint-Denis, on est quasiment en train de fermer l’hôpital de Bondy. On glisse ainsi vers un système à l’américaine. Mais qu’est-ce qui remplace un hôpital ? Une clinique privée. C’est dramatique pour une grande part de la population à qui l’on dit de se débrouiller. Cela aggrave les inégalités de santé.
Où en est-on de la grève dans les hôpitaux de Paris ?
Elle est très suivie par l’ensemble du personnel qui, bien sûr, continue de travailler. Depuis qu’elle a commencé à Saint-Antoine, il y a quatre semaines, on compte désormais vingt services des urgences en grève. On réclame une hausse des effectifs, car il manque 700 emplois, et une prime de 300 euros pour tous les agents. Si ces deux points ne se débloquent pas, on continuera à avoir des morts que l’on pourrait éviter, comme à l’hôpital Lariboisière de Paris, en décembre où une patiente est décédée après avoir attendu douze heures sur un brancard.
Combien y en a-t-il d’autres ?
Il y a plein d’autres cas qui n’ont pas été médiatisés. Si les familles ne portent pas plainte, on ne les met pas sur la place publique. Toutes les semaines, des personnes meurent dans des conditions strictement identiques à ce qu’il s’est passé à Lariboisière. Il y a un dysfonctionnement majeur et il faudra bien que le président et le gouvernement l’entendent. Quand vous venez aux urgences, vous voyez bien que c’est la catastrophe ! C’est ce qui explique aussi la hausse des agressions verbales et physiques. Les patients sont accueillis dans des conditions inacceptables. D’un point de vue psychologique, les soignants souffrent de ne pas pouvoir les prendre en charge correctement.
Peut-on évaluer la surmortalité liée à la saturation des urgences ?
Bien sûr, on a des publications très claires sur le sujet. Quand un patient reste sur un brancard, en attendant un lit, la surmortalité augmente de 9 % et 30 % pour les cas les plus graves. Les dirigeants disent qu’ils vont créer des observatoires, mais les données existent. Alors quand je vois des gens qui versent des millions pour réparer des pierres à Notre-Dame alors qu’on est incapable de faire fonctionner nos urgences et que cela entraîne des morts, je dis qu’il y a un problème !
Photo d’illustration : « On réclame une hausse des effectifs, car il manque 700 emplois, et une prime de 300 euros pour tous les agents », explique Christophe Prudhomme. LP/Gwenael Bourdon