La situation des musulmans de France et le traitement qui leur est infligé par le gouvernement est considéré comme dramatique par de plus en plus de pays et il ne s’agit pas ici de la Turquie d’Erdogan, mais des États-Unis d’Amérique. Un récent article du célèbre magazine new-yorkais, Time, tiré à plus de 3 300 000 exemplaires par semaine, critique le harcèlement dont fait l’objet la communauté musulmane depuis déjà plusieurs gouvernements. Les élites françaises dont la spécialité est l’aplaventrisme sont-elles prêtes à écouter une critique venant d’un pays que l’on ne pourra certainement pas taxer d’islamophile ?
De plus, la journaliste rappelle dans son papier l’existence d’une étude très intéressante, produite en 2018 par le Centre d’études sur les conflits, dont très peu de médias parlent, et qui démontre exactement le contraire du concept récent et fumeux de séparatisme ! Cette étude réalisée sur près de 1000 personnes dans 500 musulmanes et 500 non musulmanes démontrent que les premières sont plus confiantes envers les institutions républicaines que les secondes ! En d’autres termes, non seulement les musulmans font confiance aux institutions républicaines mais de surcroît, ils font plus confiance en ses institutions que les non musulmans ! Comment se fait-il que les médias osent affirmer l’inverse à longueur de journée ! Ce qui est complètement fou et incompréhensible, c’est le fait que ces mêmes musulmans questionnés dans cette étude déclarent être discriminés, notamment les femmes voilées !
De plus, quels que soient les protagonistes, l’État, le gouvernement ou quiconque d’autre, nul n’a le droit de se désigner comme étant le grand responsable protecteur des valeurs de la nation. La liberté est justement, comme le rappelle la journaliste, ici, vise à permettre à tout citoyen de critiquer et de remettre en question tout ce qui lui semble impertinent. C’est à cela que sert la liberté qui est loin d’être un concept seulement théorique.
“Bien sûr, il existe des groupements extrêmes et radicaux, et s’ils font le choix de la violence politique, ils représentent un danger. Mais ce sont des groupements et des réseaux qui ne représentent qu’un très petit nombre d’individus. Il n’y a pas, en France, de rejet des valeurs et des institutions de la République par une majorité de musulmans.”
En réalité, le gouvernement fait exactement l’inverse de ce qu’il faut faire en empêchant une adhésion de masse de la population musulmane par une marginalisation et une discrimination de plus en plus grande. Comme l’explique parfaitement ce rapport, ceux qui ont choisi le camp de l’action violente et sauvage sont un très petit nombre qui n’a strictement rien à voir avec l’écrasante majorité. Si on voulait créer plus de « séparatisme » avec la frange musulmane au sein de la communauté nationale, on ne s’y prendrait pas mieux.
Encore une fois, le rapport indique : « Lutter contre les discriminations et contre l’islamophobie devient dans ce cadre un outil de l’action publique qui permet de renforcer la cohésion sociale et contribue à l’adhésion de l’ensemble de la population aux valeurs de la vie commune. Dans notre rapport nous indiquons des chantiers à privilégier, notamment les médias et la police. » ! Nous avons tous pu constater la gravité des violences policières avec l’affaire Michel Zecler. les problèmes sont connus, les solutions aussi ; reste à savoir pourquoi le gouvernement privilégie toujours les fauteurs de troubles en s’interdisant de commencer à appliquer des solutions qu’il connaît très bien.
Depuis les attentats terroristes de 2015 contre le personnel du magazine satirique Charlie Hebdo, la France a été confrontée à une succession d’attaques de la part d’extrémistes musulmans, dont la plus récente a vu la décapitation en octobre du professeur Samuel Paty et le meurtre de trois personnes à la basilique Notre-Dame de Nice.
Le pays est resté aux prises avec la question de savoir pourquoi il est devenu une telle cible et comment il devrait y répondre. Pour le président Macron, la France est visée par les terroristes en raison de sa « liberté d’expression, de son droit de croire ou non et de son mode de vie ». Il affirme qu’une forme de « séparatisme islamiste » a trouvé un terrain fertile pour ses idéaux dans certaines régions du pays – et pour contrer cela, Macron a annoncé son projet de créer un « islam français », une pratique de la foi qui sera réglementée par l’État. Pendant plus de quatre décennies, les présidents français successifs ont cherché à gérer les relations de l’État avec une communauté musulmane ethniquement et religieusement diversifiée, adhérents d’une confession sans structure de direction formelle qui pourrait constituer un intermédiaire évident. Tout cela en vain. Les dirigeants nommés par l’État ont eu du mal à obtenir la reconnaissance de la communauté, tandis que les tentatives, comme celle de Macron, de définir aux musulmans les termes de leurs croyances ont peu de chances d’être bien accueillies. Sans parler de l’ironie apparente d’un dirigeant laïc définissant les termes de la pratique religieuse.
En France, le concept de laïcité impose une délimitation stricte entre l’État et la sphère privée des croyances personnelles. Conçu à l’origine pour protéger les individus de l’intrusion de l’État, et l’État de l’influence religieuse, il a été de plus en plus sollicité ces dernières années pour faire le contraire : empiéter de plus en plus sur la sphère privée des citoyens musulmans : des codes vestimentaires aux besoins alimentaires, en passant par les religieux, l’éducation ; l’État a cherché à interdire chacun d’entre eux au cours des dernières années, seulement pour être confronté à la force d’un cadre républicain qui a finalement vu les tribunaux confirmer ses principes. Alors que le président a affirmé catégoriquement que le problème n’était pas l’islam, mais un rejet des principes républicains, l’orientation rhétorique et politique de son gouvernement a amené de nombreuses personnes à penser le contraire. Des débats incessants sur le foulard aux polémiques autour de la natation chez les femmes, en passant par le ministre de l’Intérieur simulant un choc dans les « allées ethniques » des supermarchés, les habitudes mondaines de la vie musulmane sont présentées comme des exemples de « séparatisme » que l’État lie au terrorisme. Dans un rapport de l’année dernière intitulé « Discrimination à l’égard des musulmans : l’État doit réagir », Amnesty International a dénoncé « un climat hostile et un discours discriminatoire » à l’égard des musulmans, soulignant un discours du ministre de l’Intérieur dans lequel il a énuméré les libertés religieuses fondamentales, notamment la prière, le jeûne et se faire pousser la barbe comme « signes de radicalisation ». Un homme dont la mosquée a été perquisitionnée en vertu de l’héritage de la législation sur l’état d’urgence post-2015 aurait déclaré : « Le pire, c’est que s’ils ont de réelles inquiétudes, ils n’ont qu’à lancer une enquête, mais comme ça, on a juste l’impression qu’ils nous punissent pour rien. Dans un climat de peur et où le parti d’extrême droite des idées de Marine Le Pen en est venu à définir les termes du discours public autour de l’islam et des musulmans, la réticence du gouvernement à distinguer les formes normales de pratique religieuse des formes d’extrémisme laisse des millions de Français musulmans ouverts aux accusations d’extrémisme.
Les mesures récentes sont justifiées par le fait que des parties de la communauté musulmane sont en conflit avec les valeurs républicaines, mais il y a peu de preuves de cela. En fait, dans la plus grande étude quantitative sur la relation entre terrorisme et discrimination en France, des chercheurs du Centre d’étude des conflits à Paris ont mis au jour exactement le contraire. Ils ont constaté que dans l’ensemble, les musulmans font profondément confiance aux institutions de la République, plus encore qu’au groupe de contrôle, mis à part les médias et la police : « Ce qui ressort de l’étude ressemble plus à une adhésion massive des musulmans français à la République. » Fondamentalement, l’étude a révélé que la confiance dans les institutions françaises diminuait avec un seul facteur : les expériences de discrimination, ce qu’elle prédit que les dernières mesures sont susceptibles d’exacerber. L’étude conclut en disant « il n’y a pas de rejet des valeurs et des institutions de la République en France, par une majorité de musulmans ». Le problème est que la discrimination à l’égard des musulmans en France est déjà répandue dans tous les secteurs, du logement à l’emploi et aux interactions avec la police. Selon les propres chiffres du gouvernement, 42% des musulmans (d’autres études évaluent ce chiffre à 58%) déclarent avoir été victimes de discrimination en raison de leur religion, un chiffre qui monte à 60% chez les femmes portant un foulard. Une récente enquête YouGov a révélé que 67% des musulmans arabes français pensent que leur foi est perçue négativement, tandis que 64% ont dit la même chose de leur appartenance ethnique.
Pour beaucoup, l’autoritarisme rampant qui voit la minutie de la vie musulmane problématisée et débattue lors des émissions de télévision aux heures de grande écoute, est le signe d’une instrumentalisation politique inquiétante du racisme. Depuis 2015, et à la suite de « l’état d’urgence » qui a pris fin en 2017, le parlement français a approuvé des mesures exceptionnelles qui ont conduit à des milliers de raids abusifs et discriminatoires et d’assignation à résidence ciblant de manière disproportionnée les musulmans. Les signes d’autoritarisme commencent aux marges – mais ils s’arrêtent rarement là. À la suite des récentes attaques, deux projets de loi profondément controversés ont été avancés par le président Macron. Le projet de loi « sécurité globale » a été accueilli par des manifestations massives à travers la France. Parmi ses clauses les plus litigieuses, il permettrait l’utilisation de drones de surveillance, ainsi qu’une éventuelle peine de prison et une amende de 45 000 euros pour toute personne présentant des images permettant d’identifier un policier ou un officier de l’armée. Le gouvernement affirme que la dénonciation de la violence policière par les médias sociaux et traditionnels met en danger les policiers, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin expliquant : « Le cancer de la société est le manque de respect de l’autorité.» Mais des journalistes de toute la France ont tiré la sonnette d’alarme, tandis que le porte-parole de l’UE. Commission, a déclaré: «En période de crise, il est plus important que jamais que les journalistes puissent faire leur travail librement et en toute sécurité.» Au moment où le projet de loi était débattu, des images ont émergé d’un producteur de musique noir français, Michel Zecler, brutalement battu par quatre policiers dans son studio à Paris, dans ce que les militants disent être simplement le dernier exemple de brutalité policière endémique. Le nouveau projet de loi criminaliserait la personne qui filme le policier. Aux côtés de groupes de défense des droits de l’homme, de journalistes et d’universitaires, des experts de l’ONU ont appelé la France à revoir l’ensemble du projet de loi, déclarant: «cela aura de graves implications pour le droit à la vie privée, le droit de manifester pacifiquement et la liberté d’expression» concession d’amendements mineurs.
La nouvelle loi sur les «principes républicains» suscite également de nombreuses inquiétudes. Parmi ses clauses les plus inquiétantes, on trouve que toute personne reconnue coupable d ‘«apologie du terrorisme» – un crime de pensée dont le nombre a explosé depuis 2015, et qui a vu des enfants d’à peine 10 ans placés en garde à vue – serait automatiquement ajoutée à une surveillance du terrorisme. liste. En un peu plus d’un mois, 270 nouveaux dossiers ont été ouverts. Depuis l’assassinat de Samuel Paty en octobre, la France a dénoncé plus de 400 violations de l’hommage au professeur assassiné, dont 150 sont considérées comme «apologie du terrorisme» et dont plus de 50% se sont produites dans un environnement scolaire. Le ministre français de l’Intérieur a ordonné des enquêtes sur 76 mosquées «soupçonnées de séparatisme» qui risquent désormais d’être fermées, dans un pays où l’espace de prière est déjà très limité, avec seulement 2623 mosquées et salles de prières en France pour environ 5,7 millions de musulmans. Au moins 73 mosquées et écoles privées islamiques à travers la France ont été fermées par les autorités depuis janvier pour des raisons d ’« extrémisme », mais comme Amnesty l’indique clairement, la « radicalisation » a souvent été utilisée comme euphémisme pour « musulman pieux ». La nouvelle loi proposée comprendra des contrôles beaucoup plus stricts sur la société civile, y compris et plus particulièrement sur les organisations et les dirigeants religieux musulmans qui devront se conformer à une « charte républicaine » – un véritable test de patriotisme moderne imposé à une communauté suspecte. Les lignes rouges de l’État pour les musulmans sont « l’islam politique » et le financement étranger, qui ont historiquement – et avec le plein soutien de l’État – fourni aux citoyens musulmans français leurs institutions religieuses. Les imams devront être formés par l’intermédiaire d’un organe sanctionné par l’État qui garantira leur conformité à la version étatique de la laïcité, elle-même de plus en plus contestée par l’Autorité administrative indépendante créée pour la surveiller.
Fondamentalement, l’espace que nous appelons liberté, où la société civile, religieuse ou autre, est capable de s’organiser selon ses idéaux, principes et valeurs, tant que ceux-ci n’enfreignent pas la loi, se rétrécit. Surtout encore une fois pour les musulmans. Ces dernières semaines, plusieurs organisations musulmanes, dont la plus grande organisation anti-islamophobie de France (CCIF), ont été dissoutes par décret gouvernemental, pour des motifs dénoncés par Amnesty International et un ensemble de personnalités et d’organisations publiques, qui ont appelé au renversement de la décision surnommée « Extrême » : « Amnesty International est extrêmement préoccupée par le signal que cela envoie aux ONG et à la lutte contre les discriminations en France. » Ces propositions de lois et les séries de mesures justifiées par la lutte contre le terrorisme érodent profondément les libertés fondamentales en France: la liberté d’expression, d’association, de pensée. En cherchant à supprimer l’espace de la pensée oppositionnelle au nom du respect des «principes républicains», la France se trahit. Le ministre français de la Justice, Eric Dupond-Moretti, a déclaré à la presse que « trop de gens (…) utilisent la loi de 1881 qui protège la liberté d’expression pour exprimer des opinions en conflit avec les valeurs de la République ». Pourtant, si la liberté signifie quelque chose, cela signifie le droit d’exprimer des opinions qui sont effectivement en conflit avec l’État – y compris ses prétentions à un monopole sur la signification des principes républicains. Beaucoup de gens pourraient appeler ce contre-pouvoir populaire la base même de la démocratie. Au lieu de cela, l’espace pour les points de vue oppositionnels se rétrécit rapidement. Le ministre de l’Éducation de Macron, Jean-Michel Blanquer, a qualifié les universitaires de critiques de l’approche du gouvernement, les «islamo-gauchistes» «complices intellectuels» du terrorisme pour avoir importé des «idéologies indigénistes, racistes et décoloniales», qui, selon lui, étaient responsables du «conditionnement» de la violence. extrémisme. L’accusation selon laquelle les universitaires qui remettent en cause le récit officiel pourraient nourrir le terrorisme a conduit au dépôt d’une loi sur la recherche universitaire, approuvée depuis par le Sénat, qui redéfinit et limite la recherche à « s’exercer dans le respect des valeurs de la République ”- lire, sanctionné par l’État.
Tout comme le président Macron défend la France comme le phare de la liberté d’expression et de la démocratie, son gouvernement s’emploie à saper – et cherche à saper – certains des principes les plus précieux de la République, à commencer par la liberté de la presse. Le président Macron joue un double jeu dangereux – à l’étranger, il joue sur les différences linguistiques et culturelles pour minimiser les graves inquiétudes exprimées par ses propres citoyens dans des publications étrangères, allant jusqu’à contacter le New York Times accusant les médias anglophones de « légitimer cette violence », vraisemblablement en diffusant des histoires qu’il n’approuve pas. Un article d’opinion critique dans le Financial Times a été supprimé et remplacé par un éditorial rédigé par le président lui-même dans ce que beaucoup ont supposé être juste le dernier incident de pression politique exercée sur les journalistes pour qu’ils se rétractent. Parallèlement, Reporters sans frontières a relevé une augmentation inquiétante du harcèlement judiciaire des journalistes d’investigation, ainsi que des préoccupations liées à l’indépendance éditoriale. Il existe de nombreuses façons de mettre un terme à la liberté d’expression, notamment en rendant la vérité indiciable. Quelques jours après le meurtre de Samuel Paty, la ministre française de la Jeunesse a interrompu une réunion déjà prévue avec des étudiants pour discuter de la religion parce qu’elle n’était pas à l’aise avec les préoccupations exprimées concernant les préjugés et l’islamophobie. Nous savons tous que la liberté d’expression n’est jamais absolue, ce n’est certainement pas en France où les lois réglementent déjà le discours de haine. Mais les jeunes ne sont pas naïfs. Ils peuvent repérer l’hypocrisie des politiciens qui leur parlent de la liberté d’expression quand il s’agit d’accepter des caricatures profondément dérangeantes, mais n’écouteront pas leurs préoccupations concernant la discrimination.
L’état de la liberté d’expression n’est pas mesuré à la chaire de l’Élysée. Cela peut se mesurer à la réduction au silence de ceux qui résistent au discours du gouvernement sur la responsabilité de la longue liste de malheurs de la France. Mais plus largement, l’état des libertés d’une nation peut toujours être évalué à la marge. Le spectre du terrorisme est un stratagème utile pour écarter les mesures de plus en plus punitives auxquelles sont confrontés les musulmans français – mais l’illusion est de croire que leur perte de liberté n’est pas une perte de liberté pour nous tous. Les terroristes chercheront à élargir leur portée limitée, transformant une attaque au couteau en un «acte de guerre» internationalement reconnu à travers des cibles symboliques et une violence sanglante. Mais nous pourrions le faire avec un peu de recul: plus de 3000 personnes meurent chaque année dans des accidents de la route en France. Plus de 300 meurent chaque jour de COVID. Depuis 2012, 260 personnes sont mortes dans des attentats terroristes en France. Le spectre du terrorisme justifie-t-il vraiment une annulation profonde des principes démocratiques pour lesquels les gens se sont battus et sont morts? Nous pouvons considérer le terrorisme comme une attaque contre nos «valeurs» – ou nous pouvons rejeter ce discours. Nos valeurs ne sont pas menacées par ces attaques, elles sont menacées par notre réponse. Il est maintenant urgent que nos dirigeants respectent les idéaux républicains qu’ils prétendent représenter.
Photo d’illustration : Le président français Emmanuel Macron prononce un discours à l’issue d’une visite sur la lutte contre le séparatisme au siège de la préfecture de Seine Saint Denis à Bobigny, banlieue nord-est de Paris, le 20 octobre 2020. LUDOVIC MARIN / AFPAFP
8 décembre 2020
Titre en anglais de l’article original : France’s Treatment of Its Muslim Citizens Is the True Measure of Its Republican Values
Traduction : Lelibrepenseur.org avec DeepL Translator