On a rarement eu à lire un article aussi violent sur les relations hommes femmes. L’article de libération est très long et recueille plusieurs témoignages de femmes membres de l’UNEF qui ont été violées à plusieurs reprises. Toutes les techniques ont été utilisées : alcoolisation des filles pour coucher avec elles, voire le viol pendant leur sommeil, sans oublier la pression du pouvoir de la hiérarchie… Nous sommes véritablement dans une porcherie et certainement pas dans un syndicat d’étudiants et il serait temps de balancer tous ces porcs une bonne fois pour toutes.
On ne pouvait terminer ce chapeau de présentation sans rappeler que toutes les avancées sociétales de mai 1968 n’aboutissent en réalité, 50 ans plus tard, qu’à une industrialisation du viol et de l’agression sexuelle ! À méditer…
« Libération » a recueilli les témoignages de seize femmes victimes déclarées de harcèlement, d’agressions sexuelles et de viols de la part de dirigeants de l’organisation étudiante entre 2007 et 2015.
Longtemps inaudibles, ou silencieuses, ces anciennes militantes racontent des années de sexisme du syndicat et son apparent laisser-faire face aux violences sexuelles
Quand elle s’installe pour dormir au camping de la Fête de l’Humanité, en septembre 2014, Laurie (1) est épuisée. Depuis peu militante de l’Unef (Union nationale des étudiants de France), elle vient de passer la journée à tenir le stand syndical avec ses camarades. Comme chaque fin d’été, ce rendez-vous de toute une partie de la gauche est l’occasion pour l’organisation d’engranger de nouvelles adhésions. Malgré la fatigue, Laurie ne va pas trouver le sommeil.Membre de la direction du syndicat, entré à l’Unef au milieu des années 2000, Grégoire T. insiste pour la suivre dans sa tente, plantée dans le camping éphémère du parc de La Courneuve. Ils ont déjà eu plusieurs relations sexuelles sans lendemain. Mais ce soir, Laurie ne le souhaite pas. «J’avais prévu de dormir avec une autre militante mais il s’est invité, relate l’étudiante. Il espérait pouvoir coucher avec nous deux.» Rapidement, la seconde jeune femme s’endort. «Il me dit qu’il a le droit à une fellation en dédommagement, ce que je refuse, poursuit Laurie. Il commence alors à appuyer sur ma tête. Je refuse encore. Il appuie de plus en plus fortement. Je le repousse encore. Il met alors la main dans ma culotte et m’embrasse de force. Et recommence pendant plusieurs minutes.» La militante n’en peut plus. Elle veut que ça cesse : «J’ai fini par me laisser faire.» Pendant longtemps, Laurie ne réalise pas vraiment ce qu’elle vient de vivre. Aujourd’hui, elle parle de viol. Trois ans après les faits, Grégoire T., devenu journaliste, a lui une autre version de la soirée, assurant que sa partenaire était consentante pour une fellation et que tout s’est déroulé «sans contrainte».
Une plainte pour « viol »
Deux ans plus tard, Laurie est devenue une militante aguerrie, elle est «montée» dans les instances de l’Unef et fait désormais partie du bureau national (BN), l’instance qui épaule la direction. Avec Grégoire T., l’échange de textos a continué depuis septembre 2014. Ils parlent d’activités syndicales et s’invitent quelquefois mutuellement à passer la nuit ensemble sans que cela ne se concrétise jamais. En ce mois de juin 2016, Laurie vit depuis peu dans une cité universitaire toute proche des locaux du syndicat, dans le XIXe arrondissement de Paris. Ce soir-là, elle boit des «shots» d’alcool avec des camarades de la direction. Alors qu’elle s’apprête à rentrer dormir, Grégoire T. lui annonce qu’il la rejoint chez elle. Sans lui demander son avis. «Je lui ai dit : “Je ne veux pas” et je suis partie», se souvient la jeune femme.Mais quand elle arrive en bas de son immeuble, Grégoire T. est là et l’attend. Laurie répète alors qu’elle ne veut pas passer la nuit avec lui. S’ensuivent des négociations. Fatiguée, la jeune femme finit par accepter qu’il monte tout en lui précisant clairement qu’il ne se passera rien entre eux. Mais à peine la porte de l’appartement ouverte, Grégoire T. se déshabille totalement et lui intime de faire de même. Laurie refuse. Selon elle, il la force alors à s’allonger sur son lit. Elle a trop bu, sa tête tourne à cause de l’alcool. «Il commence à me déshabiller. J’essaye de le repousser, de lui dire que je ne veux pas, mais je n’ai plus de force. A ce moment-là, je me sens comme une poupée, sans vie. Il me viole. Il n’y a pas d’autres mots», raconte froidement Laurie. Le lendemain matin, Grégoire T. va tenter à nouveau de lui imposer une relation sexuelle, mais elle aura la force de le repousser. Elle s’enferme alors sous la douche et y reste quarante minutes en espérant qu’il parte. Mais quand elle sort, Grégoire T. est toujours là et réessaye une dernière fois avant de partir.«J’ai pleuré toute la journée et puis j’ai occulté», raconte Laurie. Quand on lui rapporte ce récit, son ancien camarade conteste et assure qu’ils avaient convenu de rentrer ensemble, qu’ils ont eu un rapport sexuel sans violence et qu’il n’a pas insisté le lendemain. En couple avec Grégoire T. pendant l’été 2014, Joséphine (1) raconte elle aussi avoir été victime d’un viol. Une nuit de juillet, «je me suis réveillée parce qu’il était en train de me pénétrer, témoigne-t-elle. Je ne comprenais pas ce qui se passait. Je lui ai demandé au moins de mettre un préservatif. Ça s’est arrêté à ce moment-là.» Interrogé sur cette scène, Grégoire T. explique qu’il était également endormi à ce moment-là.Mi-janvier, Laurie s’est décidée à porter plainte pour viol contre Grégoire T, révèle aujourd’hui Libération. Et Joséphine, qui vient de s’entourer d’une avocate, s’apprête à faire de même. La fin de longues années de silence au sein de ce qui fut longtemps le premier syndicat étudiant de France.A LIRE AUSSI Trois mois d’enquête et une publication reportée
Une direction où « les hommes pensent, les femmes organisent »
Une direction toute-puissante – «déifiée», selon les mots d’une ancienne dirigeante –, des femmes écartées du pouvoir et des abus sexuels à tout le moins minimisés : pendant plusieurs mois, Libération a enquêté sur le sommet de l’Unef. Sur ses dirigeants ayant pendant quelques années tout donné et tout attendu du syndicat. Une quarantaine d’interviews pour recueillir témoignages et récits de seize victimes déclarées de harcèlement et, pour certaines, d’agressions sexuelles et de viols. Quand l’Unef fait plier le gouvernement Villepin, contraint de retirer son contrat première embauche au printemps 2006, le syndicat étudiant est à son apogée. Un an plus tard, Nicolas Sarkozy est élu, la gauche s’organise contre l’hyperprésident et compte sur ses bataillons de jeunesse. Au plus fort de son pouvoir, l’Union nationale des étudiants de France comptera jusqu’à 30 000 adhérents pour un peu plus de 2,4 millions d’étudiants. Un groupe hétérogène au sein duquel il est – statistiquement – normal de tomber sur des cas de harcèlement et d’agressions. Le syndicat a d’ailleurs coutume de dire qu’il n’est «pas imperméable aux maux de la société».Après Bruno Julliard, c’est Jean-Baptiste Prévost qui prend les commandes de l’Unef en 2007. Venu de Sciences-Po, cet ancien conseiller parlementaire hérite d’une organisation puissante où sexisme et machisme ont toujours libre cours. Au sein de la direction, «on disait : les hommes pensent, les femmes organisent», résume Marion Oderda. Ancienne responsable nationale, elle sera une des rares à s’opposer ouvertement à la gestion toute personnelle du syndicat par son président. «Je ne serai pas ton mac», lui lance-t-elle d’ailleurs en claquant la porte de l’Unef en 2010, expression rapportée par au moins trois militantes interrogées par Libération. Un incident et un départ anticipé que Jean-Baptiste Prévost met, lui, uniquement sur le compte d’un différend syndical.La présidence Prévost va pourtant bien être marquée par une multitude de dérives. Légitimées par certains, ces pratiques semblent avoir constitué un feu vert implicite pour nombre de dirigeants. L’Unef devient alors un terrain de chasse sexuelle. Côté face, Prévost court les plateaux de télévision pour défendre la cause étudiante et faire campagne contre la droite au pouvoir. Côté pile, l’homme pioche des numéros de téléphone dans les fichiers du syndicat pour multiplier les relations sexuelles. «Les week-ends régionaux de formation, c’était le supermarché, se souvient Elodie Le Moigne, ex-présidente de l’Unef à l’université Paris-XIII. On sentait la pression des présidents de section locale et des membres du bureau national pour récupérer les numéros ou les adresses des militantes. Ils agissaient pour eux ou pour le compte du président national.» «Jean-Baptiste choisissait les filles, il avait un profil type de nana», raconte de son côté Annaïg P., une ex du BN. Elles sont souvent jeunes, de surcroît provinciales, isolées et débutantes, donc fragiles. A l’Unef, on dit une «petite meuf».A LIRE AUSSIUn regain de sororité pour libérer la paroleEn 2009, l’une d’elles, Marine (1), militante en province, pensait avoir tenu secrète la relation qu’elle entretient avec le président depuis quelques mois. Un soir de septembre, elle essaie de s’échapper discrètement à la fin d’une réunion pour le rejoindre à son hôtel. Certains camarades tiquent mais un proche de Prévost la libère avec un clin d’œil entendu : «C’est le patron, quand il exige quelque chose, on exécute.» «Je l’ai pris en souriant à l’époque, raconte Marine. Prévost a profité de l’organisation. Il n’avait pas besoin d’être violent, il avait son statut de président.» Quand une militante ose enfin se plaindre des agissements d’un membre de la direction, quel que soit son grade, on lui intime de se taire. Parce que «l’Unef n’est pas un tribunal populaire»,que «c’est un camarade de valeur» ou qu’on soupçonne toujours «une machination politique». Des prétextes pour minimiser. Et, de fait, imposer le silence. «A chaque coup, on me répondait : “T’as des preuves de ce que tu avances ? Tu ne peux pas dire ça, c’est le président”», relate Elodie Le Moigne. «Sous le qualificatif “gros relou”, il y avait beaucoup de choses différentes et personne ne voulait vraiment voir la réalité que cela recouvrait, abonde Sarah Aoudia, ex-présidente de l’Unef Nîmes et membre du bureau national. Et de fait, le cercle de la direction nationale avait une espèce de protection invisible.»Pour «suivre» les facs dont ils ont la responsabilité, les membres du bureau national sillonnent la France. Pendant ces années-là, se met aussi en place un drôle de jeu, auquel s’adonnent les membres de la direction : se procurer numéro et adresse d’une militante qu’ils ont repérée avant de l’appeler en bas de chez elle en pleine nuit et d’insister pour se faire héberger. Des méthodes que Jean-Baptiste Prévost réfute totalement, expliquant qu’il n’a «jamais cherché ou trouvé un numéro dans les fichiers de l’Unef» et qu’il ne choisissait «jamais» lui-même ses hébergements en province. Ces soirées se terminent parfois par une relation sexuelle. Se pose alors la question du consentement. Tacite, accordé, oublié, extorqué ? «Ils jouaient sur la solidarité, la compassion et leur statut de dirigeant national : on était en plein abus de pouvoir ou de faiblesse», estime Maria C., membre de la direction de l’organisation de 2006 à 2009, pour qui «beaucoup de cas à l’Unef ne tombent pas sous le coup de la loi parce qu’elle est incomplète».Ce que la plupart des femmes interrogées par Libération racontent semble pouvoir relever à tout le moins de harcèlement sexuel de la part de Jean-Baptiste Prévost…