Cet article nous invite à réfléchir sur 2 points importants concernant les grands scandales politiques. Premièrement, afin d’étouffer une affaire, il suffit de saboter l’enquête policière au départ, comme le prouve celle-ci. Pour comprendre que ce sabotage est voulu, il suffit de constater qu’il n’y a jamais de sanction prise envers les enquêteurs. Deuxièmement, ce sabotage policier sera renforcé, au niveau judiciaire, par quelques erreurs de procédure voulues qui se déclineront ici par un petit tampon manquant ou là, par une erreur de date très opportune ! Ainsi, les avocats du mis en cause auront tout le loisir d’utiliser ces failles de procédure pour ne pas perdre le procès.
Lors de la perquisition du bureau d’Alexandre Benalla le 25 juillet, les enquêteurs ont découvert un coffre-fort. Vide.
Me Bouzrou, avocat du syndicat policier Vigi, partie civile, demande l’extension des investigations sur ce fait troublant ainsi que sur d’autres anomalies.
Un coffre peut en cacher un autre. Alexandre Benalla avait deux armoires fortes. Il a fait déménager le premier coffre-fort de son domicile d’Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine) avant la perquisition de la police judiciaire. Le second était situé dans son bureau, dans l’aile ouest du palais de l’Élysée. Pas de chance. Il a été retrouvé… vide.
En attendant la convocation très attendue ce mercredi 19 septembre d’Alexandre Benalla devant les sénateurs, une nouvelle demande d’élargissement de l’enquête initiale ouverte notamment pour « violences en réunion » vient d’être déposée sur la base des « anomalies de l’enquête » pointées par Me Yassine Bouzrou. L’avocat du syndicat de police Vigi vise de possibles dissimulations de preuves.
Le 30 juillet, ce dernier, partie civile dans le dossier, avait déjà demandé aux juges d’élargir leurs recherches. Refus du parquet de Paris. La nouvelle demande s’appuie sur les résultats décevants de la perquisition à l’Élysée.
Celle-ci s’est déroulée le 25 juillet en présence de l’ex-collaborateur de l’Élysée, trois jours après sa mise en examen, selon le PV de perquisition dont nous avons eu connaissance.
Un ordinateur portable étiqueté « Présidence de la république »
Quand les enquêteurs de la PJ parisienne pénètrent ce jour-là dans le bureau E 150, ils découvrent dans l’armoire murale une mallette noire et un coffre vide. Dans l’armoire : « un agenda du Président de la République du 31 juillet 2017 au 29 octobre de la même année » et « une boîte de montre comportant un bon de garantie d’une montre coopérative du GIGN ».
Les policiers repartiront seulement avec un ordinateur portable étiqueté « Présidence de la république », non protégé par le secret-défense, un cordon d’alimentation et une clé USB au nom de Benalla. Ils saisissent aussi un document intitulé « Proposition de plan de transformation organisationnelle des services ».
L’ex-chargé de mission a-t-il fait le ménage dans son bureau avant le passage de la police ? « Dans la mesure où le contrôle judiciaire de Monsieur Benalla ne lui interdit pas de se rendre à l’Élysée, il ne peut être exclu [qu’il] se soit rendu, à la suite de sa garde à vue, dans son bureau et qu’il ait alors récupéré des documents », fait valoir Me Yassine Bouzrou.
Aucun procès-verbal de fouille du collaborateur d’Emmanuel Macron
Dans sa demande de supplétif, l’avocat du syndicat de police dresse une liste de cinq anomalies qu’il dit avoir relevées dans le dossier judiciaire. Vigi pointe ainsi le « défaut de perquisition » du véhicule de fonction de l’ex-collaborateur de l’Élysée. La Renault Talisman a été placée en fourrière le 20 juillet sans avoir été inspectée alors qu’Alexandre Benalla se trouvait en garde à vue.
Autre anomalie listée, il n’existe aucun procès-verbal de fouille du collaborateur d’Emmanuel Macron dans le dossier. Ni d’ailleurs de son acolyte Vincent Crase, chef d’escadron dans la réserve opérationnelle de la gendarmerie et collaborateur ponctuel de l’Élysée.
La demande d’élargissement de l’enquête déposée auprès des juges vise notamment le rôle de ce dernier au sein de la sécurité de la présidence. Lors de sa garde à vue, Vincent Crase a affirmé avoir reçu pour mission du général Bio-Farina, commandant militaire de l’Élysée, de recruter quatorze réservistes. Ce qu’a d’ailleurs confirmé le haut gradé devant la commission parlementaire du Sénat. Vigi demande donc aux juges de s’intéresser aux activités professionnelles des 14 réservistes afin de savoir si celles-ci sont compatibles avec leurs fonctions à l’Élysée.
Enfin, Me Bouzrou souhaite que les investigations soient étendues à une période plus large. Il relève que lors de sa garde à vue, Vincent Crase a reconnu avoir participé à des opérations de maintien de l’ordre avant celle du 1er mai. D’où le soupçon de précédents d’« immixtion dans l’exercice d’une fonction publique ». À […]
Jean-Michel Décugis, Éric Pelletier, Jérémie Pham-Lé – Le Parisien