Énorme scandale supplémentaire autour de l’affaire du pédocriminel Gabriel Matzneff, car l’enquête de police veut entendre comme témoin l’ex-ministre de la santé Michèle Barzach du fait qu’elle se soit retrouvée à prescrire des pilules contraceptives aux gamines violées par Matzneff ! Cette dame, gynécologue de profession, a même été présidente de l’Unicef ! Aucun film hollywoodien n’aurait osé écrire un tel scénario ! Décidément, l’affaire Gabriel Matzneff nous réserve encore de très nombreuses surprises.
Ministre de la Santé et de la Famille sous Jacques Chirac de 1986 à 1988, Michèle Barzach pourrait bien être entendue dans le cadre de l’enquête ouverte à l’encontre de l’écrivain pédophile : médecin gynécologue, elle n’était pas regardante pour prescrire la pilule aux conquêtes mineures de Gabriel Matzneff.Décidément, l’affaire Gabriel Matzneff nous réserve encore de très nombreuses surprises.
Du début des années 1970 jusqu’à son entrée au gouvernement, Michèle Barzach exerce comme gynécologue dans le XVe arrondissement de Paris. À son entrée au gouvernement, celle qui a fait ses premières armes en politique comme conseiller d’arrondissement puis adjointe au maire du XVe grâce à la protection que lui prodigue déjà Jacques Chirac – il l’a même propulsée déléguée nationale du RPR aux affaires sociales – est présentée par le journal Le Monde comme « modérément libérale ».
Dans le contexte de l’époque, cela veut dire qu’elle est « modérément de droite ». Elle le prouvera d’ailleurs assez vite puisque, quelques semaines après sa nomination, elle s’opposera à l’arrêt du remboursement de l’avortement par la Sécurité sociale, souhaité par la nouvelle majorité RPR-UDF. Le docteur Bernard Savy, député RPR de la Nièvre, a même déposé un amendement en ce sens. Elle explique alors à l’Assemblée qu’il est important de « conserver un dispositif permettant de ne priver aucune femme de la possibilité de choisir l’IVG pour insuffisance de ressources », même s’il faut aider les femmes à ne pas recourir à l’avortement, en développant l’information sur la contraception.
Depuis la loi Neuwirth (1973), la vente de produits contraceptifs est autorisée mais leur délivrance aux mineures restera soumise à autorisation parentale jusqu’en 1974, date à laquelle la ministre de la Santé Simone Veil lèvera cette obligation et accordera aux mineures le droit à l’anonymat. Or les policiers de l’Office central de répression des violences aux personnes (OCRVP), agissant dans le cadre de l’enquête ouverte par le parquet de Paris à la suite des accusations portées contre Gabriel Matzneff par l’éditrice Vanessa Springora dans le livre Le Consentement (Grasset), sont tombés à plusieurs reprises sur le nom de Michèle Barzach à une époque où, si on en croit ce qu’il a écrit, elle était le témoin privilégié, pour ne pas dire la complice, de ses agissements.
Ainsi que l’a confié au Journal du dimanche l’éditeur Antoine Gallimard, qui a retiré de la vente tous les ouvrages de Matzneff (ainsi que l’ont fait la plupart de ses autres éditeurs), « on nous a demandé par écrit que l’on adresse à l’OCRVP un exemplaire de chaque volume du Journal de Gabriel Matzneff ». La même requête a été effectuée auprès de ses autres maisons d’édition, dont La Table ronde. Et la lecture de ses journaux intimes et néanmoins publics a commencé : une quinzaine de tomes publiés entre 1976 et 2019 et ne cachant pas grand-chose de sa vie privée, détaillée au jour le jour (et parfois heure par heure !), de 1953 à 2018, soit sur une durée de soixante-cinq ans !
Elie et Phaéton (La Table ronde) couvre la période 1970-1973. Le 11 août 1973, veille de son 37e anniversaire, il tombe, au quartier Latin, sur une vieille connaissance – enfin, vieille, façon de parler –, « accompagnée d’une jolie adolescente de quinze ans, sa fille, Francesca » : « Cette rencontre m’émeut et me trouble. » Quatre jours plus tard, il dîne chez elles. « Je suis sous le charme de cette céleste de quinze ans », écrit-il, ajoutant ceci, qui en dit beaucoup sur la véritable nature de ses attirances : « Je lui trouve une ressemblance avec Erik Pyrieff, le gamin qui joue le rôle d’Ivan enfant dans la deuxième partie d’Ivan le Terrible d’Eisenstein : visage ovale, grands yeux de velours, nez fin, lèvres gonflées, sensuelles. » Quand le film a été tourné, Pyrieff (ou Pyriev) avait treize ans…
Quoi qu’il en soit, et qui relève de la psychanalyse, Francesca passe bientôt de la table maternelle au lit de Matzneff. Mais si elle tombe enceinte ? Si elle était déjà tombée enceinte ? Nous sommes le 9 novembre et Matzneff s’en inquiète : « J’achète un truc à la pharmacie pour savoir si on attend un bébé ou non. Francesca sèche l’école, vient chez moi faire le test. Ouf ! c’est négatif. Toutefois, il faut que nous trouvions un gynécologue qui accepte de lui prescrire la pilule sans prévenir sa mère. Si nous tombons sur un médecin réac, hyper-catho, c’est fichu. »
Oui mais où et comment dénicher ce toubib pas bégueule ? Pour Matzneff, qui fréquente le Tout-Paris, quatre jours vont suffire pour trouver la perle rare et obtenir un rendez-vous. Il a fallu une entremetteuse, il en donne le nom : Juliette Boisriveaud. Aujourd’hui, il faut avoir été féministe dans les années 1970 pour savoir de qui il s’agit. En novembre 1973, lorsque Gabriel Matzneff fait appel à son carnet d’adresses, Juliette Boisriveaud a 41 ans « et un CV déjà long comme le combat des femmes vers l’émancipation », dixit Libération, et, journaliste à Paris Match, elle travaille au lancement, le mois suivant, du journal dont elle va être la rédactrice en chef, Cosmopolitan.
À la date du 13 novembre 1973, Matzneff peut ainsi écrire : « Je crois qu’aujourd’hui, chez la gynéco, Francesca a pris la pleine mesure de mon amour, qu’elle a éprouvé que je me sens responsable d’elle, que je l’aime vraiment, et pas qu’au lit. C’est grâce à Juliette Boisriveaud que nous avons eu ce rendez-vous chez le docteur Michèle Barzach. Nous y sommes allés avec la crainte d’être critiqués, sermonnés, aussi avons-nous été très agréablement surpris. Michèle Barzach est une jeune femme douce, jolie, attentive, qui à aucun moment n’a cru devoir faire la morale à ce monsieur de trente-sept ans et à sa maîtresse de quinze. Elle a, je pense, tout de suite compris que nous formons un vrai couple, que nous nous aimons. »
Nous avons vérifié : la Michèle Barzach qui est désignée à la page 378 d’Elie et Phaéton par Matzneff n’est pas un homonyme. Juliette Boisriveaud…
Bruno Larebière
Institut des Libertés [IDL]21 janvier 2020