Ce n’est pas tant un enfer, tel que décrit dans cet article, faut quand même pas abuser ! Il y a effectivement un volume de travail extraordinairement important ainsi qu’une compétition très malsaine, sauf que vous avez la possibilité de vous entourer de personnes sympathiques qui ne tombent pas dans le piège ridicule de la guerre larvée.
Ce qui est par contre très inquiétant et beaucoup plus grave puisque cela va atteindre la santé publique, c’est le fait de former des robots, des petits soldats qui répondront docilement aux exigences du système. La charge de travail créant une fatigue extrême, toute volonté de révolte sera définitivement anéantie. Ainsi, tout un cheptel de bons petits médecins dociles seront au service de Big Pharma et de ses futures dérives.C’est ainsi que les différents scandales sanitaires meurtriers ont été rendus possibles en France, il faut bien le comprendre. D’autant qu’il y a une maladie universitaire caractéristique du secteur médical : on ne contredit pas les patrons, même s’ils ont tort et même s’il y a un scandale avec 5000 morts ! C’est ainsi.
Le film Première année, qui sort en salles ce mercredi, décrit fidèlement ce que vivent les étudiants en Paces (première année commune aux études de santé), entre concurrence acharnée, absurdité du concours et pression psychologique.
C’est peut-être le cursus universitaire le plus sélectif de France. Avec un taux de réussite autour de 22% en 2017 pour les quatre filières médicales, selon des chiffres de L’Étudiant, la Paces (Première année commune aux études de santé) est un entonnoir dont peu d’élèves ressortent indemnes. C’est précisément la trame de fond de Première année, un film de Thomas Lilti qui sort ce mercredi et suit le parcours de deux étudiants, interprétés par Vincent Lacoste et William Lebghil, confrontés à la violence d’un concours “déconnecté de la réalité médicale, un peu absurde et qui nécessite un bachotage intense”. Selon le réalisateur du film, déjà auteur d’Hippocrate et de Médecin de campagne, “les doyens d’université disent que c’est une boucherie pédagogique”.« Boucherie, c’est le mot adapté », assure Clara Bonnavion. Présidente de l’Anemf (Association nationale des étudiants en médecine de France), elle a pu voir Première année avant sa sortie et l’a trouvé « réaliste ». Elle est aussi « entre la 3e et la 4e année de médecine », après avoir passé le cut de la Paces dès son premier essai, ce qui ne l’a pas empêché de constater les dégâts du cursus.
« Une bonne partie d’entre nous a mal vécu sa Paces. Ce n’était pas un bon moment à passer, psychologiquement c’est compliqué. On a sorti une étude de santé mentale en 2017. Elle révèle que 27% des étudiants en médecine et des jeunes médecins sont dépressifs, soit trois fois plus que la population normale ». L’étude révélait également qu’un jeune médecin sur cinq avait des « idéations suicidaires ».
« Un concours basé sur les capacités à apprendre par cœur »
Si Antoine Soula n’a vu que la bande-annonce du film, elle lui fait dire que l’œuvre « a l’air assez fidèle au niveau de la charge de travail et du rythme infernal ». Aujourd’hui en 4e année de pharmacie, il est également vice-président de l’Anepf (Association nationale des étudiants en pharmacie de France). La Paces, il l’a quant à lui fréquentée deux ans.
« Est-ce que j’ai hésité à refaire ma première année ? C’était compliqué de décider, parce que j’étais physiquement épuisé. J’y suis retourné parce que c’est vraiment ce que j’avais envie de faire. Mais j’ai vu des cas d’étudiants qui sont totalement sortis du système éducatif. Ils pètent un boulon, ça devient insupportable et ils terminent serveur dans un bar parce qu’ils n’en peuvent plus ».
Au cœur du stress, il y a d’abord le concept du fameux concours sanctionnant la première année. « Il y a la personne qui va tout apprendre par cœur, et celle qui n’y arrive pas et qui va essayer de comprendre avant d’apprendre. Ce qu’on regrette, c’est qu’au final, ce concours soit basé sur les capacités à apprendre par cœur. On ne valorise pas la réflexion, alors que ça a plus de sens », explique Clara Bonnavion. « C’est du bachotage bête et méchant. Alors que ce qu’on veut voir apparaître c’est l’empathie, une capacité de dialogue de l’étudiant. Ce dont tout le monde rêve quand on parle d’un bon soignant: quelqu’un qui arrive à avoir du contact », ajoute Antoine Soula.
« Il y a des facs où on n’est pas loin de la malveillance »
Cette empathie disparaît aussi régulièrement entre les élèves eux-mêmes. Dans un contexte de concurrence exacerbée, les relations ne sont pas toujours très saines. Dans Première année, quand le personnage incarné par Vincent Lacoste « pète un plomb », un de ses camarades répond que « ça fait une place en plus. C’est moche mais c’est vrai ».
« Il y a des facs où on n’est pas loin de la malveillance. On est sur des vols de cours, par exemple. Les étudiants sont dans des situations de concurrence poussée à l’extrême où tout le monde est prêt à tout », confirme Antoine Soula.
Dans une étude réalisée par l’Anepf auprès de 5000 étudiants en pharmacie, réalisée juste après la Paces et qui sortira à la fin du mois, « les mots ‘solitude’, ‘dépression’ et ‘anxiété’ sont ceux qui ressortent plus », fait d’ailleurs remarquer l’étudiant.
« Qu’on ne s’arrête plus à un concours unique en fin de 1ère année »
Depuis quelques années, plusieurs expérimentations sont en cours pour tenter de faire bouger les lignes, comme le dispositif AlterPaces, qui permet à des étudiants en licence dans des disciplines scientifiques d’intégrer le cursus de médecine en 2e année de santé sur dossier et après un oral. Le genre de choses dont devrait s’inspirer le gouvernement, qui présentera le 18 septembre prochain sa réforme des systèmes de santé, intégrant un volet sur la formation universitaire. Une suppression pure et simple du fameux numerus clausus pourrait même être annoncée par Agnès Buzyn, la ministre de la Santé, et Frédérique Vidal, ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation.
Des annonces scrutées de près par les étudiants. « À partir du moment où vous avez une sélection, vous avez une pression inhérente. Mais cette sélection peut être faite différemment, petit à petit, et avec moins de pression », indique Claire Bonnavion. « Si on supprime le numerus clausus, il va se poser le problème de la régulation du flux d’étudiants qui arrivent, prévient Antoine Soula. On mettra forcément un autre système de régulation derrière.
Mais qu’on ne s’arrête plus à un concours unique en fin de 1ère année. Il faut un système où les étudiants sont réorientés au fur et à mesure de leur cursus quand ils sont en situation d’échec. Le rôle de l’Etat c’est de les accompagner vers d’autres professions”.