Très intéressante tribune du professeur de droit, Dominique Rousseau, concernant la nécessité urgente de réécrire la constitution française autrement le pays prend le risque d’une révolution imminente. Il ne suffira pas de faire semblant de modifier un article ou deux pour redistribuer le pouvoir à ceux qui l’ont déjà ; pour lui il est essentiel de rendre le pouvoir aux citoyens afin de redonner de la légitimité aux lois votées à l’Assemblée. Dans tous les cas, le fait de parler de risque de révolution imminente et de discrédit total des élites politiques ne fait que nous donner raison dans nos analyses politiques récentes et plus anciennes.
Le tout d’une société ne se réduit pas à sa Constitution. Mais rien dans une société ne peut se faire avec une Constitution déconnectée.
Or, celle de la Ve République ne répond plus ; elle tourne sur elle-même, elle ne reçoit plus les aspirations de la société et ne lui envoie plus les lois appropriées. Ce décalage entre une Constitution et « sa » société définit le « moment constituant », le moment où une société doit se saisir d’elle-même pour dire ce qu’il en est de son vivre-ensemble.
Les citoyens demandent à être associés à la fabrication des lois, mais la Constitution en donne le monopole aux élus ; ils attendent un agencement équilibré des pouvoirs, elle confond pouvoirs exécutif, législatif, judiciaire, et même médiatique ; ils réclament des espaces publics de délibération pour définir le bien commun, elle dissout le bien commun par un exercice privatif des institutions ; ils souhaitent une reconnaissance d’un pouvoir décentralisé, elle organise une gestion jacobine des territoires.
« Tant que les idées et les institutions sont de niveau, les institutions subsistent », a écrit Benjamin Constant (1767-1830), qui poursuivait : « Lorsque l’accord entre les institutions et les idées se trouve détruit, les révolutions sont inévitables. »
Professeur de droit public
Tribune
3 octobre 2023