La famille d’Anis Amri, suspect dans l’attaque de Berlin, devant sa maison d’Oueslatia, en Tunisie, le 22 décembre 2016
Toujours cette même antienne qui se répète depuis le sinistre et funeste 11/9 : un jeune voyou déjà condamné à 4 ans de prison par contumace en Tunisie pour vol et cambriolage (raison de sa fuite) puis à 4 autres années de prison purgées en Italie pour avoir brûlé un bâtiment – on se demande bien pourquoi ! -, qui prend de l’alcool et ne fait pas la prière. Un petit voyou sans envergure, qui se transforme du jour au lendemain en barbu intégriste rigoriste prêt à mourir et tuer un maximum de personnes… Vous avouerez que tout cela ne tient absolument pas la route ! D’autres faits et interventions peuvent expliquer ce genre d’événements, sachant également que maintenant qu’il est mort, on ne saura jamais la vérité.
Auteur présumé de l’attentat perpétré lundi soir contre un marché de Noël à Berlin et revendiqué par le groupe État islamique (EI), qui a fait 12 morts et des dizaines de blessés, Anis Amri est l’homme le plus recherché en Europe.
Sa famille, qui croit dur comme fer qu’il est innocent, l’implore de se présenter à la justice. Hier, en état de choc, la famille d’Anis Amri, principal suspect dans l’attaque de Berlin, affirme qu’il avait quitté son pauvre village (Oueslatia) avec l’espoir de trouver une vie meilleure en Europe.
Devant le domicile familial, dans un quartier populaire, Abdelkader, les yeux rougis, raconte à l’AFP la trajectoire de son frère, le benjamin de la famille, visé par un mandat d’arrêt à l’échelle européenne.
En mars 2011, Anis Amri a quitté illégalement la Tunisie par la mer vers l’île italienne de Lampedusa, fuyant une condamnation par contumace de quatre ans de prison pour vol et cambriolage, affirme Abdelkader. Un responsable sécuritaire local a confirmé à l’AFP ces informations.
Outre la condamnation, «Anis est aussi parti pour fuir la misère. Il n’avait aucun avenir en Tunisie et il voulait à tout prix améliorer la situation financière de notre famille qui vit en dessous du seuil de pauvreté, comme la majorité des habitants de Oueslatia », poursuit Abdelkader.
« Il vivait comme tous les jeunes, il buvait (de l’alcool) (…) il ne faisait ni prière, ni rien du tout », dit Walid, un autre frère de cette famille nombreuse.
Arrivé en Italie, Anis est placé dans un centre comme d’autres clandestins puis condamné à quatre ans de prison pour avoir incendié un bâtiment, indique Abdelkader.
« En 2015, il s’est installé en Allemagne où il a essayé d’améliorer sa situation. Il a notamment travaillé au noir dans les champs », poursuit-il.
« Il nous contactait via Facebook, il nous disait qu’il voulait rentrer en Tunisie mais qu’il devait d’abord gagner un peu d’argent (…) Dix jours avant l’attentat, il nous avait dit qu’il comptait rentrer au bled en janvier », indique Walid. C’est la dernière fois que la famille dit avoir été en contact avec lui.« Présente-toi »
« Il rigolait (avec nous). Rien ne montrait qu’il ait pu se radicaliser. Je suis sûr qu’il n’a pas commis une chose pareille. Il n’a pas émigré pour ça ! », lance Abdelkader, avant de fondre en larmes en se rappelant qu’Anis a 24 ans ce jeudi.
« S’il est en train de m’écouter, je lui dis : présente-toi » devant la police, « pour que la famille puisse être tranquille », demande-t-il.
« Si mon frère est l’auteur de l’attentat, je lui dis : ‘‘tu ne nous honores pas’’», a indiqué Abdelkader, avant d’ajouter : « Mais je suis sûr que ce n’est pas lui ».
Walid ne croit pas non plus à la culpabilité de son frère. « Nous dénonçons les accusations contre mon frère ! Nous le connaissons bien ! Il n’a rien fait ! ».
Devant le domicile, la mère demande à la foule curieuse de partir.
« S’il vous plaît, soyez compréhensifs, laissez-nous tranquilles dans notre malheur », implore-t-elle.
La soixantaine passée, le père Mustapha, sur sa charrette, cherche comme chaque jour un client pour lui transporter sa marchandise.
« Regarde mon père (…), à son âge, il travaille encore. Ici à Oueslatia, celui qui ne travaille pas meurt de faim », déplore Abdelkader.
Son ami Faouzi crie aussi sa colère. « Dites (au président tunisien) Béji Caïd Essebsi de s’occuper de la jeunesse. Nous en avons marre de la marginalisation ! », lance-t-il.
Abdelkader en veut aussi aux autorités de son pays qui ont traîné, selon lui, à autoriser l’expulsion d’Allemagne de son frère Anis qui avait vu sa demande d’asile rejetée en juin.Les critiques fusent de toutes parts
C’est que les empreintes digitales de Anis Amri, l’auteur présumé de l’attentat au camion-bélier de Berlin, en fuite, ont été retrouvées dans la cabine du poids lourd, a annoncé hier le ministre allemand de l’Intérieur.
« Des empreintes digitales ont été retrouvées dans la cabine », a déclaré Thomas de Maizière, affirmant que des indices prouvaient que le principal suspect, Anis Amri, était « selon toute probabilité vraiment l’auteur » de cet attentat. De leur côté, les autorités allemandes faisaient face hier à une polémique croissante au sujet des dysfonctionnements qui ont permis au suspect tunisien de l’attentat au camion-bélier à Berlin d’échapper à la police alors qu’il était connu comme islamiste dangereux.
« Ce n’est pas comme cela que nous allons garantir la sécurité de l’Allemagne », a dénoncé l’un des responsables du parti conservateur de la chancelière Angela Merkel (CDU), Armin Laschet, à propos des failles ayant empêché l’arrestation ou l’expulsion d’Anis Amri.
« Les informations que nous avons sur la manière dont les autorités ont travaillé sont choquantes », a-t-il ajouté sur la radio publique.
Une chasse à l’homme à l’échelle européenne est en cours contre Anis Amri.
Hier matin, plusieurs actions de police étaient en cours dans toute l’Allemagne, comme à Dortmund (ouest) en Rhénanie-du-Nord-Westphalie, région où Amri a un temps vécu. Des perquisitions ont également visé dans le même secteur un foyer de réfugiés ainsi que dans deux appartements à Berlin, selon des médias.
Six victimes de l’attentat de lundi sont allemandes. Un Polonais, une Italienne et une Israélienne ont aussi été identifiés.Dysfonctionnements en série
Outre les critiques récurrentes concernant sa politique d’accueil généreuse des réfugiés en Allemagne, Angela Merkel doit maintenant affronter une controverse sur les dysfonctionnements des autorités à tous les échelons au sujet de la surveillance du principal suspect.
Le cas Anis Amri place « une loupe » sur les lacunes du système, a lancé un autre membre de la famille politique de la chancelière, Stephan Mayer.
La police a d’abord perdu du temps avant de concentrer ses recherches sur le Tunisien, alors qu’un document d’identité le concernant a été découvert rapidement dans le poids lourd meurtrier.
La police berlinoise a assuré hier que le porte-monnaie qui contenait ce document n’a été retrouvé que mardi, ce qui explique que les enquêteurs se soient d’abord focalisés sur un suspect pakistanais, finalement mis hors de cause.
Le journal Süddeutsche Zeitung rapporte hier que les empreintes du Tunisien ont été retrouvées sur une portière du camion utilisé pour foncer dans le marché de Noël.
Amri était pourtant bien connu de la police. Pendant l’essentiel de l’année, il a fait l’objet d’une surveillance, notamment à Berlin où on le soupçonnait de préparer un cambriolage pour financer l’achat d’armes automatiques et un attentat. L’enquête a été abandonnée par le parquet en septembre faute d’éléments probants.
Sa demande d’asile a par ailleurs aussi été rejetée mais son expulsion a été bloquée par son pays d’origine.
Le New York Times affirme qu’il était connu des autorités américaines pour avoir au moins une fois été en contact avec l’EI et avoir fait des recherches sur internet afin de fabriquer des explosifs.
Et le magazine allemand Der Spiegel, qui cite les écoutes téléphoniques de « prédicateurs » islamistes, affirme qu’il s’était proposé « depuis des mois » pour une mission-suicide.
Malgré cette longue liste de suspicions, il a été laissé en liberté par manque de preuve ou, semble-t-il, de coordination entre les différentes administrations.
Trois jours après l’attaque au camion-bélier, la police semble n’avoir aucune idée du lieu où il peut se cacher. Une récompense de 100.000 euros est même proposée.
Le fugitif, probablement armé, « a pris le large », pronostique un enquêteur sous le couvert de l’anonymat dans Die Welt.Synthèse SR avec AFP