

Ce qui pourrait n’être qu’anecdotique devient aussi fatidique, à savoir l’expression d’une fatalité, d’un destin insurmonté propre à ce que nous désignerions comme la génération de cette jeune femme de lignée syrienne. Elle peut, après sa démission, mieux entendre cette sentence du maître de l’Université de Berlin, à l’âge romantique, Hegel que nous récitons plus bas, tirée de ses Écrits Théologiques de Jeunesse, que « le destin est la conscience de soi, mais comme d’un ennemi ».
S’agit-il d’une humiliation infligée par des tapageurs anti ceci ou cela à une artiste ? S’excuser publiquement d’avoir trouvé étonnant que des exécuteurs apparemment entraînés et sûrs d’eux-mêmes aient abandonné leur pièce d’identité sur le siège de leur voiture pour être plus aisément reconnus démontre que nous vivons sous un régime typiquement républicain, à savoir – pour paraphraser Hegel (1770-1931), dans ce vide de la Raison qu’on appela en France, la Terreur. La génération de Mennel fait ainsi l’expérience de la liberté d’expression comme d’un piège à nigauds. Elle oublie, dans sa jeunesse, que cette liberté proclamée en 1789 par la secte dirigée alors par le duc d’Orléans, n’affirma ce principe que pour le refuser aux ennemis de cette même liberté. Autrement dit : tu peux parler autrement que moi, mais il t’en coûtera et tu peux y perdre la tête ou ta place.
Venons-en au thème de cette élection du prix décerné par « La voix » ou, pour reprendre l’anglomanie ambiante, The Voice ; j’entends parler du succès de cette femme couvrant ses cheveux. Un Candide écoute les paroles en apparence religieuses, comme semble l’indiquer le nom « Hallelujah », mais les paroles sont très vite une caricature, présente dans la Bible, du prophète David, qui aurait fait tuer, en l’envoyant au front, en première ligne, le mari de celle qu’il convoite.
Ce David là n’est point le nôtre. L’auteur, avec son chapeau et l’air faussement négligé, vend, pour ainsi dire, au Diable et au Bon Dieu !
Dans quelle galère la génération de Mellen se fourvoie-t-elle ! Quand verra-t-elle qu’il s’agit d’une mise en scène ? Que les recrues sont choisies pour être ridiculisées, sinon exploitées ou déplumées ! Comment cette génération se retrouvera-t-elle ? En suivant, comme il s’en trouve à Vienne, « le chemin des philosophes », en recherchant l’unité organique d’un peuple protégé par un État pour lequel les ancêtres ont fait des sacrifices, ce qu’est le modèle d’un peuple aujourd’hui vieillissant et digne, celui du Japon, par exemple ; l’Asie peut être citée, car avancer en Europe est marcher sur un terrain glissant !
Il ne nous appartient pas de parler politique et d’offrir des prospectives à un monde déséquilibré, dans sa totalité, depuis l’éclatement de la Première Guerre qui n’est visiblement pas encore terminée, les peuples ont été déracinés, la religion diminuée, la propriété spoliée, la culture abaissée, la morale sexuelle bafouée, la mariage moqué, l’alimentation empoisonnée, les races aigries entre elles, notre musique même a été infectée et s’est muée en musique atonale, l’art pictural et scénique a versé dans l’obscénité, comme ce poème musical exhibant un prophète débauché. Est-ce que le chanter, les cheveux serrés, dans un voile de scène le rend honnête, lui enlève son venin ?
Dans une société, deux termes ou pôles sont nécessaires, selon Platon (le philosophe qui célébrait la supériorité de l’État perse sur la fragilité des Grecs décadents, chose avérée par la fuite de la dernière École d’Athènes auprès du Roi des Rois), une jeunesse ardente et des vieillards sages, ayant expérimenté les illusions du vouloir-vivre, qui les instruisent. Nous avons des vieillards ou plutôt des demi-vieux ou vieux beaux libidineux qui font danser la jeunesse désorientée par le chaos social entretenu par les spécialistes du genre, ceux qu’Olivier Delamarche exorcise !
Que la jeunesse soit musulmane, chrétienne ou athée, elle a des devoirs envers elle, le premier étant la conservation de sa vitalité, de sa matière à laquelle la philosophie, discipline qui se lève quand la nuit tombe sur le monde et que les étoiles brillent, donne forme.
La mésaventure de Mennel est, en réalité, un clin d’œil du destin, et pour elle un bénéfice. Reste à se poser les questions fondamentales : que puis-je savoir, que dois-je faire, que m’est-il permis d’espérer ? Mes collègues de philosophie les plus anciens y reconnaîtront cette doctrine prussienne de Kant qui formait nos générations, mais aujourd’hui les tyrans qui ont détruit la stabilité de tous les États, et vivent du désordre organisé, dans un chaos qu’ils nomment liberté, et qui débouche, redisons-le sur une terreur acceptée, intériorisée, n’offrent que des illusions et des pièges. L’échec de Mennel est heureux, car il lui sera matière à réflexion, comme à toute sa génération qui est promise, selon ses maîtres actuels et idéologues, à la guerre civile et au massacre mondial renouvelé !
Pierre Dortiguier