Dans un vieux restaurant parisien éclairé par des lampes à huile, je dînais face à Pierre Cassen. Il était fou furieux de la manifestation des musulmans en plein Paris, le dimanche dernier.
« Alors, il en pense quoi, l’islamiste ? », me dit-il les trous de nez rouges de colère.
« Les musulmans ne devraient manifester que leur gratitude envers le divin », fis-je en reculant un peu face à ses lourdes effluves éthyliques.
« Ça suffit le baratin, bordel ! », riposta-t-il laïquement en tapant du poing sur la table. Puis, il vida son pinard dans ses trous de nez, car Pierre boit et mange par ses trous de nez, qu’il exhibe fièrement.
« La musulmanité n’est pas une appartenance culturelle ou cultuelle mais une vertu morale, et rien d’autre. Un athée qui ne fait qu’un avec la droiture morale est déjà musulman, et un musulman hypocrite n’est déjà plus musulman. On n’accomplit pas la droiture morale pour les autres, ni même pour Dieu, mais simplement pour soi, voilà le message de l’islam. La droite intimité du cœur est l’autre nom de Dieu. Le Messie sera le destructeur des rituels, son abolisseur. On ne ritualise que sa profonde misère », dis-je calmement.
« Le message de l’islam est une profonde misère qui ignore toute science, et qui rejette tout savoir, pour se complaire dans les ténèbres », fit-il en vidant une bouteille de vin.
« Toutes les lois régissant l’infiniment grand comme l’infiniment petit se réduisent finalement à deux lois morales : la fidélité et l’infidélité, c’est tout ce que dit le Coran. Par exemple, la fidélité est au fondement de la vie ; pour être plus précis, sans fidélité il n’y aurait pas de vie sur Terre : c’est la lecture parfaitement fidèle d’un brin de molécule d’ADN dans la biosynthèse de la molécule d’ARN qui fait que nous sommes vivants. Quant à l’infidélité, elle est au fondement de la mort, une cellule cancéreuse est par exemple celle qui rompt la fidélité dans la reproduction cellulaire, et qui fait proliférer cette infidélité au cœur de l’organisme qui en mourra », lui dis-je en le regardant dans les yeux cachés par ses trous de nez.
« Bla-bla-bla… Cette religion est une incitation permanente au meurtre, merde ! », hurla-t-il en s’envoyant une autre bouteille de vin.
« Les versets guerriers sont exclusivement contextuels mais sont malheureusement pris exclusivement au pied de la lettre. Les illettrés plongent au pied de la lettre, surtout quand ils sont riches à milliards. L’illettré idolâtre la lettre, logique. Et il ne comprend pas qu’il est dans l’idolâtrie, enfin, « l’idolettrie » ! Cette idolâtrie, par l’afflux des pétro-dollars, s’est malheureusement substituée aujourd’hui quasi-intégralement à l’esprit de l’islam. Et dire qu’Averroès, philosophe musulman, fut le premier à théoriser les principes philosophiques de la laïcité, telle que nous la connaissons aujourd’hui, dans son livre Discours décisif, cette laïcité à laquelle vous tenez tant », lui dis-je.
« Averroès, je m’en tape. Que l’esprit de l’islam reste dans le désert où il est né, et qu’il y reste avec la lettre, ça m’ira très bien », dit-il en engloutissant fièrement de la charcuterie par ses trous de nez.
« Ce sont des gens comme vous qui poussent cet esprit dans un désert de solitude, pour finalement – à leur insu ou pas – faire triompher le littéralisme dans toute sa brutalité », lui rétorquais-je.
« Pardon ? », dit-il les narines écumantes de rage. Puis il se mit à tousser a s’en arracher les poumons et gerba ses tripes par ses trous de nez, d’où s’échappa une fumée noire épaisse-tilentielle. En se levant, il tâtonna ici et là. « On n’en peut plus de ces voilées ! », vociféra-t-il.
« Une femme qui se voile car environnée par le vice, c’est compréhensible. Si elle se voile alors qu’elle n’est entourée que par la vertu, c’est déjà moins compréhensible. Si elle se voile face à des archanges c’est incompréhensible. Et si elle se voile face à Dieu, c’est totalement incompréhensible », dis-je en m’éloignant de l’étron de fumée. « Dehors l’islam ! », hurla-t-il et fit tomber accidentellement une lampe à huile qui enflamma ses cheveux. Alertée par ses hurlements, une vieille sorcière fécale accourut vers l’homme-torche. « Pierre, mon alter-ego ! », cria-t-elle en larmes en tentant de le secourir. « Christine ! Tu répandras mes cendres à Tel-Aviv… », hurla l’homme-torche-torché. En voulant le sauver, la vieille sorcière fécale s’y pris comme un manche à balai et brûla elle aussi comme une torche dans la nuit parisienne pas étoilée.