
Cette polémique a été initiée dernièrement par Madame Lahaye, auteure du livre Accouchement : les femmes méritent mieux aux éditions Michalon. Il faut bien comprendre que cette obligation faite à des femmes en plein travail d’accouchement qui peut durer plus de 10 heures relève de la torture. Cette obligation n’a d’ailleurs aucune justification scientifique réelle mais s’appuie sur une coutume stupide que les praticiens gardent sans aucune réflexion sérieuse ! On est plus face à des scientifiques rigoureux car on est ici beaucoup plus dans le domaine de la superstition. En d’autres termes, les médecins obligent 800 000 femmes chaque année à observer un jeun strict pendant de très longues heures alors que le risque d’inhalation de sucs gastriques est extrêmement rare ! Faut-il rappeler que les effets secondaires des péridurales qui sont beaucoup plus graves et beaucoup plus importants ne les empêchent pourtant pas de la proposer à toutes les femmes afin d’aller plus vite et de rentabiliser le service !
C’est ce genre de comportement mécanique et absurde qui dérange le plus lorsqu’il s’agit du corps médical. C’est ce genre de comportement qui a entraîné des scandales majeurs et meurtriers comme le Mediator… C’est encore une fois ce genre de manquements qui permettent à Big Pharma de prospérer et d’augmenter à chaque fois encore plus ses parts de marché et ses dividendes !
Le 14 mars, Marie-Hélène Lahaye, bien connue pour son combat contre les violences obstétricales, publie un tweet provocateur.
Elle y conseille aux femmes enceintes d’emporter à la maternité de quoi boire et manger. Elle joint à ce tweet une référence scientifique qui conteste la validité des interdits alimentaires pendant l’accouchement.
En France, dans beaucoup de maternités, il est encore interdit aux femmes de boire ou de manger pendant le travail, quelle qu’en soit la durée. Cet interdit provient de la crainte du syndrome d’inhalation bronchique, accident aussi rare que dramatique, dû au passage de sucs gastriques corrosifs dans les poumons d’un malade inconscient, notamment pendant une anesthésie. C’est pour cette raison que l’on recommande d’être à jeun avant une opération.
Comme elle s’y attendait sans doute, Marie-Hélène Lahaye a déchaîné sur Twitter la violence d’un accoucheur retraité. Ce qui est intéressant dans cette affaire, c’est que l’on est plutôt habitué à voir les médecins se faire agresser sur les réseaux sociaux par des complotistes aux théories fumeuses. Mais là, nous sommes en pleine médecine 2.0 : l’accès facile aux données scientifiques permet désormais aux patients d’argumenter preuve en main face à des médecins qui ne peuvent plus se draper dans l’argument d’autorité pour faire taire les impertinent(e)s. Et notre médecin de critiquer les données scientifiques, et de s’appuyer sur son expérience pour défendre son point de vue et critiquer violemment Marie-Hélène Lahaye.
Que dit la science ?
Les données scientifiques sont formelles : il n’existe aucun argument pour interdire aux femmes qui le souhaitent de boire pendant l’accouchement, soit de l’eau, soit des jus de fruit sans pulpe. La persistance de cet interdit est donc injustifiée ; d’ailleurs, les recommandations françaises et internationales autorisent ces boissons ; mais les vieilles pratiques ont la vie dure.
Pour ce qui est de l’alimentation solide, le débat est plus complexe : en cas de malaise grave ou d’anesthésie générale urgente chez une femme qui vient de manger un aliment solide, les données scientifiques disponibles sont plutôt rassurantes mais ne permettent pas d’exclure une augmentation du risque d’inhalation de sucs gastriques. Bien que cette complication soit très rare, il semble donc raisonnable de déconseiller aux femmes de manger pendant le travail, d’autant que les vomissements sont fréquents pendant l’accouchement.
Ce débat illustre un défaut encore très présent chez les médecins, qui est de promulguer des interdits pénibles et sans réel fondement pour faciliter leur tâche ou calmer leurs inquiétudes. Le problème est le même pour les prises de sang, dont la majorité ne sont pas influencées par la prise d’aliments, mais qui sont presque toujours prescrites à jeun, parce que c’est plus simple que de réfléchir au cas par cas.
L’évolution inéluctable de la médecine devra accepter l’idée que les patients ont le droit de demander la justification des contraintes qui leurs sont imposées, et de les contester lorsqu’elles apparaissent peu ou pas justifiées.
Merci à @Mariammin et à @nfkb pour leur aide
Dominique Dupagne Chroniqueur – France Inter